Avinashi Ramchurn, Valérie Paratram, Joshua Beeltah, Anastazia Minerve et Anielle Jellin (de haut en bas) parlent de leurs sentiments par rapport à ce changement.
Qui dit changement dit appréhension ! Et la carte électronique qui remplacera bientôt votre National Identity Card (NIC) n’inspire pas confiance à certains d’entre vous…
Un moment pas comme les autres. Inoubliable, même. Celui où vous avez récupéré votre toute première carte d’identité. La photo ne vous met pas en valeur, certes. Et si vous regardez ce petit document plastifié, vous devez vous dire que votre coupe de cheveux laissait à désirer (ou alors regrettez-vous la tignasse de vos 18 ans ?). Symbole de liberté, de prise d’indépendance, d’entrée dans le monde adulte : c’est un peu ça la carte d’identité. Aujourd’hui – quelques jours, quelques semaines quelques années après l’obtention de votre National Identity Card (NIC) – il faudra dire «au revoir» à cette ancienne carte afin de faire de la place dans votre portefeuille, pour une toute nouvelle venue… qui ne fait pas l’unanimité.
Elle sera lancée le 1er octobre 2013 et les Mauriciens devront se doter de cette nouvelle pièce d’identité, très différente de l’ancienne. Il s’agira de nouvelles cartes électroniques dans le cadre du Mauritius National Identity Scheme (MNIS). D’ailleurs, vous n’avez certainement pas manqué la campagne de sensibilisation lancée par les autorités à ce sujet. Néanmoins, ce document personnel et les informations qu’il renfermera (les empreintes digitales, vos diplômes, votre adresse, entre autres) provoquent de nombreuses craintes. C’est dans cette optique que des travailleurs sociaux ont manifesté pour dire «non» à son entrée en vigueur, il y a quelques jours (voir hors-texte).
Et ils ne sont pas les seuls. De nombreux Mauriciens s’inquiètent de ce changement. Pour Avinashi Ramchurn, une jeune mère de famille, il y a des raisons d’avoir peur. «Les informations personnelles peuvent être facilement volées ou falsifiées», explique-t-elle. Et cela malgré le système de sécurité mis en place par le gouvernement et les nombreuses assurances données par les autorités : «La technologie est accessible à tous et il existe des professionnels qui peuvent manipuler les systèmes de sécurité. Tout peut arriver !»
Vie privée
Valérie Paratram pense, elle, au pire : «Il y a tellement d’arnaqueurs à Maurice ! Il peut arriver beaucoup de mauvaises choses quand les informations de ce genre sont accessibles à plusieurs personnes. On pourrait même vider mon compte en banque.» Bien sûr, les autorités précisent que seulement certaines informations seront accessibles à certaines personnes et dans un cadre très sécurisé. Des arguments qui ne convainquent pas tout à fait Joshua Beeltah : «Ça me gêne qu’on puisse avoir accès à mes informations personnelles aussi facilement que ça.» Ni Anastazia Minerve : «C’est une violation des droits à la vie privée.»
Aslam, lui, se demande si c’est normal que les autorités aient les empreintes digitales de tous les citoyens mauriciens âgés de plus de 18 ans : «Même si nous n’avons commis aucun délit, nous nous retrouvons dans une base de données.» Au final, estiment Anastazia et Valérie, tout ça risque de rendre plus difficile toutes les démarches administratives, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, et de compliquer la vie des gens. «Est-ce vraiment pour nous faciliter la vie ?» se demande Anastazia. Valérie, elle, est catégorique : «Je ne pense pas que la nouvelle carte va permettre d’améliorer les choses.» Anielle Jellin, pour sa part, ne voit pas la nouvelle NIC d’un mauvais œil. «On ne peut pas tout voir du mauvais côté. Je crois que les policy makers ont de bonnes raisons de l’introduire. Mais franchement, je ne vois pas vraiment comment ça peut être utile», explique-t-elle.
C’est dans la pratique que la carte fera ses preuves, estime cette travailleuse sociale. Néanmoins, elle a des questions : «Et pour les SDF, comment vont faire les autorités ? Je me demande aussi comment les transgenres seront catégorisés ?» La carte numérique indiquera si vous êtes de sexe féminin ou masculin, information obtenue à votre naissance, et ne prendra, donc, pas en considération les changements de sexe ultérieurs.
Qui dit nouvelle pièce d’identité ne dit pas, forcément, évolution des mentalités. Si la prise en compte des transgenres se fait dans les années à venir, ce sera un moment pas comme les autres. Inoubliable même !
Bon à savoir
Ne vous débarrassez pas encore de l’ancienne. La distribution de ces cartes électronique se fera à partir d’octobre. D’ailleurs, une campagne de sensibilisation a été lancée en ce sens avec pour thème : «Mon identité, Ma Fierté… être fier de notre identité». Si dans un premier temps, le but est d’expliquer aux Mauriciens les avantages du nouveau système, dans un second temps, il s’agira de communiquer sur la procédure à suivre dans le but d’obtenir cette nouvelle pièce d’identité. En attendant, voici quelques informations pratiques :
D’ici septembre 2014, tous les citoyens mauriciens de plus de 18 ans devront être en possession de cette carte.
Les personnes du troisième âge pourront l’utiliser pour voyager gratuitement par le bus.
Les données et graphismes seront gravés au laser et indélébiles.
Dans la puce électronique se trouveront différentes informations : le numéro d’identité, le nom de famille, le prénom, le nom de famille à la naissance, le sexe, la date de naissance, la photo, les empreintes digitales encryptées et les certificats numériques, entre autres.
La nouvelle carte permettra de ne pas présenter de nombreux documents lors de diverses démarches dans les services publics ou privés.
Ils sont contre
Ce n’était que le début. Une première protestation qui en appellera d’autres. C’est ce qu’a annoncé Eddy Sadien, le dirigeant du Regroupement des travailleurs sociaux. Et le mouvement de protestation qui lance cette campagne a eu lieu le vendredi 16 août, devant l’Hôtel du gouvernement. Le Regroupement estime que la nouvelle carte d’identité numérique contient des informations trop personnelles. «La carte d’identité nationale va détenir des informations personnelles telles que les empreintes digitales. Pourquoi se presser pour introduire ce système, qui coûte des millions ?» se demande Eddy Sadien.