Résolument en Opposition. Depuis la démission de Sylvio Michel comme ministre de la Pêche, lundi dernier, son parti est passé dans un autre camp. Le député des Verts Fraternels ne cache pas qu’en cas d’alliance en vue des législatives de 2005, son choix est limité.
Q : Avez-vous démissionné de vous-même ou vous a-t-on poussé à le faire ?
R : Je ne suis pas parti de moi-même. À bien y réfléchir, c’est le Premier ministre qui m’a poussé à démissionner, aidé de Pravind Jugnauth. Je dois dire que ma lettre de démission était rédigée depuis samedi matin (Ndlr : le 13 novembre dernier), quelques heures avant la conférence de presse du Premier ministre qui a laissé comprendre qu’il ne pourrait aller plus loin dans nos négociations sur la compensation. Rendez-vous compte : Paul Bérenger m’a publiquement demandé - en des termes à peine voilés - de partir. Je n’avais donc pas le choix. Heureusement que ma décision de quitter le gouvernement avait déjà été prise. Il est faux de dire que c’est le comité des Verts Fraternels qui m’a contraint à le faire. Le jour du Divali, le comité a entériné ma décision de démissionner avant la date butoir du 1er décembre prochain. Je comptais soumettre ma lettre après la fête de Eid.
- Vous dites avoir vécu « quatre ans de souffrance » au sein du Cabinet. Il semble que vous aviez aimé ça…
R : Dans ma tête, il y avait un conflit perpétuel. La question de compensation était une plaie dans mon esprit et quand je disais à des camarades du gouvernement que je me devais de partir, c’était par respect à cet engagement envers nos sympathisants. Je ne peux continuer à jouir en tant que ministre alors que les autres restent sur le carreau. Au fond de moi, j’espérais arriver à une solution, mais en vain. Toutefois, j’ai une satisfaction : celle d’avoir fait prendre conscience à la population de la question de compensation, de la souffrance de nos ancêtres. Mes quatre ans au gouvernement auront aidé à cela. L’esclavagisme n’est plus un sujet tabou. Mais je constate aussi que rien n’a été fait en ce qui concerne le recrutement des descendants d’esclaves au niveau de la fonction publique. On peut compter sur les doigts d’une main les Créoles en fonction à mon ancien ministère et ailleurs. N’est-il pas temps de préconiser une discrimination positive après 36 ans d’indépendance ?
Q : Dans le sillage de votre combat pour le paiement d’une compensation aux descendants d’esclaves, le gouvernement a inclus les travailleurs engagés. Est-ce à dire que, volontairement, l’on a voulu minimiser votre lutte ?
R : Dans le programme gouvernemental, il est écrit noir sur blanc que le gouvernement s’engage à décréter le 1er février jour férié pour commémorer l’abolition de l’esclavage et la fin de l’engagement. Or, on a eu un autre jour férié le 2 novembre. Je suis persuadé que cela s’est fait à la demande de la communauté hindoue qui refusait d’assimiler les travailleurs engagés aux esclaves. Je reconnais que les travailleurs engagés ont souffert, mais ce que l’esclavage a légué aux descendants d’esclaves, c’est un appauvrissement intellectuel, une perte de la culture, de l’âme africaine. Mélanger l’esclavagisme et l’engagisme n’est pas normal. Je me rappelle que quand nous avions voulu que l’État mauricien reconnaisse l’esclavagisme comme un crime contre l’humanité, l’alliance MSM/MMM nous avait fait comprendre que pour ce faire, il fallait attendre que les Nations Unies reconnaissent que l’engagisme a aussi été un crime contre l’humanité. C’était ça ou rien. Pour vous dire à quel point ce gouvernement a ridiculisé l’esclavagisme. Voulait-on que les descendants d’esclaves soient en conflit avec les hindous ou vice versa ? J’accuse le MMM/MSM d’avoir voulu politiser la question de compensation.
Q : Quand vous dites que le gouvernement a plusieurs fois ‘gone out of its way’, vous donnez comme exemple le VRS, n’est-ce pas communaliser le débat ?
R : J’ai dit VRS comme j’ai dit OGM, deux sujets qui ne figurent pas dans le programme gouvernemental. Il n’y a rien de communaliste dans mes propos, c’est juste pour expliquer le principe que le gouvernement peut ‘go out of its way’ en cours de route, si besoin est. La même chose aurait pu se faire concernant la compensation.
Q : Les Verts Fraternels sont-ils en guerre ouverte contre les descendants de ceux qui ont pratiqué l’esclavagisme ?
R : Pour la compensation, nous visons le gouvernement mauricien, ceux qui ont pratiqué l’esclavage et des compagnies privées qui existent encore pour qu’ils réparent 170 ans de souffrance des descendants d’esclaves. Nous ne sommes pas en guerre contre les descendants des colons, ni n’avons-nous de haine contre cette communauté. Nous voudrions que ces gens-là puissent regarder les yeux dans les yeux les descendants d’esclaves sans qu’ils ne se sentent accusés. Nous leur tendons une perche pour qu’ils se rachètent, même s’ils profitent encore des richesses accumulées ; mais ils érigent toutes sortes de difficultés pour que cette compensation ne soit pas payée. Il y a du mépris de la part de ces descendants de colons qui s’obstinent à refuser d’assumer leur passé, alors qu’ils assument le présent avec les milliards de roupies dont ils ont bénéficié sur le dos des esclaves.
Q : Quelles sont les options politiques des Verts Fraternels ?
R : Les Verts Fraternels passent dans les bancs de l’opposition et j’ai demandé au Speaker de changer notre place et de nous installer aux côtés de Dev Hurnam pour être en face du gouvernement et du Premier ministre tout en étant une en tité indépendante. Actuellement, on nous a placés dans le dos du gouvernement. Pour ce qui est de nos options, celle de ne pas contester les prochaines élections a été abandonnée. Soit nous irons seuls en 2005, soit nous contracterons une alliance avec un partenaire qui respectera les grandes lignes de notre manifeste électoral. Je constate avec plaisir que Navin Ramgoolam est dans de bonnes dispositions pour ce qui est de la compensation aux descendants d’esclaves. Pour nous, il n’y a qu’une seule option en cas d’alliance.
Q : Laquelle ?
R : C’est clair.