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Mahima, 13 ans, se suicide

Des élèves ont manifesté devant le collège, lundi. Des parents ont fait de même deux jours plus tard, pour exprimer leur colère.

Chaque jour de plus est un jour de trop pour les Jorry, tant la douleur d’avoir perdu leur fille est immense. Cette élève du collège Hindu Girls a mis fin à ses jours pour des raisons qu’elle est la seule à connaître. Ses parents, Kishore et Devianee Jorry, n’espèrent qu’une chose : que la lumière soit faite sur les circonstances ayant poussé celle qui leur était si chère à commettre l’irréparable.

Il y a un peu plus d’une semaine, une dure épreuve est venue bouleverser leur quotidien. Le mercredi 10 septembre, Kishore et Devianee Jorry, des habitants d’Allée-Brillant, ont perdu leur fille, Beena Devi Joory, connue sous le sobriquet de Mahima, âgée de 13 ans. Ce jour-là, cette élève du collège Hindu Girls – elle était en Form II – a mis fin à ses jours en se jetant dans un bassin de sa localité. Le rapport d’autopsie révèle qu’elle a succombé à une asphyxie due à la noyade. Les funérailles de la jeune fille ont eu lieu le samedi 13 septembre.

 

À ce jour, nul ne sait pourquoi elle a commis un tel acte de désespoir. D’autant plus que la jeune fille était connue pour être vive et enjouée. Mais l’irréparable a été commis et Mahima a emporté avec elle un lourd secret, celui des circonstances qui l’ont poussée à en finir avec la vie.

 

Pourtant, la veille du drame, rien ne laissait présager qu’elle s’apprêtait à mettre fin à ses jours, relatent des proches. Aucun signe de tristesse. Aucune trace de désespoir. Elle est rentrée du collège à l’heures habituelle, sans le moindre signe d’abattement, raconte une tante. Elle aurait dîné avec sa famille et discuté avec son frère, comme à son habitude. Qu’est-ce qui a donc pu la pousser à bout ? Kishore et Devianee n’ont pas la réponse à cette question. Et ils ont du mal à voir la lumière au bout du tunnel. Mais déterminés à y voir plus clair, ils ont retenu les services de Me Viren Ramchurn (voir hors-texte).

 

En attendant, chacun y va de son hypothèse quant aux raisons du suicide de Mahima. Tout serait parti d’une histoire de portable «volé», la veille du drame, le mardi 9 septembre. D’une part, des amies de la jeune fille soutiennent qu’elle aurait été humiliée devant toute sa classe, par Padma Seewooraz, la directrice du collège Hindu Girls. Cette dernière, allèguent-elles, l’aurait notamment traitée de voleuse lors d’une fouille. Au sujet de ce fameux portable, les versions divergent.

 

Selon des élèves de l’établissement, Mahima aurait ramassé un portable dans un autobus dans la matinée, en se rendant à l’école. Celui-ci appartiendrait à une autre élève du collège Hindu Girls. Un receveur d’autobus, qui effectue le trajet Allée-Brillant/Curepipe, confirme leurs dires.

 

Mais une fois à l’école, Mahima n’aurait pas eu le temps d’informer la direction du collège à ce sujet car il était l’heure pour elle d’aller en classe. Entre-temps, une collégienne aurait signalé la disparition de son portable à la direction. Padma Seewooraz aurait alors procédé à une fouille sur des élèves, expliquent nos interlocutrices qui ajoutent que c’est à ce moment-là que deux portables ont été retrouvés dans le sac de Mahima, soit le sien et un autre appartenant à l’élève ayant porté plainte. Là, affirment des élèves de la classe, la directrice de l’établissement l’aurait traitée de voleuse, tout en la prévenant qu’elle la dénoncerait au moment de l’assemblée. Ce que dément fortement l’avocat de Padma Seewooraz, Me Prakash Bheeroo (voir plus loin).

 

Les méthodes de la directrice

 

À en croire une autre version des faits, Mahima aurait emporté le portable d’une autre collégienne, dans les vestiaires. Après quoi, cette dernière l’aurait dénoncée à la direction. Les deux filles auraient, par la suite, été appelées dans le bureau de la directrice pour une fouille qui aurait permis de retrouver le portable «volé» dans le sac de Mahima. Mais cette version des faits, ils sont nombreux à la contester. «Si li ti kokin portab la vremem li ti pou fini tir sim ladan pou li pa sone ek li ti pou fini kasiet li olye mars ar sa dan so sak lekol», avance une collégienne. D’aucuns n’hésitent d’ailleurs pas à dénoncer plutôt les agissements de Padma Seewooraz. «Elle a pour habitude d’humilier, de menacer et de maltraiter les gens. Elle est très vulgaire. Elle fait fi des règlements du collège en les changeant quand bon lui semble. Elle n’est pas appréciée par une bonne partie des élèves, mais aussi par certains membres du personnel du collège pour ces raisons», affirme une ancienne élève du collège Hindu Girls.

 

Padma Seewooraz compte, en effet, de longues années de service dans cet établissement secondaire. Elle a débuté dans le secrétariat, puis a gravi les échelons jusqu’à se lancer dans l’enseignement de l’anglais et du français. «Elle a toujours eu le soutien du conseil d’administration de par les résultats qu’elle produit. Elle n’est pas appréciée par certains car elle est stricte en ce qui concerne la discipline. On ne l’aime pas parce qu’elle est très sévère avec les étudiantes. Avant elle, il y avait un laisser-aller général. Ça va mieux depuis qu’elle est là», avance un membre de la Parent-Teacher Association (PTA) du collège Hindu Girls.

 

En 2010, Padma Seewooraz était partie à la retraite. Mais le conseil d’administration a de nouveau fait appel à ses services en 2011, en la nommant au poste de directrice. Mais un drame est venu mettre en cause les méthodes disciplinaires appliquées par Padma Seewooraz. C’est pourquoi des parents ont manifesté devant le collège le mercredi 17 septembre, réclamant une enquête sur les méthodes disciplinaires de l’école. Interrogée au sujet de cette affaire, la présidente de la PTA s’est refusée à tout commentaire car des enquêtes – celles de la police, de la Private Secondary School Authority et du bureau de l’Ombudsperson for children – sont en cours. Le ministère de l’Éducation suit également l’affaire de près.

 

Pendant ce temps, les jours passent et les Joory pleurent toujours leur fille. Elle qui était, disent-ils, très pieuse et se passionnait pour la lecture, la musique et la danse, sans compter qu’elle était très active sur le plan social. Ils ne souhaitent qu’une chose, éclaircir tout le mystère autour de son décès. «On veut la vérité. Aidez-nous à faire la lumière sur sa mortt», clament-ils. Le frère aîné de la victime, âgé de 16 ans, est également inconsolable. Le jeune homme, qui va prendre part aux examens du School Certificate dans quelques jours, est actuellement suivi par un psychologue du ministère de la Femme et du Bien-être de la famille, tout comme ses parents.

 

Trouver la paix alors que l’on ignore tout de la vérité peut s’avérer difficile. Et cette terrible souffrance, les Joory ne la souhaitent à personne. «Zordi, akoz enn portab, Mahima kapav inn mor. Dime, enn lot zelev kapav swisid li akoz enn liv ou enn plim», lâche Pravin, l’oncle de Mahima. Les Joory vont «mener un combat pour que l’histoire de Mahima ne se reproduise pas», soutient une tante. Mais ils ne veulent pas brusquer les choses. «Il n’y a pas de preuve, à ce jour, qui indique que Mahima ait été humiliée. La famille n’envisage donc pas de poursuites. Du moins, pour le moment. Nous attendons des preuves concrètes incriminant la directrice», précise Pravin.

 

Les différentes enquêtes en cours apporteront-elles des réponses à leurs questions ?

 


 

Me Prakash Bheeroo, avocat de Padma Seewooraz : «Ma cliente est innocente»

 

Il persiste et signe : la directrice du collège Hindu Girls «n’a rien fait de mal». Au contraire, avance Me Prakash Bheeroo, Padma Seewooraz est une personne très calme, qui a beaucoup fait pour le collège. «Elle accorde beaucoup de temps aux élèves», dit-il.

 

Pour notre interlocuteur, aucun doute, «ma cliente est innocente». D’ailleurs, poursuit-il, seul un parent a contacté la présidente de la PTA pour avoir des explications au sujet du suicide de Mahima : «Ma cliente n’a rien à voir avec le suicide. Je pense que la victime avait d’autres problèmes.»

 

Me Prakash Bheeroo apporte d’ailleurs une énième version des faits au sujet des événements du mardi 9 septembre. Selon lui, après l’assemblée, un parent serait venu à l’école pour signaler le vol du portable de sa fille qui, elle, soupçonnait Mahima. Informée, Padma Seewooraz  aurait convoqué les deux filles dans son bureau, entre 8h45 et 9 heures, en présence de Mme Dulloo, Section Leader. «Il n’y a pas eu de fouille. Quand Mahima a déplacé ses livres, on a vu deux portables dans son sac. C’est à ce moment-là qu’elle a été interrogée. Elle a d’abord dit avoir ramassé le téléphone dans l’enceinte de l’école, avant de changer de version et de déclarer l’avoir ramassé dans l’autobus», avance l’avocat.

 

Une fois le portable retrouvé, le parent qui était venu porter plainte, dit-il, n’a pas souhaité aller plus loin dans cette histoire. Mais dans l’après-midi, la Section Leader a convoqué la maman de Mahima. Cette dernière n’étant pas libre, explique Me Prakash Bheeroo, rendez-vous a été pris pour 10h30 le lendemain matin. «Elle s’est suicidée au lendemain des faits. Comment peut-on tenir Padma Seewooraz  responsable de la mort de cette adolescente ?» demande-t-il.

 

Padma Seewooraz ainsi que Mme Dulloo ont été interrogées jeudi par la police. Le lendemain, elles ont été appelées à donner des explications aux officiers de la PSSA. Le tout en présence de Me Prakash Bheeroo. Ce dernier, à l’approche des examens, a conseillé à sa cliente de prendre quelques jours de congés. L’Ombudsperson for children a également convoqué Padma Seewooraz. Cette dernière est appelée à se présenter au bureau de cette instance le 23 septembre.

 


 

 

Me Viren Ramchurn, l’avocat de la famille : «Il va falloir situer les responsabilités»

 

Ses services ont été retenus par la famille Joory afin qu’il l’aide à lever le voile sur le mystère entourant le décès de Mahima. Pour Me Viren Ramchurn, une chose est sûre, «il va falloir situer les responsabilités avant d’envisager des poursuites. Je comprends la colère des filles du collège Hindu Girls car cette histoire aurait pu être traitée d’une autre façon. Je vais suivre les différentes enquêtes pour situer les responsabilités».

 

Me Viren Ramchurn dit également partager la peine de ses clients : «La famille veut connaître les circonstances qui ont poussé Mahima à se suicider. C’était une famille soudée. La fin tragique de Mahima doit servir d’exemple.»

 


 

Cinq enseignants appelés à s’expliquer

 

Ils vont devoir rendre des comptes. Cinq enseignants du collège Hindu Girls sont appelés à s’expliquer devant la direction de l’établissement dans les jours à venir. Yahya Paraouty, président de l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE), explique : «Ce matin (NdlR : hier), nous avons rencontré cinq enseignants qui ont reçu une lettre leur demandant de s’expliquer car ils auraient été vus dans la manifestation des élèves, lundi. Or, selon leurs explications, après l’assemblée, ce jour-là, plusieurs élèves ont décidé de ne pas entrer en classe et de manifester sur la main road. Les enseignants sont partis calmer les choses. Ils m’ont dit qu’à aucun moment, ils n’ont donné de mot d’ordre. L’UPSEE leur a fourni un avocat.»

 


 

Questions à… Véronique Wan, psychologue

 

Qu’est-ce qui a bien pu pousser une adolescente à commettre l’irréparable à seulement 13 ans ? Éléments de réponse avec la psychologue Véronique Wan.

 

Les hypothèses sont nombreuses au sujet de ce drame. Quel est votre avis ?

 

Cette adolescente a pu faire une dépression qui n’a pas été détectée à temps. Peut-être avait-elle des problèmes familiaux, des soucis qui s’étaient accumulés dans sa petite tête. Ou alors était-elle désespérée ou en pleine crise d’adolescence. Cet acte est assurément dû à de mauvaises pensées. C’est sans doute un événement qui a surgi subitement ou une accumulation de stress qui l’a poussée à commettre le pire.

 

Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un jeune à mettre fin à ses jours ?

 

Il existe, chez les jeunes, des dépressions masquées. Les raisons qui peuvent les pousser à bout sont peut-être liées une perte d’intérêt pour eux-mêmes, une accumulation de stress, une expérience mal vécue ou encore une déception amoureuse. Certains vivent mal la crise d’adolescence. Cela peut aussi les faire basculer vers des pensées négatives.

 

Y a-t-il des signes annonciateurs d’un éventuel acte de désespoir ?

 

En général, quelqu’un qui va faire une tentative de suicide émet des signes d’alerte. Par exemple, il envoie des messages d’adieu à ses proches ou se renferme sur lui-même. Des dessins à caractère morbide, l’écriture de choses négatives ou l’automutilation doivent aussi alerter.

 

Comment surmonte-t-on le suicide d’un proche ?

 

Ce n’est pas évident. Les parents et proches se sentent démunis et crient à l’injustice. Ils se sentent toujours coupables. Il y a beaucoup de reproche et de colère. C’est une terrible et douloureuse épreuve.