Surréaliste, grotesque, le monde à l’envers…Voyons voir : Somduth Dulthumun, le président du Front commun hindou, accuse les journalistes de fragiliser l’unité nationale en utilisant le communalisme, le racisme. Selon ce dernier, la presse pratique le harcèlement sur la communauté hindoue et présente celle-ci de façon négative. Il y voit un déferlement d’attaques, d’insultes systématiques et a jugé bon de donner un «avertissement» aux médias en insistant sur le fait qu’il « mean it » et qu’il prendra «les actions qui s’imposent» si cela continue. Comme il ne s’agit nullement de menaces, encore moins d’incitation à la haine, mais de paroles rationnelles d’un citoyen pacifique et de ses pairs anti-communalistes, anti-racistes, anti-extrémistes, la MBC, notre station de télévision nationale responsable, a jugé bon de couvrir en long et en large cette conférence de presse tenue jeudi dernier.
L’on y apprend aussi que Monsieur Dulthumun – qui en parlant au nom de «La» communauté hindoue, s’arroge le droit d’être le porte-parole de tous les hindous de Maurice – sillonnera bientôt l’île pour dénoncer ces journalistes harceleurs. Ceux-là qui se sont «attaqués», selon lui, aux promoteurs de CT Power. Avez-vous lu dans les journaux des articles faisant état de la communauté des promoteurs de cette centrale à charbon ? À moins qu’on veuille insulter davantage notre intelligence, mais dire non à CT Power, c’est se prononcer contre le charbon, contre la pollution, c’est faire barrage aux éventuels dangers sur l’environnement et s’inquiéter de l’impact de cette énergie sale sur la santé des Mauriciens.
Être anti charbon ne veut pas dire être anti hindou ! Au fond, la posture de Dulthumun rejoint celle du Premier ministre qui ne rate aucune occasion de s’en prendre à la presse. Faut-il donc s’étonner des menaces du Front commun hindou quand Navin Ramgoolam, après avoir traité les journalistes de «semi intellectuels», a fait basculer le débat CT Power sur un plan émotionnel, faisant référence au charbon noir et charbon blanc (slogan repris à la conférence de presse de Dulthumun et des siens) ? Voilà une allusion sans arrière-pensée communale ! Mais, ce n’est pas tout.
En voulant justifier la justesse de l’installation d’une centrale à charbon à Albion, le Premier ministre se lance dans une argumentation qui laisse pantois. Ainsi, dit-il, (i) l’ancien gouvernement n’avait pas protesté lorsqu’on transportait du charbon de Port- Louis vers le Sud du pays, (ii) il vise, donc, dans un souci d’équilibre un «traitement égal» en faveur de CT Power, et (iii) Ramgoolam affirme qu’il ne peut commettre, un outrage à la cour, soit qu’il ne pourra révoquer le permis EIA. Voilà une bien étrange position. Car si on suit cette logique, le Premier ministre est en train de nous dire que (i) si l’ancien gouvernement qui soit dit en passant n’est plus au pouvoir depuis 2005, a commis des erreurs, il faut persister dans la bêtise car le gouvernement qui succède ne corrige pas les fautes du passé. C’est officiel, l’alternance au pouvoir ne garantit pas une meilleure gouvernance. (ii) Allons-y gaiement pour un traitement égal des mauvaises décisions. (iii) S’il s’avère que le charbon a un impact sur la santé des habitants d’Albion, il faudra quand même persévérer avec le projet car sinon on commettra un outrage à la cour. Et dire que l’évocation même d’une centrale à charbon à Maurice est un non-sens tant elle est contraire aux objectifs de l’esprit Maurice Île Durable. Et dire aussi que grâce à la médiatisation du concept MID, nombre de citoyens ont vu leur conscience écologique s’éveiller. Au lieu d’encourager les Mauriciens, essentiellement les jeunes, à think green, les autorités et quelques esprits tordus envoient le message suivant : vous n’étiez pas écolos avant 2005, pourquoi le devenir en 2013 ? Quelle tristesse, quelle incohérence, quelle démagogie !