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Kris Etowar, 24 ans : La fin tragique d’un footballeur prometteur

Tous le considéraient comme l’étoile montante du football mauricien. À seulement 24 ans, Kris Etowar avait, à son actif, pas mal d’expérience, tant sur le plan local qu’international. Pourtant, ce jeune homme a commis l’irréparable, laissant sa famille, ses amis, de même que tout le milieu footballistique mauricien, dans l’incompréhension la plus totale quant aux raisons qui ont pu le pousser à bout.

La rage de marquer, le souci du petit détail qui pouvait mener à la victoire, la capacité de passer l’adversaire en contrôlant le ballon avec une précision déconcertante… Kris Etowar, 24 ans, avait toutes ces qualités et tant d’autres. Et c’est justement cette aptitude à faire la différence, qui avait amené ce jeune homme à effectuer des stages dans de grands clubs internationaux. Hélas, Golden Boy, comme on le surnommait dans le cercle sportif, s’en est allé dans des circonstances tragiques.

 

Le lundi 22 septembre, la nouvelle tombe et choque : Kris Etowar, un jeune footballeur prometteur, a mis fin à ses jours. Son corps a été retrouvé au domicile de son grand-père à Carreau-Calyptus, Sainte-Croix. Depuis, les interrogations se succèdent : pourquoi a-t-il fait un tel geste ? Avait-il des soucis ?

 

À ces questions, Marie-France, la mère de Kris Etowar, ne trouve pas de réponses. «Si seulement il s’était confié à nous. On aurait pu l’aider. La veille de sa mort, il a beaucoup pleuré. J’étais à ses côtés, impuissante, à le supplier, de toutes mes forces, de se confier à moi. En vain», raconte-t-elle, les larmes aux yeux. «J’en ai marre maman. Je n’en peux plus des bêtises qu’elle a faites.» C’est la seule phrase que Marie-France a pu lui soutirer. À ses côtés, Willy Rochat, son époux, ne comprend pas non plus le geste de Kris Etowar. «Un suicide, c’est pire que tout», lâche-t-il.

 

Marie-France, la mère de Kris, et son beau-père, un ressortissant suisse, sont dans l’incompréhension et cherchent des réponses.

 

Kris Etowar avait-il donc des problèmes d’ordre sentimental ? Nul ne le sait. Mais une chose est sûre, il s’était replié sur lui-même quelques jours avant de commettre son forfait. «Mon mari et moi étions en Suisse depuis le 15 juin. On est rentrés à Maurice le 18 septembre. Durant notre absence, on était en contact avec Kris assez régulièrement, par téléphone. Il n’avait rien laissé paraître. Il disait qu’il s’occupait de la maison, du chien, du jardin, etc. Mais lors d’une conversation, il avait formulé le souhait de s’installer en Suisse, d’y trouver un travail et de rejoindre un club de foot. Il m’a demandé de faire des démarches en ce sens pour lui. Tout était en bonne voie», confie Marie-France. «Et à notre retour à Maurice, il était à la maison, à Albion, pour nous accueillir. Les jours suivants, il s’était replié sur lui-même avant de fondre en larmes le dimanche 21 septembre. Je lui ai dit que tout allait s’arranger. Il avait d’ailleurs rendez-vous avec quelqu’un sur Skype, le lundi  22 septembre, au sujet de son départ pour la Suisse. Mais il s’en est allé alors qu’une nouvelle vie s’offrait à lui.»

 

Si ces derniers temps, Kris Etowar semblait plus triste, cela n’a pas toujours été le cas. À cinq ans déjà, il vouait une grande passion au football. «Enfant, il était hyperactif ; il ne tenait jamais en place. À l’école primaire, il prenait part aux compétitions sportives et avait même remporté un prix en jouant au tennis. Mais très vite, il s’est lassé de cette discipline. C’est le foot qui l’intéressait et il voulait à tout prix marcher sur les traces de son grand-père qui jouait au foot. C’est comme ça qu’un jour, je l’ai surpris en train de jouer avec un petit ballon en papier qu’il avait confectionné avec ses petites mains d’enfant», se souvient Marie-France.

 

Un modèle

 

Ces images, dit-elle, resteront à jamais gravées dans sa mémoire. Comme tant d’autres souvenirs : «Quelques jours plus tard, il est rentré de l’école et m’a dit qu’un entraîneur de l’école de foot était en visite dans son établissement scolaire et qu’il lui avait proposé de venir s’entraîner. Deux jours plus tard, ses savates dodo aux pieds et vêtu d’un short et d’un T-shirt, il s’est rendu à l’entraînement. Puis un jour, j’ai reçu la visite de cet entraîneur, Marcel Guillaume. Je lui ai expliqué que je n’avais pas les moyens d’acheter des équipements à mon fils et il s’en est chargé. Depuis, Kris était devenu son petit protégé.»

 

De fil en aiguille, le jeune Kris fait alors ses preuves. «Il a commencé par l’école de foot de St François Xavier. Il a participé à plusieurs compétitions au niveau local. Lors d’un tournoi, il a même été repéré par un entraîneur réunionnais qui lui a proposé un stage à l’île sœur, suivi de deux autres en France et en Angleterre, au sein de l’équipe Blackburn Rovers. Il faisait la fierté de la famille et de l’île Maurice toute entière», dit-elle.

 

Mais ces «années de gloire» ont, petit à petit, laissé place à des temps plus sombres. «Il avait été à Diego Garcia pendant deux ans. Il y travaillait comme peintre. De retour à Maurice, il a essayé de se remettre au sport, sans grand succès», confie-t-elle, des émotions dans la voix. La raison de cette baisse de forme serait, selon Marie-France, sa séparation d’avec la mère de sa fille unique, aujourd’hui âgée de cinq ans. «Ils formaient un couple très heureux. Mais ils se sont séparés. Je ne connais cependant pas les raisons de leur séparation, avance-t-elle. Mais après ce douloureux épisode, il avait fait la connaissance d’une autre jeune femme.» Serait-ce une querelle d’amoureux, comme certains l’attestent, qui aurait poussé Kris Etowar à mettre fin à ses jours ? «Je ne sais pas. On finira par connaître la vérité tôt ou tard», lâche Marie-France.

 

Malgré ces moments où le succès n’était pas forcément au rendez-vous, Kris Etowar faisait rêver les jeunes footballeurs, mais aussi tous ceux qui avaient placé leur espoir en lui. Et ce sont justement ses heures de gloire, sa passion pour le football et sa détermination à donner le meilleur de lui-même en toutes circonstances qu’ils garderont en souvenir de ce jeune footballeur prometteur, parti trop tôt, beaucoup trop tôt. 

 


Les dates à retenir

9 février 1990. Il voit le jour à Curepipe.

1997. Il intègre l’école de football de St François Xavier.

2000. Il est sacré champion de Port-Louis et meilleur buteur.

2001. Il remporte le trophée International, est élu meilleur joueur et meilleur buteur de la compétition.

2001. Il remporte le tournoi de l’AS Bretagne (à La Réunion).

2002. Stage avec le club réunionnais Excelsior et stage à Nantes. Il est aussi élu Most Promising Young Sportsman of the Year.

2004. Il termine sa formation à St François Xavier et effectue un stage de quatre semaines dans l’équipe des Blackburn Rovers.

2006. Il remporte le tournoi de la Commission de la jeunesse et des sports de l’océan indien.

2008. Il va travailler à Diego Garcia.

2010. Il rentre au pays.

2011. Il joue pour des clubs régionaux.

2014. Il joue pour le Pamplemousses SC.

 

Il a été en stage dans l’équipe anglaise Blackburn Rovers.

 

Il a dit…

Kris Etowar avait des rêves, des objectifs. 5-Plus dimanche l’avait rencontré en 2004, avant et après un stage effectué au club anglais Blackburn Rovers. Il nous confiait…

● «Mon rêve, c’est de porter le maillot rouge et blanc du Club M. Quand je regarde les Edouard, Spéville, Bayaram et autres Periatambee porter ce maillot, cela me donne envie d’être
à leur place.»

● «J’ai toujours aimé le football et, aujourd’hui, j’ai eu la chance de faire un stage à l’étranger. Je ferai de mon mieux pour profiter de cette opportunité qui m’aidera à progresser davantage.»

● «J’aime marquer des buts et c’est pour cela que j’ai choisi ce poste (NdlR : attaquant) qui, j’en suis conscient, n’est pas facile à occuper. Mais je le fais par amour et j’aimerais devenir un jour un joueur comme Ruud van Nistelrooj ou encore Cristiano Ronaldo.»

● «Je veux mettre en pratique ce que j’ai appris à Blackburn Rovers pour réaliser mon rêve de faire honneur à mon pays et au Club M.»

 


 

Hosman Gangate, entraîneur réunionnais :  «C’était un garçon attachant et respectueux»

Le talent de Kris Etowar dépassait les frontières mauriciennes. Le jeune homme était notamment connu à l’île sœur, où il avait effectué un stage. «J’ai découvert Kris lors du tournoi international de Port-Louis, en 2002. J’ai tout de suite été frappé par son sens du but et ses frappes puissantes. Dans le cadre d’un partenariat entre l’AS Excelsior, une équipe réunionnaise, et le FC Nantes, un club français, il avait effectué un stage à La Réunion, puis à Nantes où il s’est fait remarqué. Malheureusement, la réglementation de la FIFA (NdlR : Fédération internationale de football association) ne lui permettait pas de signer au FC Nantes, car il n’avait pas encore 18 ans à l’époque», se souvient Hosman Gangate, entraîneur réunionnais qui hébergeait Kris Etowar du temps de son passage à La Réunion.

Aujourd’hui, ce dernier se dit très affecté par la disparition du jeune homme, «un garçon très attachant et respectueux».

 


 

Le coach mauricien en compagnie de son protégé à l’île de La Réunion.

 

Marcel Guillaume, entraîneur :  «C’est un des meilleurs que j’ai formés»

Triste. Il l’est énormément depuis la mort de Kris Etowar, jeune footballeur qu’il avait pris sous son aile à ses débuts. Cet entraîneur d’une école de football en a vu des talents défiler sous ses yeux, mais il ne peut oublier Kris Etowar, ce jeune chez qui il avait décelé un talent indéniable. «C’est un des meilleurs joueurs que j’ai formés, assure Marcel Guillaume. J’ai eu l’honneur de l’entraîner pendant plus de huit ans et je vous assure qu’à ce jour, il n’y a pas de joueur de sa trempe.» Aujourd’hui, le chagrin le ronge tant il souffre du départ d’un de ses poulains. «Tout le monde a des soucis, mais il faut savoir les gérer. Kris était de nature timide et ne partageait pas vraiment ses problèmes avec les autres», explique Marcel Guillaume.

 


 

Confidences de joueurs

 

Ils sont nombreux à l’avoir côtoyé sur un terrain de foot. Certains en tant que coéquipiers, d’autres comme adversaires. Témoignages…

 

Kervin Mohabeer : «On a commencé notre carrière de footballeur ensemble, à l’école St François. Ma mère le considérait comme son fils. La première fois que j’ai vu Kris frapper dans un ballon, ça faisait peur ; il avait une force de frappe qui pouvait mettre K.-O. tous les gardiens de but adverses. J’ai perdu un grand ami.»

 

Cedric Barbe : «J’avais 14 ans et lui 15. L’équipe de St François jouait contre celle d’Abercrombie. Ce jour-là, il avait inscrit quatre buts. Je ne l’oublierai jamais. Il n’était jamais stressé sur le terrain, car il savait ce qu’il avait à faire. Il pouvait rivaliser avec les plus âgés que lui. Il faisait toujours preuve de fair-play et avait du respect pour les autres.»

 

Christopher L’Enclume : «Un de mes meilleurs souvenirs avec lui, c’est le match que j’ai disputé contre lui dans une finale. À l’époque, j’étais à l’école de foot de Cité Vallijee et lui faisait partie de celle de St François. Il fallait être très fort pour le contrer. Il aurait pu devenir un très grand footballeur.»

 

Curcy L’Enclume : «Je l’ai connu au collège et, pendant la récréation, il m’invitait à jouer au foot. C’était sa vie. Sa mort m’a choqué, car c’est un potentiel grand footballeur qui s’en est allé.»

 


 

Questions à… Samir Sobha, président de la MFA

«Nous avons tous une part de responsabilité»

 

Quel est votre ressenti suite à la mort de Kris Etowar ?

Je n’arrive toujours pas à croire qu’il est parti dans de telles circonstances, à la fleur de l’âge. Je le connaissais très bien. Je le côtoyais souvent et l’encourageais à rejoindre le Cercle de Joachim dans le but de relancer sa carrière. Je garde de lui de bons souvenirs, surtout celui d’un jeune homme simple et humble. Cela, malgré ses soucis personnels.

Comment expliquez-vous le geste de ce jeune au talent prometteur ?

C’est inexplicable. Ceux qui le connaissaient bien savent qu’il avait des problèmes d’ordre privé. C’est dommage que certaines personnes n’aient pas cru en lui. Il avait tout l’avenir devant lui. Le milieu du football mauricien est encore sous le choc.

Sa mort ne reflète-t-elle pas une faille dans le système actuel du football local ?

Au-delà de ses problèmes personnels, nous avons tous une part de responsabilité. Le sport, en général, est une échappatoire à tous les fléaux sociaux. La fin tragique de Kris Etowar doit tous nous interpeller. Il y a certainement une faille quelque part, car le plus talentueux footballeur de sa génération n’a jamais pu réussir en club. Cette transition n’a jamais pu se faire pour lui, mais aussi pour d’autres d’ailleurs. Ce sont des choses à repenser, à changer à l’avenir.

Que compte faire la Mauritius Football Association (MFA) pour encadrer les jeunes talents ?

La formation et la structure des jeunes sont appelées à changer. Dans le cadre de la professionnalisation en marge du championnat, il va de soi qu’il faudra revoir la formation. Une des options à considérer serait de libérer les jeunes de la structure fédérale plus tôt, afin qu’ils intègrent l’équipe junior des clubs.

La MFA compte-t-elle rendre hommage à Kris Etowar ? Dans quelle mesure ?

Certainement. Nous nous penchons actuellement sur la question au sein de la fédération. Kris Etowar devait être un des acteurs du projet de professionnalisation en rejoignant le Cercle de Joachim. La nouvelle saison démarre le 19 octobre avec le Charity Shield qui sera l’occasion de lui rendre un vibrant hommage.

 

 

Textes : Laura Samoisy et Rehade Jhuboo