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Offensive de Boko Haram

Leben Habila Gapsiso Mu’Azu  et Adesewa Josh, deux  journalistes  nigérianes, font leur métier dans la peur depuis l’offensive de Boko Haram.

«Folie destructrice», «carnage», «atrocité»… les mots ne sont pas assez forts pour décrire la scène d’horreur qui se joue actuellement dans le nord-est du Nigeria. Boko Haram, un groupe d’islamistes intégristes, a lancé la pire des offensives meurtrières depuis le 3 janvier. Le bilan, à ce jour, est impossible à définir. Mais on évoque 2 000 morts. Leben Habila Gapsiso Mu’Azu et Adesewa Josh, deux journalistes nigérianes, nous parlent de l’horreur…

Dans le nord-est du Nigeria, les rues sont désertes. Des milliers d’habitants ont pris la fuite et ceux qui y vivent encore n’osent plus sortir. Dans les villages rasés par Boko Haram, des centaines de cadavres sont laissés à l’air libre. Alors que le monde avait les yeux rivés sur le terrible attentat terroriste qui a eu lieu à Paris contre le journal satirique Charlie Hebdo et dans un supermarché Hyper Cacher, un autre terrible et sanglant drame se jouait de l’autre côté du globe. Au cours de ces derniers jours, les pires horreurs ont été commises par le groupe d’islamistes intégristes qui a lancé son offensive dans cette partie du pays.

 

Leben Habila Gapsiso Mu’Azu, journaliste à Voice of Nigeria, à Abuja, capitale du Nigeria, est originaire de la région du nord-est où, dit-elle, les ravages commis par les insurgés de Boko Haram font froid dans le dos : «L’atmosphère y est plus que jamais tendue. Les gens ont peur pour leur vie. Toute ma famille y vit encore et nous avons perdu plusieurs êtres chers.» Bien qu’elle soit protégée dans la capitale où elle vit avec son époux et ses enfants, cette journaliste ne peut s’empêcher de penser et de se faire du souci pour sa famille et ses amis, mais aussi pour le sort qui a été réservé à sa ville natale. «Les activités sociales et religieuses n’ont plus lieu. Je reviens tout juste de mes vacances de Noël et chaque rencontre était considérée comme la dernière, car nul ne sait s’il sera en vie demain», raconte-t-elle.

 

On décrit les ravages menés par Boko Haram comme étant le pire massacre jamais perpétré par ce groupe islamiste. En avril 2014, 237 lycéennes avaient été enlevées. Cet événement avait vu le soulèvement d’une vague d’indignation sous le nom de #bringbackourgirls, qui avait connu un retentissement mondial. Sauf que, cette fois, Boko Haram est définitivement passé à l’offensive, laissant sur son passage des centaines de morts. Entre le 3 et le 7 janvier, le mouvement islamiste a mené sa pire attaque dans la région du nord-est de ce pays – où il revendique la création d’un état islamique et l’application de la charia –, faisant, selon Amnesty International, quelque 2 000 morts dans les villages de Baga, qui se trouvent sur les rives du lac Tchad, et de Doron Baga, qui ont été complètement rasés de la carte.

 

Cette atrocité est le pire massacre en six années d’insurrection. Un bilan décrit comme étant «sensationnaliste» par l’armée nigériane, qui a ramené le nombre de victimes à 150, alors que les images satellitaires d’Amnesty International démontrent clairement la barbarie extrémiste de Boko Haram.

 

Quand il s’agit de parler de l’action du gouvernement nigérian contre Boko Haram, Adesewa Josh, reporter et présentatrice télé pour Channels Television à Lagos, ne fait pas dans la langue de bois : «La volonté politique de retarder les opérations de Boko Haram, simplement en la privant de sa source de force, se trouve entre les mains du gouvernement fédéral ! Il n’y a aucune excuse excusable. La Constitution du Nigeria stipule clairement que la protection de la vie et de la propriété est le travail numéro un du gouvernement.» Selon cette dernière, les signes d’un tel désastre étaient là : «La bataille a été de longue haleine. Il y a eu des signes qui laissaient présager un tel massacre. Ce que vous voyez en ce moment, ce sont des plaies purulentes. Toutefois, la bataille semble plus féroce maintenant, à cause des rapports d’infiltration au sein de l’armée.»

 

Les pires atrocités

 

En effet, durant ces quelques jours, ces djihadistes ont commis les pires atrocités qui soient, décimant, jusqu’à présent, 16 villes et villages, brûlant des maisons et des commerces, kidnappant et tuant des centaines de femmes et d’enfants, poursuivant leur offensive monstrueuse dans les pays voisins du Nigeria, comme le Tchad, le Cameroun ou le Niger. «Mon jeune frère a dû fuir au Cameroun, car la ville où il travaillait a été attaquée par la secte Boko Haram. Ils ont passé des jours dans la brousse avant de finalement échapper à la sécurité», nous raconte Leben Habila Gapsiso Mu’Azu. Cette maman n’a pu contenir son émotion lorsqu’elle a appris que les Islamistes ont tué, il y a trois jours, une femme en plein accouchement, ainsi que plusieurs enfants.

 

Face à cette tuerie sans nom, des milliers d’habitants ont fui pour trouver refuge à Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, ou au Tchad qui a engagé la lutte armée contre Boko Haram et envoyé des troupes au Cameroun pour combattre ces forces djihadistes. Malgré le danger présent actuellement au Nigeria, Adesewa Josh et Leben Habila Gapsiso Mu’Azu essaient au mieux de faire leur métier de journalistes en prenant, bien évidemment, toutes les précautions nécessaires. C’est ce que nous explique la journaliste de Voice of Nigeria : «Je me protège en rapportant uniquement ce que je vois et en évitant les injures ou connotations racistes. Certains disent que les insurgés ont infiltré notre lieu de travail. Du coup, nous devons être très prudents dans notre manière de traiter ces attaques.»

 

Adesewa Josh explique, elle, avoir été formée pour couvrir les histoires dans les zones de guerre, «même si je dois dire que la menace est toujours là, car une fois que votre couverture est soufflée, cela pourrait vous être fatal».

 

Selon ces deux journalistes, les prochaines élections, qui devraient se tenir dans quelques mois, seront déterminantes pour le pays et sa lutte contre Boko Haram. Pour Leben Habila Gapsiso Mu’Azu, les Nigérians ne veulent plus vivre dans le chaos : «Nous voulons la paix et vivre comme un peuple uni.» En attendant, Boko Haram continue ses attaques.

 


 

Tout savoir sur Boko Haram

 

C’est quoi ?

 

Le nom officiel du groupe est Jama’atu Ahlul Sunna Lidda’awati Wal Djihad, ce qui se traduit par «la communauté des disciples de la tradition de l’Islam pour la prédication et la guerre sainte». Extrémiste et intégriste, le groupe, appelé Boko Haram, qui signifie «l’éducation occidentale est un pêché», rejette toute occidentalisation et applique la charia qui comporte un nombre de règles sexistes, vestimentaires, alimentaires et matrimoniales, entre autres.

 

Qui sont-ils ?

 

Boko Haram a été créé en 2002 par Mohamed Yusuf, chef spirituel du groupe jusqu’à 2009. Aboubakar Shekau lui a succédé depuis. Boko Haram est composé de plusieurs entités et n’aurait apparemment aucun lien direct avec Al-Qaïda. Sa base se trouve à Maiduguri, capitale de l’État de Borno. En 2013, le groupe, qualifié de secte, fait partie de la liste des organisations terroristes par les États-Unis. Ses attaques sont concentrées dans le nord-est du Nigeria, un pays de 160 millions d’habitants, divisé entre le Nord majoritairement musulman et le Sud qui est principalement chrétien.

 

Quelles sont leurs revendications ?

 

Ils réclament la création d’un État islamique dans le nord du Nigeria où la charia et la loi islamique seraient appliquées de manière stricte. Défendant une version radicale de l’Islam, Boko Haram revendique un retour à «la pureté de l’Islam». La secte interdit l’instruction des femmes, la participation aux activités politiques, sociales et culturelles, l’accès à l’éducation et même le port des chemises et pantalons.