Alors qu’on croyait avoir tout vu avec l’arrestation des directeurs de White Dot, Sunkai et Je T’aime Marketing, on découvre que ces entreprises-là n’étaient au fond que la partie émergée de l’iceberg d’une nouvelle catégorie d’entrepreneurs-voleurs. Désormais, l’on se perd dans le lot de révélations quotidiennes impliquant ceux et celles qui ont fait de l’arnaque un business lucratif. Faut dire à ce sujet que la parité est respectée, ce qui a d’ailleurs provoqué un discours sexiste d’Ashok Jugnauth : «Trop boucou madam impliqué dans corruption, zot bizin pran zot lacaz compte.» Au-delà du genre, ce qui frappe, c’est que les fraudeurs viennent de milieux impensables : Ici un inspecteur de police, là des pasteurs influents, respectés par leurs ouailles.
Et on n’en serait qu’au début, les Casernes centrales se préparant à voir, semble-t-il, un défilé de personnalités venant d’autres secteurs tout aussi inimaginables, la semaine prochaine. En attendant, même l’ICAC n’est pas épargnée. Ainsi, cinq de ses employés sont soupçonnés par la police d’avoir agi comme agents pour White Dot et Sunkai. Si ces derniers se présentent plutôt comme des «victimes», reconnaissant avoir investi leur argent dans ces sociétés, avouez qu’il y a de quoi s’interroger. Voilà donc des hommes et des femmes qui travaillent pour un organisme dont la devise est de combattre la fraude et la corruption, mais qui, attirés par l’odeur de l’argent facile, n’ont pas hésité à confier leurs sous à ces sociétés, spécialistes dans des montages financiers frauduleux.
Même si les responsables de l’ICAC ne pouvaient deviner une telle chose, n’empêche que cette affaire ridiculise l’organisme anti-corruption et le décrédibilise. Le moins que l’on puisse attendre de ceux qui combattent la fraude est qu’ils soient au-dessus de tout soupçon. Or, en plaçant de l’argent dans ces entreprises qui ne s’embarrassent d’aucune transparence sur les sources de revenus de leurs clients, ces employés de l’ICAC donnent l’impression de cautionner l’opacité dans laquelle opèrent les White Dot, Sunkai, etc. N’y ont-ils jamais pensé ? Mais il n’y a pas que l’ICAC qui perd en crédibilité.
La FIU et la FSC sont les deux autres organismes qui, aux yeux du public, laissent des plumes dans cette affaire. Et ce ne sont pas les explications de Clairette Ah Hen, chief executive de la FSC qui rassurent. Interrogée par l’express, que répond-elle ? «Qu’on ne peut pas agir contre une compagnie qui n’est pas licenciée à la FSC. Nous n’avons pas ce mandat.» En clair : si vous voulez vous lancer dans le business des escroqueries, ne vous enregistrez pas auprès de la FSC. Tant que vous n’avez pas de licence, la FSC n’a pas de mandat et ne peut agir.
Pourtant, quelques questions plus haut, c’est Clairette Ah Hen elle-même qui souligne que «ces sociétés soupçonnées de pratiques illégales ne sont pas enregistrées au Registrar of Companies comme des compagnies de services financiers. Intentionnellement, elles ne veulent pas être sur le radar des régulateurs des services financiers.» Eh bien, de ça on se serait douté. On voit mal les escrocs se mettre «intentionnellement sur le radar des services financiers.» Certes, l’on peut comprendre que la FSC agit dans un certain cadre légal avec des pouvoirs limités, mais ces récentes affaires de fraudes massives prouvent que ce fonctionnement-là doit être complètement revu…