On était bien en avance sur le FC Barcelone. La planète entière est en extase depuis le week-end dernier, lorsque le duo Lionel Messi et Luis Suarez a contribué à inscrire victorieusement un penalty peu ordinaire. Les superlatifs ne manquent pas pour qualifier ce but, alors qu’ils n’ont rien inventé et que notre petite île était déjà passée par là, mais bien avant qu’internet ne devienne une sorte de Bible pour la nouvelle génération.
Revenons à ce qui a ébloui les amateurs du ballon rond, dimanche dernier, en Espagne. Le FC Barcelone affrontait le Celta Vigo dans le cadre du championnat espagnol. Les Catalans devaient bénéficier d’un penalty, à la 81e minute, alors que le Barca menait au score dans son Camp Nou (3-1). Lionel Messi s’avançait sur le point de penalty pour effectuer le tir. Au moment de transformer la sentence, l’Argentin a surpris tout le monde en décalant le ballon sur sa droite pour Luis Suarez qui devait surgir pour fusiller le gardien d’un puissant plat du pied pour son troisième but de la soirée.
« évènement rare » selon Eurosport, «penalty historique»dit RTL, «le génial penalty-passe»rapporte le Monde et même le site officiel de l’UEFA fait l’éloge de ce penalty particulier tout en rappelant que la paire Messi-Suarez a tout simplement «rejoué l’histoire»en mentionnant une dizaine de cas avant les Blaugranas mais omet un cas en particulier. Des Mauriciens ont certainement eu des frissons lors de ce tir au but exécuté en deux temps. Ils n’ont pas oublié ce qui s’est passé un dimanche 22 février 1995 au stade George V.
A cette époque, nos stades étaient bondés et le football local était bien au centre des conversations, pour ne pas dire des débats très animés dans les «lotel dithé»ou chez les marchands des journaux. La Fire Brigade et le Sunrise FC, deux gros crowd-pullers, s’affrontaient ce jour-là devant environ 8 000 spectateurs dans le cadre des quarts de finale de la Coupe de l’Indépendance. C’était le Clasico par excellence avec ces deux équipes.
Les Rouge et Noir avaient ouvert la marque dès la 8e minute par l’entremise de Tony François. Le match était très animé et intense, et, à la 65e, les Jaune et Noir devaient bénéficier d’un penalty. C’est le Malgache Fidy Rasaonaivo qui se mettait en face du gardien de but adverse, le jeune Orwin Castel, pour exécuter le tir. Il s’élança pour toucher le ballon du pied pour effectuer une passe à Ashley Mocudé, le Mr But de notre football, qui devait égaliser devant un stade qui resta bouche bée pendant quelques fractions de seconde. Le but est accordé par l’arbitre du jour, Alain Lim Kee Chong.
Un but qui devait même surprendre le coach d’alors du Sunrise FC, Ashok Chundunsingh. 21 ans après, il revient sur ce geste inhabituel.« Je n’étais même pas au courant que Fidy et Ashley allaient accomplir ce genre de penalty. Les joueurs avaient l’habitude de s’entraîner pour travailler des gestes techniques, dont ce penalty. Je ne savais pas que mes joueurs allaient effectuer cela dans ce match. Heureusement qu’ils avaient réussi le but, qui est tout à fait règlementaire», se remémore encore l’ex-entraîneur du Sunrise SC.
L’idée de tenter ce geste rare semble venir de Madagascar à travers Fidy Rasoanaivo, un des acteurs de ce moment d’anthologie. Lui qui venait d’une famille de footballeur dans la Grande l’île, avait travaillé ce geste avec son frère Rado, qui a lui aussi porté les couleurs du Sunrise SC dans les années 90.
«Nous avons appris ce geste à travers notre père. Nous l’avons ensuite travaillé et répété à maintes reprises à l’entraînement. Lorsque nous sommes arrivés à Maurice nous avons continué à le faire et on s’était dit qu’il fallait le tenter dans un match. C’est donc lors de ce ¼ de finale. On s’est dit que si on obtenait un penalty on allait le tenter. Notre coach ne savait pas que nous allions faire cela, et on avait proposé à Jean-Marc Ithier de faire le une deux, mais il devait se désister, et c’est alors qu’Ashley a décidé d’être mon partenaire», raconte l’actuel coach du Pamplemousses SC.
Un souvenir qui est encore frais dans la tête d’Ashley Mocudé. «Je me rappelle que je me trouvais sur le côté droit, à la place qu’occupait Luis Suarez. Comme j’étais rapide, j’étais bien placé pour reprendre le ballon à toute vitesse. C’est un geste où il fallait avoir de la vitesse et de la précision. Je me souviens que l’arbitre était lui-même surpris avant d’accorder un but tout à fait valable», se souvient «Lele»pour les intimes. Comme quoi, l’île Maurice était bien en avance sur le Barça.
La première en 1957
L’origine. Il faut remonter dans le temps pour trouver celui qui avait tenté en premier ce penalty à deux dans un match officiel. C’est le Belge Rik Coppens, qui serait l’inventeur du penalty à deux, en 1957. La Belgique menait, déjà, 6-1, face à l’Islande et l’attaquant belge en profite alors pour tenter ce coup de folie avec Andre Piters. Le penalty à deux, que le règlement n’interdit pas, plusieurs s’y sont risqués. Certains, comme Thierry Henry et Robert Pires avec Arsenal ont échoué (en 2005) alors que le plus célèbre réussi étant celui par le duo Crujff–Olsen en 1982 face à Helmond Sport. Il faudrait aussi ajouter celui de Fidy et Mocudé lorsqu’on parle de ce penalty.