Rishti Darga porte en elle l’enfant que son époux et elle attendaient tant.
Jerry, le frère de la victime, est anéanti.
Le pays est plongé dans un climat d’insécurité et de violence depuis le début de la semaine. Car pas moins de quatre personnes sont mortes dans des circonstances atroces. Parmi les victimes, un jeune de 22 ans, attaqué à coups de cocktails Molotov, qui laisse derrière lui une épouse enceinte, une arrière-grand-mère agressée au sabre, une femme au foyer battue à mort et un père de famille qui a été éventré.
Kevin Darga ne verra pas naître son enfant
«Je te promets que je ne te quitterai jamais.» Ce sont là les derniers mots que Kevin Darga a adressés à son épouse Risthti, la veille de sa mort. La jeune femme de 19 ans s’est accrochée à ces paroles, espérant de tout cœur que son mari s’en sortirait. Mais le destin en a voulu autrement. Kevin Darga, un habitant de Poste-de-Flacq, âgé de 22 ans, a succombé à une septicémie à la Burns Unit de l’hôpital de Candos, le jeudi 22 août, aux alentours d’une heure du matin. Le 8 août, il avait été grièvement brûlé après avoir été attaqué par une bande d’individus qui lui aurait lancé des cocktails Molotov.
Dans le sillage de cette affaire, cinq personnes avaient été arrêtées sous la charge de tentative de meurtre. Mais après le décès de Kevin Darga, la charge qui pesait sur eux a été modifiée en celle de meurtre. Les présumés meurtriers sont Avinash Baulroop, un planteur de 22 ans, Sunnyraj Baulroop, un housekeeper de 19 ans, Beeduth Baulroop, un marchand de poisson de 46 ans, Soobiraj Baulroop, marchand de poisson également et Sooduth Baulroop, un pêcheur de 45 ans, tous des habitants de Poste-de-Flacq.
Chez les Darga, qui habitent aussi à Poste-de-Flacq, la tristesse est à son comble. Risthti, l’épouse de la victime, est inconsolable. «C’est mon monde qui s’écroule. Nous avons fêté notre premier anniversaire de mariage le 1er août. On avait fait une belle fête pour l’occasion. Maintenant Kevin n’est plus de ce monde. Et dire que la veille de sa mort, il m’avait promis qu’on n’allait jamais se séparer», pleure la jeune femme.
Écrasée de douleur, elle peine à réaliser que l’amour de sa vie n’est plus de ce monde et qu’elle devra envisager l’avenir sans lui. Elle qui rêvait d’un futur rempli de bonheur pour sa petite famille… à trois. «J’attends un bébé. Je suis enceinte de quatre mois», lâche Rishti, complètement désemparée. Et dire que son mari est parti sans même connaître le sexe de son enfant. «Il voulait avoir une fille. Le samedi précédant sa mort, il a voulu à tout prix que je fasse une échographie pour connaître le sexe de notre bébé. Mais lorsque j’ai fait l’examen, le médecin n’a pu déterminer si c’était une fille ou un garçon.»
Aujourd’hui, cette famille complètement anéantie par la disparition de Kevin Darga, réclame justice. Parmi elle, Jerry Darga, le frère de la victime, qui revient sur les circonstances atroces de cette agression. «Le 8 août, quelqu’un avait tenté d’enlever mon épouse près d’un marchand de gâteaux à Poste-de-Flacq. Plus tard, elle m’a montré la personne en question qui serait un ami des Baulroop. J’ai demandé des explications à cet homme et je lui ai donné un coup avec un morceau de bois que j’avais en ma possession. Deux proches de la famille Baulroop ont vu ce qui s’est passé et m’ont sommé de partir», explique Jerry Darga.
Il raconte que quelques heures plus tard, son frère Kevin et lui ont été agressés par les Baulroop en guise de représailles. «J’étais sorti avec mon frère. À un moment, deux proches des Baulroop sont venus dans notre direction munis de sabres et de gourdins. La confrontation a été stoppée grâce à l’intervention d’une tierce personne. Mais alors que nous rentrions chez nous et avions le dos tourné, l’autre bande nous a lancé des cocktails Molotov qui ont atteint mon frère au dos. Ses vêtements ont pris feu, il courait pour échapper à nos agresseurs alors que ces derniers lui lançaient “joyeux anniversaire de mariage”. C’était atroce.»
Jerry Darga explique que sa famille et les Baulroop sont à couteaux tirés depuis quelques années déjà. Selon lui, ce n’est pas seulement la tentative d’enlèvement de son épouse qui a conduit à cette agression qui s’est avérée mortelle : «C’est un règlement de compte car nous ne sommes pas en bons termes depuis longtemps.»
Quoi qu’il en soit, le différend qui opposait les Baulroop et les Darga a coûté la vie à un jeune de 22 ans qui avait des projets et des rêves pleins la tête. Et qui attendait impatiemment de goûter aux joies de la paternité. Hélas, il ne connaîtra jamais sa fille ou son fils qui naîtra dans quelques mois.
Trois questions à… Ameer Beg, psychologue
Il y a eu plusieurs cas de meurtre cette semaine. Comment expliquez-vous cette recrudescence de la violence à Maurice ?
Pour moi, notre société est malade. Les gens n’ont plus peur de rien. Ils ne s’inquiètent plus des conséquences de leurs actes et n’ont même plus de remords. De plus, les punitions ne sont pas assez sévères. S’il y a un tel acroissement au niveau de la violence, c’est aussi parce qu’il y a un manque d’encadrement des enfants dans les familles mauriciennes. Il existe une vraie lacune concernant les valeurs morales et sociales. Et lorsque les enfants grandissent, tout est possible. Ils sont livrés à eux-mêmes et font face à beaucoup de tentations. Il ne faut pas non plus oublier les fléaux tels que la drogue et l’acool. Sous leur influence, les gens deviennent incontrôlables et peuvent commettre l’irréparable.
Quelles solutions peut-on trouver pour améliorer la situation actuelle ?
D’abord, il faudrait que les lois deviennent plus sévères à l’encontre des criminels. Cela empêchera certainement d’autres crimes de se produire. Puis il doit y avoir une bonne entente au sein de la famille. La communication est importante. On doit pouvoir tout se dire sans que les esprits s’échauffent. Il faudrait aussi que les chefs religieux, les ONG et les autorités puissent travailler côte à côte afin de sensibliser nos jeunes en prêchant la non-violence.
Êtes-vous optimiste concernant l’avenir du pays ?
Je pense que si on fait les choses bien comme il faut, comme encadrer nos jeunes et leur inculquer les valeurs qu’il faut dès leur plus jeune âge, l’avenir ne sera pas aussi sombre.