Le danger serait de ne plus s’indigner. Le danger serait de céder à l’indifférence. Le danger serait de banaliser cette criminalité qui angoisse les Mauriciens. Non, cette atmosphère de violence qui prévaut dans le pays n’est pas normale. L’histoire de l’enlèvement du receveur – on en est là : Kidnapping, rançon – suivi de l’arrestation de cette bande de voyous de grand chemin qui a conduit les policiers sur la piste d’autres vols avec violence et d’un meurtre, ne devrait pas nous laisser insensible. Tout comme ces crimes commis dans le courant de cette semaine.
Lundi dernier, le nom de Madhvi Doorgakant (elle a eu moins de chance que Jacqueline, l’Irlandaise, sauvagement agressée par son époux mauricien qui faisait la une de notre édition du 11 août) s’associait à ceux des femmes décédées sous les coups d’un conjoint. Si son mari nie les faits, la police a déjà conclu à un foul play et le rapport d’autopsie fait état d’une rupture du foie et de côtes fracturées.
En dépit de toutes les campagnes dénonçant la violence domestique, en dépit de toutes les lois protégeant les femmes, en dépit de l’avancement de la cause féminine – émancipation, grandes études, indépendance financière –, il existe toujours des crapules, des machistes (d’apparence parfois irréprochable) qui ne croient pas dans une société égalitaire et qui s’octroient le droit de battre leurs femmes/compagnes/petites amies. D’ailleurs, l’on aurait tort de minimiser cette violence basée sur le genre d’autant que souvent on prend connaissance uniquement de cas de celles qui dénoncent leur calvaire. D’autres fois, c’est une autopsie post-mortem qui révèle les violences subies. Et c’est alors trop tard.
Entre-temps, beaucoup de victimes n’osent toujours pas s’identifier telles qu’elles sont : des femmes battues. Cette catégorie de femmes – il n’y a pas de profil type tant la violence dépasse le cadre social – subit et souffre en silence. Les raisons sont multiples : les enfants, le chantage à l’émotion (une femme battue n’en est pas moins amoureuse), la difficulté de s’acquitter d’un loyer, la peur du qu’en-dira-t-on, etc. C’est dire l’importance de maintenir les plates-formes d’écoute, de continuer les campagnes de communication contre les actes de violences sexistes et de ne pas attendre uniquement LE jour consacré à la Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes pour se mobiliser. Car l’encouragement à la libération de la parole de la femme doit être une préoccupation permanente, un combat régulier.
Après le décès de Madhvi Doorgakant, cette semaine a amené son lot de victimes de meurtres : un jeune homme a agressé mortellement son arrière-grand-mère ; à Sébastopol, Chundun Seetah a été tué alors qu’à Poste-de-Flacq, Kevin Darga est décédé après avoir été touché par un cocktail Molotov quelques jours plus tôt. Il laisse derrière lui une jeune veuve totalement effondrée à l’idée de mettre au monde, dans cinq mois, un enfant déjà orphelin de père. Autre acte de violence insoutenable révélé cette semaine : le viol de cette jeune adolescente de 14 ans (voir texte page 12) devenue pendant près d’une année l’esclave sexuelle de son grand-père (qui a avoué) et de son oncle, recherché actuellement et qui se serait réfugié à Rodrigues.
Cette violence qui progresse est inacceptable et inquiétante. La criminalité sous toutes ses formes provoque un sentiment grandissant d’insécurité auprès des citoyens. Y a-t-il, comme l’a déclaré Rajni Lallah dans l’express d’hier, un lien direct entre la précarité économique et ces crimes ? Une réflexion urgente s’impose. À tous les niveaux : politique, économique, social !