L’ex-vigile n’arrête pas de clamer
son innocence.
La victime et son époux étaient en lune de miel à Maurice au moment du drame.
Arrêté puis relâché sous caution dans le cadre du meurtre de l’Irlandaise Michaela Harte, cet ex-vigile du Legends est de nouveau sous les feux des projecteurs. Cette fois, c’est un détective et journaliste irlandais qui le présente comme le principal suspect de l’assassinat de la jeune femme dans la presse anglaise. Dassen Narayanen, lui, continue de nier toute implication dans ce crime crapuleux, soutenu par sa fiancée, Devika Akalu.
Plus de deux ans plus tard, l’énigme demeure entière. Le/s meurtrier/s de l’Irlandaise Michaela Harte, retrouvée morte le 11 janvier 2011 dans sa chambre au ex-Legends Hotel, où elle était en lune de miel avec son époux John McAreavey, courent toujours. Toutefois, le détective et journaliste irlandais Donal McIntyre affirme connaître celui qui a fait le coup.
Après avoir passé presque six mois sur le sol mauricien à la recherche de nouveaux indices dans cette affaire, il a désigné l’ex-vigile de l’hôtel, Dassen Narayanen, comme étant le meurtrier de la jeune femme. Il l’a affirmé dans un article paru sur le site Mirror Online, le 23 juin, et devrait le faire à nouveau dans un documentaire qui passera sur la chaîne de télévision CBS Reality aujourd’hui, 30 juin.
Selon lui, une exhumation pourrait même être envisagée sur la base de nouveaux éléments qu’il a récoltés et l’enquête policière – bâclée, dit-il – pourrait prendre une nouvelle tournure. Une enquête qui semble au point mort depuis que les deux suspects dans cette affaire, Avinash Treebhowon et Sandip Mooneea, ont été déclarés non coupables, à l’unanimité, par le jury lors de leur procès aux assises en 2012. Toutefois, ce n’est pas la première fois que les soupçons se dirigent vers Dassen Narayanen dans cette affaire de meurtre. Il avait même été arrêté par la police, mais la charge qui pesait sur lui a été rayée en cour par la suite.
Devant ce nouveau rebondissement, l’homme persiste et signe : il est innocent, dit-il. «Non, je n’ai pas tué l’Irlandaise Michaela Harte. Mon erreur a été de porter secours à son mari, John McAreavey, lorsque je l’ai entendu hurler “I need help, I need help” !», déclare l’ancien agent de sécurité que nous avons rencontré cette semaine.
Il revient avec force détails sur sa journée du 11 janvier 2011. «Ce jour-là, j’ai pris mon poste vers 7h45. J’ai fait des fouilles corporelles sur les employés de l’hôtel jusqu’à environ 9 heures. Puis, je me suis rendu dans le bureau des agents de sécurité où le chef prenait la déclaration d’un valet de chambre concernant un vol qui avait eu lieu. J’ai attendu quelques minutes, puis le chef m’a ordonné de vérifier toutes les clefs – sous forme de cartes magnétiques – des chambres de l’hôtel pour voir s’il n’en manquait pas quelques-unes. Elles étaient toutes là. J’ai alors distribué les clefs des chambres qui étaient occupées aux valets de chambre, pour qu’ils fassent le nettoyage. J’ai remis les autres à mon chef.»
Précision déconcertante
C’est ainsi, dit-il, que son ADN a été retrouvé sur la carte magnétique de la chambre 1025 où logeaient Michaela Harte et son époux. «Si les enquêteurs avaient prélevé des empreintes sur les autres clefs, ils auraient retrouvé mon ADN sur chacune d’elles», avance cet habitant de Plaine-des-Papayes comme pour se défendre. Le jour du meurtre, poursuit-il, il avait été posté à différents endroits dans l’enceinte de l’hôtel. Après la soumission des clefs, dit-il, il a assuré la sécurité à l’entrée principale, avec une femme vigile.
«Quelques minutes après que je l’avais rejointe, elle a pris sa pause- déjeuner, car elle voulait rincer son uniforme qui avait été sali par des excréments d’oiseau. Elle est partie vers 11 heures pour revenir aux alentours de 12h45. Je suis allé manger dès son retour. C’est le chef qui m’avait remplacé au main gate», raconte Dassen Narayanen qui a l’air de se souvenir de chaque épisode de cette journée du 11 janvier avec une précision déconcertante, alors même qu’il avance que son psychiatre à l’hôpital SSRN a déclaré qu’il est instable à 65 %.
À ce stade de sa journée, précise-t-il, tout s’était passé sans la moindre anicroche jusqu’à ce qu’il soit posté sur la plage privée de l’hôtel pour assurer la surveillance. «Après le déjeuner, je suis allé consulter le posting book dans le bureau. Il était écrit que je devais de nouveau me rendre au main gate pour y assurer la sécurité. Mais j’ai fait comprendre à mon chef que je voulais être posté ailleurs vu que j’avais déjà couvert ce duty qui est connu pour être la tâche la plus dure à accomplir pour un gardien de sécurité, car c’est très épuisant. Il a compris ma situation et m’a envoyé en patrouille sur la plage où j’ai remplacé le gardien Kaleechurn, qui est, lui, allé au main gate», précise notre interlocuteur qui avance qu’il n’a jamais insisté auprès de son chef pour obtenir ce changement de planning, comme il a été mentionné dans la presse.
Selon lui, c’est à partir de ce moment que sa vie allait être chamboulée. «Alors que j’effectuais ma patrouille, j’ai vu un bagagiste se diriger vers les chambres en compagnie d’un client. Puis, il a ouvert l’une des chambres avant de partir. Au même moment, j’ai entendu un homme crier “I need help, I need help”. J’ai couru pour voir ce qui se passait. Je suis entré dans la chambre. Une femme était par terre. J’ai cru qu’elle s’était évanouie et qu’elle était malade. J’ai touché sa joue, puis je suis entré dans la salle de bains, j’ai pris une serviette que j’ai trempée sous l’eau du robinet. Je l’ai ensuite remise à l’homme avant de téléphoner au standard et de demander qu’on envoie un infirmier. Lorsque ce dernier est arrivé, on m’a fait sortir. Quelques minutes plus tard, j’ai appris la mort de la jeune femme», raconte Dassen Narayanen.
Des aveux
Par la suite, il avait été interrogé avant d’être autorisé à rentrer chez lui. Mais le 18 janvier 2012, il a été arrêté et mis en prison jusqu’au 29 mars où il a été relâché après avoir versé une caution de Rs 200 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 500 000. Toutefois, il affirme que les enquêteurs de la Major Crimes Investigation Team qui étaient chargés de l’enquête ne l’ont pas interrogé sur tous les points qu’il avance. «Personne n’a pris ma déclaration. Au contraire, on m’a fait signer des aveux qui étaient déjà écrits et sur lesquels je devais apposer ma signature. Si je n’obéissais pas, on me frappait. Ce n’est que lorsque j’étais en prison que des enquêteurs du Central Investigation Division Department ont pris ma déposition.»
Depuis, dit-il, sa vie n’est plus la même. «J’ai été victime de brutalités policières. Les menaces de certains policiers me hantent toujours. Je n’arrive plus à dormir la nuit. Je prends des médicaments. Et j’ai une peur constante qui me hante. Je ne suis pas en paix», confie notre interlocuteur. La police a toujours récusé les allégations de brutalités policières portées contre elle par Dassen Narayanen.
Ce dernier affirme, par ailleurs, qu’il ne peut plus travailler. «Après la prison, j’avais trouvé un emploi comme maçon. Mais j’ai pu travailler pendant un mois seulement. J’ai dû arrêter pour cause de maladie. Dans quelques mois, je vais faire face à un Medical Board. Mon médecin suggère que je touche une pension d’invalidité concernant mon état de santé précaire.» Outre ses problèmes de santé, le jeune homme, qui aura 29 ans le 30 août, avoue que toute cette affaire a eu un impact considérable sur sa vie sentimentale. Pour cause, son mariage est en suspens.
«Je suis fiancé. On aurait dû se marier en 2012. Mais avec tous les problèmes de santé que j’ai eus, je ne sais plus où j’en suis.» En tout cas, le cœur de sa fiancée Devika Akalu, une habitante de Bois-Pignolet, Terre-Rouge, et âgée de 20 ans, ne semble battre que pour lui.
«Je l’aime toujours. Je serai toujours à ses côtés. Je crois en lui. Il est incapable de faire du mal à une personne. J’attendrai que son état de santé s’améliore pour qu’on se marie. De toute façon, il faut qu’on régularise notre situation, car ni lui ni moi ne travaillons», confie Devika Akalu qui se réjouit du fait que la police a rouvert l’enquête sur le meurtre de Michaela Harte. «Je veux que l’assassin soit arrêté. C’est à la police de le retracer. Car dans mon village, les gens parlent. Il y a certains qui me considèrent comme la fiancée d’un criminel et d’autres qui portent sur moi un regard beaucoup plus humain. C’est dur à vivre comme situation.»
Si elle croit fermement en l’innocence de son fiancé, le journaliste-enquêteur irlandais Donal McIntyre ne partage pas du tout son avis. Dassen Narayanen est-il coupable ou non du meurtre de Michaela Harte ? À la police de répondre à cette question. Pour l’heure, l’Irlande entière attend que justice soit rendue à une fille du sol… Michaela Harte.
Me Ng Sui Wa : «Les proches de Michaela Harte attendent des développements
dans l’enquête policière»
Les récents événements ne laissent pas insensibles les membres des familles Harte et McAreavey. John McAreavey, l’époux de Michaela Harte, sera d’ailleurs à Maurice en septembre dans un but précis : rencontrer plusieurs personnes, dont le Directeur des poursuites publiques (DPP), le Premier ministre et le commissaire de police. Il sera accompagné de Mickey Harte, le père de la jeune femme. Les deux hommes vont prendre rendez-vous avant de faire le déplacement.
C’est ce que nous apprend l’avocat Dick Ng Sui Wa, dont les services ont été retenus par les membres des familles Harte et McAreavey. L’homme de loi précise que les proches de la victime «attendent des développements dans l’enquête policière». Me Ng Sui Wa souligne, par ailleurs, que ses clients «ont pris connaissance des conclusions de l’enquête du journaliste irlandais», mais «qu’il n’y a rien de nouveau dans son histoire».
Au niveau du State Law Office on avance, en revanche, que de gros développements sont à venir. Il nous revient que Dassen Narayanen est considéré comme le main suspect dans cette affaire. La Special Squad, mise sur pied par le CCID, qui avait la responsabilité de la nouvelle enquête après l’acquittement de Sandip Moneea et d’Avinash Treebhowon aux assises a, pour sa part, déjà bouclé le dossier et l’a soumis au DPP. Ce dernier attend les résultats des tests ADN pour décider de la marche à suivre.
Sandip Mooneea : «Je suis libre, mais pas indépendant»
Une liberté amère. C’est ainsi que l’on pourrait décrire la situation dans laquelle se trouve Sandip Mooneea depuis son acquittement dans cette affaire de meurtre. «Ma vie a complètement basculé depuis mon acquittement. Je suis un homme libre, mais pas indépendant. Je dépends toujours de mon épouse, qui est fonctionnaire, et de ma famille car je n’ai toujours pas trouvé un emploi. Toutes les portes se referment lorsque les gens entendent mon nom. J’ai cherché du travail dans plusieurs hôtels, mais personne n’a voulu de moi. J’ai même postulé pour un poste de chauffeur privé, mais la personne a tiqué en apprenant que j’étais l’un des suspects dans l’affaire Harte. Lavi nepli parey kuma avan», se lamente Sandip Mooneea.
Quand l’habitant de Petit-Raffray avait été arrêté, il venait tout juste de se marier. «Ma femme et moi étions mariés depuis 37 jours seulement lorsque nous avons été séparés. Monn pass par enn penitans extraordiner. J’ai toujours clamé mon innocence. Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont cru en moi et qui m’ont soutenu. Un remerciement spécial à mon épouse Rekha qui continue à me soutenir dans mon calvaire au quotidien.» Dans son malheur, dit-il, il ne peut s’empêcher de penser aux membres des familles Harte et McAreavey, et d’espérer que le(s) meurtrier(s) de Michaela Harte seront un jour condamnés. «J’attends toujours que justice soit rendue à Michaela Harte.»
Avinash Treebhowon : «La vie est vraiment dure»
Il a été acquitté, mais sa vie est devenue un véritable enfer, dit-il. Avinash Treebhowon, tout comme son ex-collègue Sandip Mooneea, n’a toujours pas trouvé de travail depuis et doit vivre aux dépens de ses vieux parents à la retraite. «J’ai postulé pour plusieurs emplois depuis l’année dernière, mais en vain. Je suis au chômage. La vie est vraiment dure. Je ne sais pas quand ma situation va s’améliorer.»
Comme un malheur n’arrive jamais seul, son épouse s’est également séparée de lui à cause d’un «ti problem personel», dit-il. Cela ne l’empêche pas de suivre de près les derniers développements dans l’affaire Harte : «Pou bisin kone ki sanla inn fer sa. Justice doit être rendue. Mo laise bondie fer so travay parski li cone li ki sanla inn fer sa. Je n’ai pas tué Michaela. Sandip ne l’a pas fait non plus. Mo lame inn touzour leve pou ed dimoun pa pou touy dimoun, tou vre nou pa fine invente narien. Je profite de l’occasion pour dire aux familles Harte et McAreavey que je suis toujours très triste pour elles.»
L’habitant d’Amaury reste traumatisé, confie-t-il, par son séjour derrière les barreaux : «En prison, j’ai dû prendre des médicaments pour pouvoir dormir. J’avais été brutalisé. J’ai connu des moments très durs, mais j’ai toujours dit que j’étais innocent. Le plus difficile a été la séparation d’avec mon épouse qui, lorsque j’étais en prison, a perdu notre enfant alors qu’elle était enceinte de trois mois. Ma famille a beaucoup souffert et continue de souffrir.»