En 2000, 1 cas sur 34 a été rapporté. Treize ans plus tard, 1 homme sur 9 a brisé le silence. Il s’agit des chiffres avancés par le Central Statistics Office (CSO) dans son dernier rapport sur le genre (Economic & Social Indicator Report) en 2013, rendu public en juillet 2014 et concernant les hommes battus à Maurice.
La semaine dernière, l’exhumation du corps d’un habitant de Grand-Baie – ses proches soupçonnaient son épouse de l’avoir brutalisé – a, de nouveau, soulevé le sujet. Si la contre-autopsie a écarté la thèse d’un acte criminel, il est un fait que bien des hommes subissent les coups de leurs conjointes respectives, sont torturés psychologiquement et humiliés verbalement.
La honte d’en parler ouvertement ou sous le couvert de l’anonymat, l’ego, le regard des autres et les qu’en-dira-t-on sont autant de facteurs qui contribuent à faire de ce phénomène un sujet tabou et surtout peu exposé dans les médias. Cela, alors que l’on évoque souvent les femmes victimes de violence conjugale, dont le nombre, en 2013, était de 90,01 % sur un total de 1 786 cas rapportés.
Darmen Appadoo, le président de SOS Papa, a une explication toute faite. «Il y a cette perception que la femme est inoffensive, qu’elle ne peut pas faire de mal. Dès que c’est le contraire, on a du mal à l’admettre», soutient-il. Mais, ajoute-t-il, il y a d’autres raisons pour lesquelles un homme ne dénonce pas sa partenaire : «Dès qu’un homme va se présenter à la police pour dénoncer ce qu’il subit chez lui, on va se moquer de lui et il se sentira encore plus humilié. Par ailleurs, toutes les campagnes de sensibilisation faites par le gouvernement quant à la violence conjugale a toujours placé la femme en tant que victime. On a trop tendance à minimiser le phénomène des hommes battus. Or, lorsqu’on mène une campagne, il faut le faire dans son ensemble et tout dénoncer.»
Un véritable calvaire
Des hommes battus, dit-il, il en a côtoyé pas mal à travers SOS Papa : «L’ONG existe depuis 2008 et beaucoup d’hommes vivent un véritable calvaire chez eux. Certains en parlent ouvertement. D’autres non. Ils se confient au téléphone et ont honte de dévoiler leur identité. Ils sont rongés par la honte.» Pour les besoins de cet article, aucune victime de l’association n’a accepté de nous parler de ses souffrances. Même pas sous le couvert de l’anonymat, préférant se murer dans le silence, celui de la honte. «Dans des cas pareils, il est difficile d’ouvrir son cœur. C’est ce à quoi les femmes étaient confrontées dans le passé. Il y avait peu de cas rapportés, car il n’y avait pas vraiment de sensibilisation. Maintenant, tout a changé et elles osent dénoncer. Pour que les hommes leur emboîtent le pas, il faut aussi une bonne sensibilisation sur ce problème qui frappe toutes les couches sociales, sans distinction. Prenons l’exemple de ce haut fonctionnaire, battu et maltraité par sa femme qui occupe un poste important dans une firme privée», souligne Darmen Appadoo.
«S’il existe des sociétés patriarcales, il y a aussi un phénomène matriarcal, même s’il n’est pas très répandu. Quoi qu’il en soit, toutes les formes de violence sont inacceptables et doivent être dénoncées. C’est la mentalité de tout un chacun qui doit évoluer pour venir à bout de la violence», conclut-il. Car, oui, qu’elle soit conjuguée au masculin ou au féminin, la violence dans son ensemble est condamnable, tout court.