Kallyduth Gyaram, secrétaire général de la Hindu House et Rajni Lallah de Lalit
Les défenseurs de Saï Baba se déchaînent. La raison : la diffusion sur MBC 3 la semaine dernière de ‘Secret Swami’, un documentaire de la BBC qui fait état des témoignages d’anciens adeptes alléguant avoir été victimes d’abus sexuels de la part de Saï Baba. Le Cabinet ministériel a même demandé une enquête sur la diffusion de cette émission qui, selon le PM, «a blessé certains qui ont alors fait des représentations». Mais est-ce le rôle du gouvernement de s’ingérer dans les affaires ayant trait à la religion ? Kallyduth Gyaram et Rajni Lallah donnent leurs points de vue.
Q : Est-ce le rôle du gouvernement de s’ingérer dans les affaires de Saï Baba et de la MBC?
Kallyduth Gyaram : Oui. La demande du Cabinet de faire une enquête sur la diffusion du documentaire de la BBC sur Saï Baba est tout à fait justifiée. Le gouvernement se doit de s’ingérer dans les affaires de toutes les communautés religieuses, d’y prendre une part active. Au Parlement, il y a des représentants de toutes les communautés. Si demain quelqu’un vient dire quelque chose contre l’Islam ou la Chrétienté, le gouvernement doit avoir son mot à dire; sinon, cela peut dégénérer en conflit racial. Saï Baba a pris une grande importance à Maurice et dans le monde entier et pas seulement au sein de la communauté hindoue. À travers l’émission de la BBC diffusée sur la MBC, les disciples du saint homme se sont sentis profondément blessés.
Rajni Lallah : Ce n’est pas du tout le rôle du gouvernement de se mêler de ce genre de chose. En soulevant cette question, le Cabinet montre une dérive dictatoriale. Le gouvernement avait annoncé la libéralisation des ondes en grandes pompes. Mais ensuite, il a renforcé le contrôle sur les radios privées à travers l’‘Independent Broadcasting Authority’ (IBA). Maintenant, avec la MBC, le gouvernement se permet même d’intervenir directement sans passer par l’IBA. L’émission de la BBC sur Saï Baba, retransmise sur la MBC, est un programme d’opinion publique pour avertir les gens sur les possibilités d’abus sexuels par des personnes se servant du déguisement religieux. Et puis, nous sommes dans un État séculier et il est donc absolument inacceptable que le gouvernement s’ingère dans les affaires ayant trait à la religion.
Q : La MBC devrait-elle, selon vous, faire un tri des émissions religieuses avant de les diffuser?
Kallyduth Gyaram : Il y a un board de censure à la MBC pour veiller à ce que certaines émissions ne soient pas diffusées. Il doit veiller à ce qu’aucune communauté ne se sente lésée par un documentaire, film ou autre étant donné la composante multiethnique de notre pays. Si la MBC se met à diffuser des émissions qui peuvent blesser certains, il est normal que cela suscite des réactions. Si le gouvernement n’était pas intervenu pour demander une enquête à la MBC afin de savoir comment une émission de ce genre a pu être diffusée, d’autres auraient réagi et cela aurait pu avoir des conséquences graves.
Rajni Lallah : La MBC n’a pas à censurer ce genre de programme. En fin de compte, qui c’est qui va décider quelle émission passer ou pas sur les chaînes de la télévision nationale ? Qui sait ce qui est bon et ce qui ne l’est pas ? Est-ce que ce sont des religieux qui viendront décider de ce qui est bon pour nous ? Si on va dans le sens de la censure des programmes religieux ou autres, est-ce qu’on va aussi contrôler ce qu’il y a sur Internet ou sur les chaînes satellitaires ? Ce n’est pas possible.
Q : Est-ce normal, dans un pays dit laïque, que les politiciens se mêlent de religion en prenant, par exemple, la parole sur des plates-formes socioculturelles ou religieuses ?
Kallyduth Gyaram : Que des politiciens soient invités à des fonctions religieuses, cela ne va aucunement contre le principe de l’État laïque. Souvent, les politiciens aident les religieux dans l’organisation des fonctions en leur facilitant l’accès aux matériaux ou d’une autre façon. Les inviter est une manière de leur dire merci. Tant que les politiciens prennent la parole pour parler de religion, cela ne dérange personne. Mais il ne faut pas qu’ils se servent des plates-formes religieuses pour faire de la politique.
Rajni Lallah : Le fait que des politiciens se mêlent de religion ou prennent la parole lors d’une fonction organisée par tel ou tel groupe socioculturel ou religieux reflète un fait qui existe déjà dans la Constitution. La source de tout, c’est le système de ‘best loser’ qui comporte un certain degré de perversion de l’État laïque. En effet, certains parmi les élus du peuple agissent comme des représentants communalo-religieux. D’ailleurs, tous les élus sont classifiés dans ces catégories et vont donc prendre la parole sur les plates-formes religieuses. Ce qu’il faut d’abord attaquer pour que Maurice devienne un État laïque, c’est ce système de ‘best loser’.