L’homme d’affaires assassiné avait confié à ses proches quelque temps avant sa mort que ses problèmes d’argent seraient bientôt réglés
C’est une vieille dame malade, affaiblie, accablée. Sa douleur ne s’estompe pas depuis qu’elle a perdu son fils, Rajeshwar Indur, empoisonné au cyanure le 21 février 2003. La seule chose qui apporterait un semblant de consolation à Jugwantee Indur, 72 ans, ce serait de savoir qui a tué son fils.
Depuis lundi dernier, quand Antoine Chetty a commencé à faire des révélations sur la mort de Rajeshwar Indur, Jugwantee reprend espoir. Son souhait le plus cher : que le suspect repenti aille jusqu’au bout de sa démarche.
Antoine Chetty a été arrêté le 25 mars 2004 pour possession d’héroïne. Il a fait des révélations sur plusieurs crimes jusque-là non-élucidés. Il vient d’être condamné à douze ans de prison.
«Qui a empoisonné mon fils? Pourquoi?». Ces questions hantent Jugwantee jour et nuit. Sur son visage ridé et tourmenté par le chagrin se lit une souffrance sans nom. Celle d’une mère qui a perdu son fils dans des circonstances épouvantables : «J’espère que Chetty dira tout ce qu’il sait sur la mort de Rajeshwar. Il faut que les noms des coupables soient enfin connus et qu’ils paient pour ce qu’ils ont fait»,
En début de semaine, Chetty aurait balancé aux enquêteurs les noms de quatre personnes, dont un proche de Rajeshwar Indur, qui seraient impliquées dans le meurtre au cyanure de l’ancien agent du PTr.
Il faudra attendre pour savoir si l’ex-bras droit du notaire Deelchand en dira plus aux enquêteurs sur cette affaire. Condamné jeudi dernier, il s’accorde un temps de « réflexion » avant de décider s’il continuera à faire des révélations sur des cas de meurtres non élucidés jusqu’à présent.
«Nous étions tellement soulagés quand il a commencé à dire des choses sur la mort de Rajeshwar. Il faut qu’il continue, qu’il dise la vérité sans rien cacher», s’écrie Jugwantee. Pour qu’elle puisse enfin connaître un peu de repos : «Cela ne fera pas revenir le fils que j’aime tant mais au moins, j’arrêterai de me tourmenter. »
Car Jugwantee va de plus en plus mal depuis la mort de Rajeshwar, le benjamin de ses cinq enfants qu’elle prénomme affectueuse ‘Div’ : un diminutif de Duval, sobriquet de la victime qui ne cessait de répéter le nom de l’ex- leader PMSD lors d’une campagne électorale quand il était enfant.
Pas plus tard que la semaine dernière, elle a été très malade. Sa tension artérielle est montée en flèche : «J’ai perdu mon époux, un des mes petits-fils qui est décédé dans un accident et d’autres membres de ma famille durant les dernières années écoulées. Et puis, il y a eu la mort de Rajeshwar. Trop, c’est trop. »
Sa fille Rajni et sa belle-fille Neeta est aux petits soins avec la septuagénaire. «Arrête de te rendre malade avec cette histoire. Pense à ta santé. Essaie d’oublier», lui dit Rajni.
«Comment puis-je oublier mon fils et ce qui lui est arrivé?», réplique-t-elle, les larmes au yeux. Elle ne cesse de se remémorer le jour funeste où son fils l’a quittée pour toujours.
Le regard perdu dans le vague, elle raconte : «Le soir de la veille de sa mort, Rajeshwar m’avait dit de le réveiller tôt le lendemain car il avait un travail à faire. Je l’ai réveillé vers 7h et il m’a dit qu’il allait se reposer encore un peu avant de sortir du lit. Plus tard, il s’est rendu à Port-Louis pour revenir vers 16h30. Il avait l’air d’aller bien».
Ensuite, selon elle, Rajeshwar s’est rendu au Shivala de la localité avant de se rendre chez une de ses nièces habitant une maison voisine de la sienne. La jeune fille partait, le lendemain, entamer des études de médecine en Inde. Elle ajoute que son fils est revenu à la maison à 19h et est reparti à mobylette après avoir reçu un coup de fil. Selon elle, il est rentré 15 minutes après.
«Il a mangé un morceau de pain et il est ressorti. Personne n’a vu avec qui il était parti. Vers 21h30, je l’ai entendu rentrer. J’étais déjà au lit. Je l’ai entendu se servir à manger dans la cuisine et se diriger ensuite vers le salon. Peu après, j’ai entendu un grand bruit et j’ai accouru pour aller voir de quoi il s’agissait», ajoute Jugwantee.
Elle voit son fils étendu de tout son long sur la terrasse. La vieille dame se souvient que ses yeux étaient fermés et qu’il émettait un drôle de bruit, comme un ronflement. Jugwantee dit qu’elle a pensé, sur le coup, que son fils s’étouffait avec de la nourriture.
«J’ai crié, j’ai appelé à l’aide. Les autres membres de la famille ainsi que les voisins se sont précipités. Pendant ce temps, je le tapais dans le dos pour lui faire rendre ce qu’il avait avalé. Un peu de nourriture s’est échappée de sa bouche. Ensuite, mon fils aîné et un voisin l’ont transporté à l’hôpital en taxi. Mais il était déjà mort», raconte Jugwantee, la voix cassée par l’émotion.
Quelques jours plus tard, selon la vieille dame, la police est venue voir les membres de la famille Indur pour les interroger : «C’est là que nous avons appris de la police que Rajeshwar était mort empoisonné au cyanure. Nous avons eu un choc immense. J’en tremble encore quand j’y repense». Effectivement, le rapport de l’autopsie a conclu au décès par empoisonnement au cyanure de Rajeshwar Indur.
Si la mère de Rajeshwar dit ne rien savoir des raisons qui ont poussé les assassins à empoisonner son fils, elle se souvient toutefois de ce que celui-ci lui avait dit quelques jours avant sa mort : «Li ti dir mwa so bane propre camarad pé casse so f…. et ki li pu arrête fréquente camarad. Je regrette de ne lui avoir pas demandé de qui il s’agissait à l’époque». Son fils lui aurait aussi confié - au sujet de ses difficultés financières - « ki dan trois mois tout pu korek » et qu’il comptait se marier quelques mois après avec la sœur d’un de ses amis indiens.
A-t-elle des soupçons sur l’identité de ceux qui en voulaient à son fils ? «Non, pas vraiment, mais je pense que les deux personnes arrêtées, puis libérées sous caution à l’époque doivent savoir quelque chose», répond Jugwantee. Si elle pouvait enfin trouver une réponse à cette question qui la hante jour et nuit!
La vieille dame attend que Chetty termine ses révélations sur la mort de son fils pour le savoir.
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Parcours d’un homme d’affaires ambitieux
Âgé de 29 ans au moment de sa mort, Rajeshwar Indur était le benjamin d’une famille de cinq enfants : trois filles et deux garçons. À l’âge adulte, il devient un agent du PTr. Son grand-père et son père étaient également activistes du même parti.
Après son ‘School Certificate’ au Modern High School de Plaine des Papayes, Rajeshwar aide son père, un cultivateur de légumes. Ensuite, il se fait embaucher comme receveur d’autobus avant de monter un business de vêtements importés de l’Inde.
Quelques années plus tard, il se lance dans les transactions de terrains. Ses parents l’aident financièrement. Au fil des ans, il s’associe à Sandeep Appadoo et Mahendra Chooneea pour former la compagnie Agnis Properties. Leur notaire est Vinay Deelchand.
Par Michaëlla Coosnapen
et Nadine Bernard