• Il a été libéré sous caution après huit mois de détention préventive - Vishal Shibchurn : «Mo ena ankor bokou revelasion pour fer»
  • Le nouveau cabinet ministériel à la loupe - Kris Valaydon, observateur politique : «Le chantier est vaste pour le nouveau gouvernement...»
  • Des Junior Ministers «motivés»
  • Moi, ministre pour la première fois, je vais…
  • Au feu, les pompiers… sont enfin là !
  • Mare-Chicose en feu : le calvaire des villageois au bord de l'étouffement
  • 1ers Championnats d’Afrique d’air badminton : Maurice s’offre le bronze en équipe
  • Ruqayah B. Khayrattee met la femme en avant
  • Huawei Watch GT 5 Pro : du premium autour du poignet
  • Donald Trump, sa mission pour «sauver l’Amérique» et les «incertitudes»

Les «karne laboutik» de Peroomal Veeren : sur la piste des connexions mafieuses du trafiquant

Les carnets saisis dans la cellule de celui considéré  comme le Pablo Escobar de Maurice livrent peu à peu leurs secrets.

La saisie de plusieurs carnets appartenant à Peroomal Veeren permet aux enquêteurs de la brigade antidrogue mais aussi ceux de la commission anticorruption et  de la commission d’enquête sur la drogue d’avoir une idée plus nette sur cet important réseau dirigé par celui qui est considéré comme le Pablo Escobar de Maurice.

Non, ils ne contiennent pas la liste des commissions. Mais une liste de noms, de coordonnées, de transactions. Une mine d’informations pour les éléments de la brigade antidrogue mais aussi ceux de la commission anticorruption et de la commission d’enquête sur la drogue dans le sillage des enquêtes instituées après la saisie record de 157 kg d’héroïne dans le port. Ces karne laboutik, comme on les appelle dans le giron des enquêteurs, ont été saisis lors de fouilles dans la cellule de Peroomal Veeren, 40 ans, un trafiquant de drogue notoire qui purge actuellement une peine de 34 ans de prison. 

 

Il est soupçonné d’être le grand patron du trafic de drogue à Maurice, qu’il mènerait depuis sa cellule via téléphone portable et à travers un vaste réseau de gens qui travaillent pour lui et dont les noms se trouveraient justement, pour la plupart, dans ces fameux karne laboutik. Dont celui de Navind Kistnah, arrêté le samedi 15 avril après s’être enfui du pays le 8 mars, la veille de la première grosse saisie de 135 kg d’héroïne dans des compresseurs dans le port. Les deux auraient échangé plusieurs appels et textos, et le nom de Peroomal Veeren est d’ailleurs cité avec insistance, dans les milieux proches de l’enquête, comme celui derrière l’importation de cette drogue et d’autres cargaisons saisies dans le port. Ce qui ramène le tout à 157 kg d’héroïne. 

 

Toutefois, d’où il se trouve actuellement, le présumé baron Veeren ne contrôlerait plus rien. L’ancien vigile, habitant St-Pierre, est placé dans une cellule d’isolement à l’aile réservée jadis aux pirates somaliens depuis qu’il a proféré des menaces, il y a quelques semaines, contre un haut gradé de la prison. Il se serait mis dans une grande colère parce que, lors d’une descente ce jour-là, son smartphone et ses écouteurs avaient été saisis. L’administration pénitentiaire a renforcé la sécurité autour de lui. 

 

De leur côté, les enquêteurs planchent sur les fameux carnets saisis en plusieurs occasions dans sa cellule. Dans certains cas, les mêmes noms et numéros de téléphone reviennent. Selon nos informations, à chaque fois que les autorités pénitentiaires mettaient la main sur un de ses carnets, Veeren recommençait tout à zéro. Ils constituent en tout cas un véritable répertoire de trafiquants, selon des sources proches de l’enquête. 

 

«Partenaires»

 

Il y a d’abord une liste interminable de personnes soupçonnées d’être trempées dans le trafic de drogue. Les noms des présumés complices du caïd, écrits à la main dans une plutôt belle écriture, sont classés en ordre alphabétique. Dans certains cas, il y a des sobriquets. Le tout est accompagné des coordonnées des personnes concernées, dont plusieurs numéros à l’étranger : Inde, Afrique et Europe, entre autres. Les autorités mauriciennes n’écartent pas la possibilité de solliciter l’aide d’Interpol pour remonter jusqu’aux propriétaires de ces numéros de téléphone. 

 

L’un d’eux appartiendrait à un caïd ougandais, un dénommé Kanawanjee. Depuis plusieurs années, la brigade antidrogue le soupçonne d’alimenter le réseau de Veeren et ses deux fidèles acolytes, alias Nerf et Very Good, qui purgent eux aussi une peine de prison actuellement. L’Africain avait été arrêté à Maurice en août 1996 pour importation d’héroïne. Condamné à vie, il a cependant retrouvé la liberté il y a quelques années quand sa peine a été raccourcie. Il a alors pu rentrer chez lui. 

 

Après avoir épluché les carnets, les enquêteurs sont arrivés à la conclusion que Veeren contrôlerait un véritable cartel à partir de la prison, via ses smartphones. Ses «partenaires» emprisonnés et lui parleraient de leurs affaires lorsqu’ils se rencontrent dans la cour de la prison pendant leurs moments libres. Outre les personnes trempées dans le trafic de drogue, les fameux karne laboutik de Veeren contiennent aussi les noms de plusieurs avocats, dont des ténors du barreau. Il y en a plus d’une quinzaine, dont une VIP très impliquée dans la politique. Les services de certains avaient été retenus dans le passé pour défendre Peroomal Veeren en Cour concernant des délits de drogue. 

 

Outre des informations sur les personnes qui seraient impliquées dans le trafic et la distribution de drogue, le carnet du trafiquant contient des preuves de transactions financières très importantes avec des montants astronomiques. Il y a des numéros de comptes et la preuve que des gros montants ont été échangés en euros et en dollars. Certaines de ces informations ont d’ailleurs permis aux limiers de la commission anticorruption de faire tomber les premières têtes qui seraient mêlées au blanchiment d’argent de ce réseau. Trois personnes ont ainsi été arrêtées à ce jour : Dade Azaree, le patron de Gloria Fast Food, ainsi qu’Annette Gooljaury et Christelle Bibi. Cette dernière dirige un magasin à Curepipe. Celui-ci a un chiffre d’affaires conséquent, soit plus d’un million de roupies par mois, mais ouvrirait seulement une fois la semaine. Cette habitante d’Eau-Coulée, âgée de 27 ans, serait très proche de Peroomal Veeren à qui, selon des sources  policières, elle rendrait visite à la prison tous les 15 jours. 

 

«Policiers présumés véreux»»

 

Annette Gooljaury, qui habite Floréal et gère un restaurant à Mahébourg, serait également proche de Peroomal Veeren. Plusieurs bijoux en or massif ainsi qu’une grosse somme d’argent ont été retrouvés lors d’une perquisition chez elle. Les deux femmes ont comparu devant le tribunal de Port-louis avant d’être libérées sous caution.  Les carnets contiennent aussi les noms de quelques directeurs de bureau de change basés à Port-Louis, eux aussi soupçonnés de blanchir l’argent provenant du trafic de drogue de ce réseau. Ils sont déjà dans le collimateur des enquêteurs. 

 

L’un d’eux, un ancien banquier, serait très proche de Dade Azaree. Il montrerait des signes de richesse inexpliqués. En plus de traîner plusieurs casseroles, dont une affaire de vol en Asie et une autre de détournement de fonds dans une banque commerciale. Il sera bientôt invité à s’expliquer sur ses nombreux déplacements en Afrique du Sud, avec de grosses sommes d’argent en devises étrangères. 

 

Les enquêteurs s’intéressent aussi aux nombreuses cartes sim recueillies lors des différentes descentes dans le ward où se trouvait Veeren à la prison centrale avant son transfert en isolement. Il nous revient que les puces sont enregistrées sous différents noms : ceux de ses présumés complices ou ses acolytes ou encore de travailleurs étrangers qui sont à Maurice. 

 

Durant la semaine écoulée, un garde-chiourme a été convoqué devant la commission d’enquête sur la drogue à ce sujet. Son nom apparaîtrait dans le relevé des appels passés sur les sim cards en question. De plus, il aurait acheté plus d’une vingtaine  d’autres cartes sim à son nom. Il a expliqué ces achats en arguant que sa mère cachait régulièrement ses portables à cause de ses mauvaises fréquentations et qu’il lui fallait alors acheter d’autres portables et sim cards. Un assistant surintendant de prison a également été longuement interrogé sur les gros dépôts d’argent sur son compte bancaire personnel. Il raconte qu’il fait des petits boulots parallèles qui lui rapportent gros mais ses explications n’ont pas convaincu les trois commissaires. Les enquêteurs veulent savoir s’il a un lien avec les trafiquants de drogue emprisonnés, dont évidemment Peroomal Veeren. 

 

Dans cette optique, certains policiers présumés véreux sont également dans le collimateur de la brigade antidrogue et celle de la commission anticorruption. L’un d’eux est un inspecteur qui avait réalisé une grosse saisie de drogue dans le passé. Le travailleur social Ally Lazer avait d’ailleurs balancé son nom devant la commission d’enquête sur la drogue. Les policiers en question seront appelés à déposer devant la commission sur la drogue bientôt. Ils devront surtout s’expliquer sur leurs biens acquis depuis leur entrée dans la force policière.

 

Les informations disponibles dans les carnets de Veeren laisseraient en tout cas comprendre que Navind Kistnah n’est qu’un maillon de ce vaste réseau. Il ne faisait, semble-t-il, qu’exécuter les ordres venues d’en haut, sans prendre lui-même d’initiative. Il s’avère toutefois que, ce faisant, il connaîtrait beaucoup de choses sur le fonctionnement du réseau, ses membres et surtout le grand patron. Ce qui fait de lui une carte maîtresse qui peut aider à mettre à mal ce véritable cartel. En plus des informations contenues dans les carnets de Peroomal… 

 

Le seul hic, c’est qu’il n’y a toujours pas de coordination entre la brigade antidrogue, la commission anticorruption et les enquêteurs de la commission d’enquête sur la drogue. Ce qui pourrait jouer en faveur du caïd Veeren et de ses présumés complices.

 


 

Les fréquentes visites d’avocats interpellent

 

Le défilé de certains avocats à la prison pour aller rendre régulièrement visite à des trafiquants n’a pas laissé insensible les autorités. Lors de la Passing Out Parade de 63 nouveaux gardes-chiourme, le mercredi 26 avril, sir Anerood Jugnauth, ministre mentor et ministre de la Défense, a fait comprendre qu’il y aura un durcissement de la loi à ce sujet. Les hommes de loi devront désormais remplir une fiche de demande avant d’avoir accès à leurs clients respectifs. L’administration pénitentiaire soupçonne des avocats véreux d’avoir déjà comploté avec des détenus dans le passé pour faire entrer de la drogue, des portables et autres accessoires en prison. Selon nos informations, les hommes de loi en question seront bientôt convoqués pour s’expliquer devant la commission d’enquête.

 


 

Le grand déballage de Navind Kistnah se fait toujours attendre

 

Des têtes vont tomber, disait sa famille. Sauf que depuis son arrestation, seulement des «ti poson» ont été arrêtés, dont le bookmaker clandestin Imteeaz Baccus. Ce dernier fait l’objet de deux charges provisoires : drug dealing with aggravating circumstances et causing importation of heroin with averement of trafficking. Ce qu’il nie. À ce jour, Navind Kistnah n’a consigné qu’une seule déposition alors qu’il a été rapatrié du Mozambique vers Maurice depuis le 15 avril. 

 

Durant la semaine écoulée, il a été interrogé sur son séjour en Afrique du Sud ainsi que son arrestation au Mozambique. Son avocat Rama Valayden a assisté à son interrogatoire Les proches du jeune homme ont également retenu les services de Me Neelkant Dulloo. La brigade antidrogue prévoit de continuer l’interrogatoire de Navind Kistnah, accusé provisoirement d’importation de drogue, ce mardi 2 mai. 

 

Lors de sa deuxième comparution en Cour sous haute protection, le lundi 24 avril, la police a, une fois de plus, objecté à sa remise en liberté sous caution et il a été reconduit en cellule. Les deux hommes de loi de Navind Kistnah n’ont pas souhaité faire de commentaires. Les informations sont également filtrées au niveau du quartier général de la brigade antidrogue. Selon nos informations, Navind Kistnah négocie pour obtenir l’immunité avant de commencer le grand déballage. On en saura plus dans les jours ou les semaines à venir. Pour l’heure, c’est motus et bouche cousue.

 

En attendant, le suspect est placé sous haute surveillance dans le quartier général de la brigade antidrogue. Des éléments de la Special Supporting Unit surveillent sa cellule 24h/24 mais n’ont pas le droit de lui parler. Il n’y a pas de lavabo dans sa cellule et la nourriture est strictement contrôlée pour éviter toute tentative d’empoisonnement. 

 


 

Deux ténors du barreau s’expliquent sur leurs liens avec Veeren

 

Les noms de ces deux avocats figurent dans la liste des avocats dont les services ont été retenus par Peroomal Veeren dans le passé. «Je confirme que je suis son avocat. Son épouse et sa sœur ont fait appel à mes services à plusieurs reprises en passant par mon cabinet. Ainsi que sa défunte mère dans le passé. Cela dure on & offdepuis plus de 10 ans. Pour ce qui est de mes honoraires, le paiement passe via la personne qui est responsable de la comptabilité à mon étude», nous dit le premier. Le second ténor confirme également que ses services ont été retenus par le présumé trafiquant mais pour une raison précise : «Je ne l’ai jamais défendu pour ses affaires de drogue. C’était pour une affaire au civil. Son épouse avait fait appel à mes services. Le paiement de mes feesne concerne personne. Sauf la Mauritius Revenue Authority

 


 

Traitement VIP pour Hans Ballah ?

 

Hans Ballah, 37 ans, parenté aux Jugnauth et au secrétaire au Cabinet, bénéficie-t-il d’un traitement de faveur ? Cet habitant d’Ébène a été arrêté par la police le 19 avril et fait l’objet d’une accusation provisoire d’importation de drogue. Toutefois, il n’a pas passé un seul jour en cellule. Après son arrestation, il était convenu qu’il soit placé en détention au poste de police de Rivière-des-Anguilles mais il a été amené à l’hôpital de Rose-Belle car il disait ne pas se sentir bien. Il a, ensuite, été placé en détention sous surveillance à l’hôpital de la prison, avant de revenir à la Detainee Ward de l’hôpital de Rose-Belle le mercredi 26 avril. Jour où il a comparu en Cour à nouveau. Le Premier ministre Pravind Jugnauth martèle sans cesse depuis la saisie record de 157 kg d’héroïne qu’il sera sans pitié contre les trafiquants. L’opposition, elle, craint un éventuel cover up dans ce cas précis.