Son combat, il le mène au nom de son épouse Sylvia et de son fils Jeffrey (photos en haut), tous les deux décédés lors du drame du 30 mars dernier.
Jason soutient son père dans sa nouvelle démarche.
En hommage à ses proches décédés lors du drame qui a bouleversé le pays le 30 mars, il part en croisade et réclame réparation pour les préjudices subis. En quête de vérité et de justice, le veuf et son autre fils, Jason, sont déterminés à aller jusqu’au bout malgré leur insoutenable souffrance.
La souffrance est toujours là. La douleur omniprésente. Et le manque se fait ressentir un peu plus chaque jour. Si les mois qui passent n’arrivent pas à atténuer le chagrin d’Allan Wright, 54 ans, qui a perdu son épouse Sylvia, 48 ans, et son fils, Jeffrey, 18 ans, dans les inondations du 30 mars dernier – qui ont aussi coûté la vie à neuf autres personnes –, l’homme se sent habité depuis quelques jours par une grande force : la quête de la vérité.
Certes, c’est difficile, dit-il, de remonter la pente mais, aujourd’hui, boosté par le besoin de situer les responsabilités de ce drame, il s’accroche au combat qu’il a décidé de mener en mémoire des «deux amours de sa vie». Mais aussi, souligne-t-il, pour tous ceux qui sont décédés lors de ce triste événement qui a bouleversé le pays.
«Je veux rendre justice à Sylvia et Jeffrey», lance un Allan Wright déterminé en nous parlant de sa démarche : réclamer Rs 20 millions de dommages à la State Property Development Company (SPDC), qui gère l’entretien du tunnel reliant le Caudan au Harbour Front. «Je vis mon deuil avec beaucoup de difficulté mais comme il n’y a pas eu de développement cinq mois après le drame, j’ai choisi de me lancer dans cette bataille», explique l’ancien conseiller de Curepipe.
Vendredi, épaulé par son autre fils, Jason, 21 ans, Allan est revenu à l’endroit où il a «tout perdu» et s’est revu 14 ans en arrière quand l’aventure familiale a commencé dans le tunnel du Caudan : «Aujourd’hui, dimanche 1er septembre, j’ai commémoré un triste anniversaire. Tout a commencé pour nous le 1er septembre 1999. Après maints sacrifices et pour réaliser un vieux rêve qui était d’avoir un business familial, j’ouvrais avec mon épouse, l’Allana’s Boutik. On a commencé petit et on a tout fait pour que la boutique trouve sa vitesse de croisière.»
Malgré son immense chagrin, il arrive à sourire et même à rire lorsqu’il se remémore l’enthousiasme de Sylvia qui, en véritable femme d’affaires, faisait tout pour que le snack jouisse d’une bonne réputation : «Tous nos produits étaient homemade. Ma femme se faisait un point d’honneur de respecter ce critère. Et lorsque Jeffrey, plus à l’aise avec la pâtisserie, nous a rejoints, on a continué avec cette façon de faire qui nous permettait de fidéliser nos clients.»
«Pourquoi c’est arrivé ?»
Allan le sait, l’argent ne lui ramènera jamais sa femme et son fils, mais il est déterminé, dit-il, à mener à bien sa lutte : «Je veux surtout avoir des réponses. Qu’on me dise comment Sylvia et Jeffrey ainsi que les quatre autres personnes qui sont mortes ce jour-là dans le tunnel ont pu être pris au piège et n’ont pu se sauver ? Je veux qu’on me dise d’où vient cette eau tueuse ? Qu’on me dise, enfin, pourquoi c’est arrivé ? C’était notre lieu de travail et c’était censé être un endroit qui nous garantissait une certaine sécurité ! Si une telle catastrophe a pu avoir lieu et, selon mes informations, l’eau a envahi le tunnel en 2 minutes et 34 secondes, c’est qu’il doit bien y avoir des failles dans ce tunnel. D’où ma décision de venir de l’avant avec cette réclamation ! »
C’est dans une lettre adressée à la SPDC qu’Allan Wright réclame réparation : «J’ai effectivement fait suivre un courrier, le 23 août dernier, aux responsables de la compagnie concernée par l’entretien du tunnel. Depuis, je n’ai toujours pas de réponse.» L’homme d’affaires, également membre exécutif du PTr, est décidé à ne pas rester les bras croisés : «Je me suis donné jusqu’au 10 septembre pour voir dans quel sens évoluent les choses. Si personne de la SPDC ne vient vers moi d’ici là, je vais aller de l’avant et avoir recours à des poursuites judiciaires.»
Parallèlement à son courrier à la SPDC, Allan Wright a également adressé une lettre au Directeur des poursuites publiques (DPP), Satyajit Boolell, pour lui faire part de ses interrogations : «Je ne pourrai pas être tranquille si je ne mène pas mon combat jusqu’au bout. C’est pour cette raison que je vais frapper à toutes les portes… »
Ainsi, il entrevoit une lueur d’espoir depuis vendredi, jour où il a reçu un appel du DPP : «Il m’a appelé personnellement et m’a dit qu’il avait bien reçu ma lettre et m’a promis son soutien. Bien évidemment, il m’a aussi dit qu’il faudrait attendre la fin de l’enquête policière qui est actuellement en cours.»
Mais l’ex-adjoint au maire de Curepipe ne compte pas s’endormir sur ses lauriers et envisage également d’adresser un courrier au commissaire de police. Même s’il doit marcher encore et encore, il est prêt à le faire, assure-t-il.
Jason, son aîné, le soutient à 100 % dans sa démarche : «Cette décision de venir de l’avant est commune. Avec mon père, on s’est assis et on a mûrement réfléchi avant de faire ce pas. Il faut situer les responsabilités dans ce drame.»
En contact avec les proches des autres victimes, Allan Wright pense aussi très bientôt créer un Front commun avec toutes les familles de ceux qui ont perdu la vie suite aux inondations : «Mon combat est sincère, apolitique et je le fais au nom de l’amour que je porte à Sylvia et à Jeffrey. Il faut faire la lumière sur ce drame qui a brisé bien des familles et surtout pour qu’il n’y ait pas d’autres morts dans les mêmes conditions.»
Aujourd’hui, son fils Jason et lui s’accrochent aux souvenirs des bons moments passés avec Sylvia et Jeffrey. Lorsque sa famille était au complet, lorsque Allana’s Boutik tournait bien, lorsque Sylvia accueillait avec un grand sourire les fidèles clients du snack et lorsque Jeffrey expérimentait de nouvelles recettes pour offrir plus de choix dans leur vitrine… Autant de souvenirs qui motivent Allan à mener son combat pour la justice !
State Property Development Corporation : pas de réaction
Nous avons essayé à maintes reprises, hier, d’avoir une déclaration de Premanand Seetohul, le Chief Executive Officer de la State Property Development Corporation (SPDC), suite à la lettre d’Allan Wright et, plus particulièrement, sur sa réclamation de Rs 20 millions de dommages, en vain. À un certain moment, une personne répondant à notre appel nous a affirmé qu’on allait nous rappeler mais personne n’est revenu vers nous.
Dans une interview qu’il avait accordée à 5-Plus dimanche suivant le drame du 30 mars, Premanand Seetohul nous avait fait la déclaration suivante : «Nous allons être beaucoup plus rigides sur les protocoles.» Concernant les blâmes qui pleuvaient alors sur la SPDC, il nous avait répondu ceci : «Je pense que nous avons fait tout notre possible. Je pense aussi que, comme tous les Mauriciens, nous avons été pris au dépourvu. C’était impossible de pouvoir imaginer une telle situation.»