Veena Saulick(à g), victime d’un mari trop violent en septembre dernier. Aujourdhui, sa blessure au visage s’est cicatrisée mais l’angoisse l’habite toujours. Sandhya Bappoo(à dr), la femme martyre, sabrée à mort par son conjoint au début de l’année. Cette photo montrant son visage tuméfié après avoir reçu des coups de son époux avait choqué plus d’un
Elle s’étonne d’être encore en vie. La longue cicatrice sur le visage de Veena lui rappellera toute sa vie qu’elle est une victime, «comme tant d’autres», de violence domestique.
La Journée Internationale contre la violence à l’égard des femmes, observée ce jeudi 25 novembre, concerne aussi les femmes battues. Le message de Veena à cette occasion est lourd de symbolisme : «Il faut briser le silence et ne pas se laisser faire. Il faut des lois plus sévères pour punir les maris violents».
Aujourd’hui, Veena Saulick, 24 ans, peut raconter son calvaire après avoir longtemps subi : «Pendant dix ans, j’ai encaissé. Je n’ai rien dit. J’avais honte, j’avais peur». Aujourd’hui, elle lutte. Même si sa vie ne se résume qu’à des comparutions en Cour ou à des visites au poste de police de Flacq pour consigner des dépositions contre son mari dont elle est séparée depuis août 2004: «Je veux qu’il soit puni. Je ne comprends pas pourquoi il n’est pas écroué».
Victime des coups mais aussi de sodomie. Un jour, elle craque et quitte le domicile conjugal. En se rendant en Cour en septembre dernier pour un cas d’agression contre sa personne par son époux ce dernier se rue sur elle et lui entaille le visage avec un cutter.
Aujourd’hui, la blessure s’est cicatrisée mais l’angoisse qui habite Veena est toujours vive : «Je ne sors plus tellement j’ai peur pour ma vie». Ce qui la rassurerait, c’est que son époux soit «condamné et emprisonné» pour ses méfaits. Durant la semaine écoulée, elle a enclenché les procédures pour demander le divorce. Elle a la peur au ventre mais elle est bien vivante.
Mais d’autres que Veena n’ont malheureusement pas eu cette chance. La violence domestique a eu raison d’elles. On se rappelle encore la photo de Sandhya Bappoo, la femme martyre, sabrée à mort au début de l’année par son mari. Son visage tuméfié avait beaucoup choqué.
«Comment puis-je oublier?»
Chez les Ramlugon, les parents de la défunte Sandhya, la plaie est encore vive. «La mort de Sandhya et la façon dont elle est morte nous ont marqués à vie. Ces choses ne s’oublient jamais», nous dit Nowlit Ramlugon, le père de Sandhya. Ces souvenirs sont trop pénibles pour Sheela son épouse qui fond en larmes : «Comment puis-je oublier?».
Le couple Ramlugon note que le cas de leur fille qui avait «pourtant déclenché une véritable prise de conscience» n’a pas ému outre mesure certains machos. «Il y a eu d’autres cas après. D’autres femmes ont encore été victimes de leurs époux violents».
L’époux de Sandhya, Ravindranath Bappoo, est toujours en prison. L’affaire le concernant passera en Cour l’année prochaine.
La Journée Internationale contre la violence à l’égard des femmes est, pour Nowlit et Sheela, un moyen de lancer un appel. «Des cas comme celui de notre fille ne doivent plus se produire. Il faut des lois plus sévères pour punir les maris violents et décourager tous ceux qui pensent un jour lever la main sur leurs épouses».
Il y a eu Sandhya, et puis il y en a eu d’autres. Marjorie Eugène, 21 ans, a , elle aussi , été victime de Jacques, son mari jaloux, trois mois après son mariage. Elle a été poignardée «sauvagement» dans sa maison à la route Bassin à Quatre-Bornes et en est morte. Son mari s’est donné la mort en absorbant un produit toxique quelques jours plus tard.
Une mère révoltée
Quatre mois se sont écoulés depuis, mais pour les Boudiah - parents de Marjorie - la vie n’est plus qu’un cauchemar. «Je ne souhaite ce malheur à personne. Je savais que Jacques était jaloux mais je ne pouvais pas imaginer qu’il pouvait ôter la vie à ma fille. Je pleure encore Marjorie», nous dit Rosemay, la mère .
Cette mère révoltée réclame aussi des lois plus sévères: «Combien de familles vont-elles perdre leurs filles avant que les autorités ne réagissent? Il faut punir sévèrement les maris violents».
«Dénoncez les maris violents», disait aussi Veena Ramachundren, 32 ans, après avoir été agressée par son époux en septembre dernier.
Nous avons sollicité une déclaration de Veena en marge de la Journée Internationale contre la violence à l’égard des femmes, mais ses proches nous ont dit qu’elle ne pouvait pas nous recevoir. «Elle est encore trop bouleversée. Elle souffre encore de ses blessures », nous a déclaré une de ses proches.
Vythilingum Ramachundren, l’époux de Veena, est toujours écroué. L’affaire sera entendue sous peu.
De janvier à août 2004, 1217 cas de violence domestique ont été rapportés au ‘Family Support Bureau’. L’année dernière, 1541 femmes avaient rapporté leurs époux pour brutalité. Toujours selon le ‘Family Support Bureau’, 342 ‘protection orders’ ont été servis durant la période s’étendant de janvier à août 2004. «Nous encourageons les femmes à dénoncer les maris violents», nous avait récemment dit Arianne Navarre-Marie, la ministre des Droits de la femme.
Parmi ces femmes martyres, certaines survivent, d’autres meurent sous les coups. Mais une seule vérité demeure : il faut dire stop à la violence contre la femme. À toutes les formes de violence.
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16 jours pour dire «non»
Plus de violence à l’égard des femmes. Sur l’initiative du ministère des Droits de la Femme, une campagne ‘Sixteen Days Activism’ pour dire «non» à la brutalité à l’égard des femmes et pour commémorer la Journée Internationale contre la violence à l’égard des femmes démarre ce jeudi 25 novembre et durera jusqu’au 10 décembre, date de la Journée Internationale des droits de l’homme.
Une série d’activités aura lieu pendant ces seize jours , dont un atelier de travail d’une demi-journée avec des magistrats qui informeront les femmes de leurs droits. Cet atelier se tiendra ce vendredi 26 novembre au Domaine Les Pailles. La signature d’un protocole sur un ‘Partnership against family violence’ ainsi qu’une compétition de chant sont aussi prévues. Dimanche prochain, le 28 novembre, il y aura un atelier de travail sur la violence conjugale où les hommes pourront aussi participer.
Le 2 décembre prochain, un atelier de travail avec les parents se tiendra à l’hôtel St Georges à Port-Louis. Des cartes de vœux seront aussi distribuées aux victimes de violence conjugale; ces dernières pourront y écrire leurs souhaits. Ces cartes symboliques seront par la suite exposées à la rue du Vieux Conseil à Port-Louis, le 29 décembre.
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Amnesty derrière les victimes
«Donn to koud main, Aret violans kont Fam». C’est le slogan de la section mauricienne d’Amnesty International en marge de la Journée Internationale contre la violence à l’égard des Femmes. Sur des banderoles, beaucoup d’anonymes ont apposé leurs mains enduites de peinture en signe de solidarité. Des empreintes de mains rouges, bleues et de beaucoup d’autres couleurs pour démontrer la solidarité avec les femmes victimes de violence domestique.
Le jeudi 25 novembre , Amnesty sera au Jardin de la Compagnie de 11h00 à 14h00 pour faire circuler son message : «Arret violans kont fam». D’autres activités sont également prévues.
«Nous lançons une invitation aux députés et aux ministres qui se sentent concernés à venir apposer l’empreinte de leur main sur une banderole pour montrer leur solidarité dans la lutte contre ce problème social », souligne le communiqué de la branche locale d’Amnestie International.
L’association ‘Media Watch’ a aussi lancé une série d’activités jeudi dernier, en marge de la Journée Internationale contre la violence à l’égard des femmes.
Par Christophe Karghoo
et Michaella Coosnapen