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Mon quotidien dans la pauvreté

Yolande Fidèle et les siens habitent une maison sans électricité.

Si l’on en croit les chiffres officiels, quelque 26 000 familles mauriciennes vivent sous le seuil de la pauvreté. Parmi, 7 000 dans un état d’extrême pauvreté. La Résidence Bethléem, à Rose-Belle, fait partie de ces régions où le manque de ressources est apparent. Dans le cadre de la Journée mondiale du Refus de la Misère, observée chaque 17 octobre depuis 1992, nous sommes allés à la rencontre de Mauriciens qui peinent à sortir de ce cercle vicieux.

Mardi, à la Résidence Bethléem, la nuit pointe le bout de son nez. Comme chaque jour, à la même heure, Hérold Adeline, 57 ans, et les siens tentent de grappiller ça et là, histoire de se trouver de quoi se remplir l’estomac. En farfouillant dans la bicoque en tôle qui leur sert de cuisine, Aline, l’épouse de Hérold, âgée de 52 ans et femme au foyer, tombe sur un petit sac contenant quelques pommes de terre. Elle décide alors de les couper en rondelles et de les faire cuire à l’étouffée. Elle fait également cuire le riz ration au feu de bois. 

 

En attendant la fin de la cuisson, Aline profite des dernières lueurs du jour pour cueillir ce qu’il reste de brède chouchou à l’arrière de la maison. Ce qu’elle compte en faire ? Un bouillon. Ce soir-là, voilà ce qui est prévu au menu de cette famille composée de 13 personnes. 

 

Si, au départ, Aline voulait cuire les œufs de son poulailler, les rats ont, une fois de plus, gâché ses plans. Qui plus est, son époux, qui est aide-maçon, est rentré bredouille. «Nous sommes dans la même situation presque tous les jours. Nous avons cinq enfants. Deux d’entre eux vivent en concubinage avec leurs compagnes respectives. Nous avons également quatre petits-enfants. Tous ceux qui travaillent n’ont pas d’emploi fixe. C’est pour cela que nous avons de gros soucis financiers», explique Aline.

 

Cela fait dix ans qu’elle habite à la Résidence Bethléem. «C’était la maison de mes parents. J’en ai hérité lorsqu’ils sont décédés. Ma famille a toujours vécu dans la misère. Nous n’avons jamais eu les moyens de payer des leçons particulières à nos enfants. Mon époux doit souvent chercher de la vieille ferraille pour avoir un peu d’argent afin de subvenir aux besoins de la famille. Ena fwa li gagn travay zis de zour par semenn. So la zourne se Rs 500. Nu lavi byen dir», lâche-t-elle. 

 

Vivre au jour le jour

 

L’association Sa Nou Vize, qui œuvre auprès des plus démunis, n’est pas restée insensible au désespoir de cette famille. C’est pourquoi cette ONG, coordonnée par le chanteur Alain Auriant, a décidé de lui apporter son soutien. Ainsi, elle a mis des briques et des feuilles de tôle à sa disposition, afin de remplacer les séparations en amiante de sa maison.  

 

Les Adeline ne sont pas les seuls à vivre dans une situation d’extrême pauvreté. Yolande Fidèle, 81 ans, broie également du noir. «Mo lakaz inonde sak fwa lapli tonbe. Nous n’avons pas d’argent pour améliorer notre quotidien. J’ai deux fils. Le premier est malade et ne travaille pas, et le second travaille comme Cleaner deux fois la semaine, en temps de foire. Je ne vis, pour ma part, que de ma pension de vieillesse. Nous avons également des enfants en bas âge sous notre toit», explique-t-elle.

 

Quelques mètres plus loin, Benjamin Momplé, 50 ans, vit un autre drame. Cela fait presque un mois que sa famille vit sans électricité. «Pena kas pu peye. Nu dwa Rs 5 000», dit-il. Cela fait bientôt cinq ans que ce maçon a cessé de travailler pour des raisons de santé : «Je suis diabétique. On m’a amputé trois orteils au pied droit et deux autres au pied gauche. J’ai trois filles sous ma responsabilité : l’aînée a 17 ans, la cadette 14 ans, et la benjamine 12 ans. Je perçois une aide de Rs 5 500 par mois de l’État. Cette somme représente une Basic Invalid Allocation, mais aussi une aide financière pour ma cadette et ma benjamine qui sont toujours scolarisées. Ma femme Rekha, 49 ans, travaille comme Cleaner une heure par jour. Elle ne touche que Rs 2 000 par mois. C’est tout ce que nous avons pour notre famille.»

 

Benjamin et Rekha habitaient également une vieille maison dont les séparations étaient en amiante. Celle-ci date de 1960. Le Trust Fund a alors mis des tôles et du bois à leur disposition. C’était quelque temps après la fin tragique de leur fille Samantha. Il y a huit ans, cette adolescente de 17 ans a péri dans un accident de la route. Cela, alors qu’elle attendait un enfant. Les Momplé ne se sont jamais remis de ce terrible drame. Et leur mode de vie précaire ne contribue en rien à leur apporter un peu de réconfort. «Sa ti kas ki nu gagne la fin di mwa la servi zis pu pey det. Nous vivons au jour le jour en achetant à crédit à la boutique du coin. Nu pa kone ki sa ve dir sipermarse. Ena zour nu manz zis diri toufe bred ek grin sek parski pwason sale osi enn luxe aster. Rs 30 enn bout. Nu a cinq dan lakaz. C’est ma femme qui gère les finances. Je la remercie d’ailleurs pour cela, car elle fait un travail énorme tous les jours pour nous permettre d’avoir de quoi manger», souligne Benjamin.

 

Améliorer son quotidien. C’est tout ce qu’il souhaite, tout comme tant d’autres habitants de la Résidence Bethléem. En attendant, il vit avec les moyens du bord, dans l’espoir de jours meilleurs.