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Jean-Claude de l’Estrac : «Nous sommes, pour la grande majorité, des sang-mêlé»

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L’auteur, à g.,offrant un exemplaire de son ouvrage à Sir Anerood Jugnauth, président de la République et à Steven Obeegadoo, ministre de l’Éducation

Jadis maire, député, ministre, actuellement rédacteur en chef, et directeur général de la Sentinelle, Jean-Claude de l’Estrac nourrit depuis longtemps une passion pour l’histoire de son pays. Il a lancé mercredi dernier à l’hôtel Labourdonnais ‘Mauriciens Enfants de Mille Races’, le premier d’une trilogie traitant du peuplement de l’île Maurice. Et ce en présence du président de la République, sir Anerood Jugnauth, du ministre de l’Éducation, Steven Obeegadoo, du préfacier Edouard Maunick et de diverses autres personnalités.

Q : Pourquoi avez-vous écrit ‘Mauriciens Enfants de Mille Races’?

R : Ce livre d’histoire a sa propre histoire. Il est né d’un constat, d’une frustration et d’une déception. En voulant offrir un livre d’histoire à un de mes enfants en 1986, je découvre qu’il n’y en a pas un qui permet une compréhension globale du peuple mauricien. Ceux qui existaient étaient très segmentés, ethnocentrés. Il y avait également quelques documents de thèse traitant de périodes spécifiques. Le livre traitant des Mauriciens côte à côte ou face à face dans les mêmes pages n’existait pas. Je me suis alors fait la promesse de l’écrire pour l’offrir à mes enfants. Pour y arriver, cela a nécessité 18 années de recherches, de vérifications, de contre-vérifications. Ce livre est le premier d’une série de trois tomes. Les deux tomes à venir sont déjà bien avancés. Le second, qui traite de l’époque allant de 1810 à l’indépendance, sera publié à pareille époque l’année prochaine.

Q : Votre livre d’histoire se lit aussi comme un roman. C’est fait exprès ?

R : Je suis très heureux de ce commentaire que j’ai beaucoup entendu. Je voulais le rendre accessible au plus grand nombre; j’ai donc utilisé l’écriture journalistique du récit. D’habitude, les livres d’histoire sont assez fermés, hermétiques, rébarbatifs. Il faut que chaque Mauricien puisse se réapproprier son histoire. Pour cela, les historiens devraient s’intéresser plus aux Mauriciens. J’ai fait un travail de reporter avec les éléments susceptibles d’inciter le plus grand nombre à s’intéresser à l’histoire de notre peuple.

Q : La question de race vous interpelle-t-elle ? 

R : C’est sûr. On ne peut pas appréhender l’histoire de Maurice sans constater que le fondement même de notre colonie et son évolution sont fortement liés à la problématique raciale. Plusieurs races se sont installées à Maurice et ont instauré des rapports de force. Les premiers engagés étaient en fait des Blancs, ouvriers pauvres. Il y avait des Indiens libres et des Indiens esclaves; des Noirs et des Indiens ont été mis en esclavage par leurs propres compatriotes. Mais il n’est pas juste non plus de tout ramener à la question raciale. Il y a d’autres éléments qui ont contribué à l’émergence de notre société. J’ai essayé de dire les choses comme elles sont. L’histoire est faite pour être racontée, c’est ce que j’ai fait.

Q : Vous suggérez dans votre livre que nous avons tous des origines communes…

R : Oui. À partir des premiers habitants de Maurice, il y a eu un énorme brassage interethnique beaucoup plus important que celui qui est reconnu. Je n’ai pas le sentiment qu’il existe une race véritablement «pure» à Maurice . Même si certains ont essayé de préserver la pureté de leur race, rien ne permet de venir dire qu’ils ont réussi. Au contraire, on découvre, à la lecture de l’histoire, qu’il y a eu un métissage profond, licite et illicite. Nous sommes, pour la grande majorité, des sang-mêlé.

Q : Le métissage culturel dont vous parlez vous semble-t-il réussi?

R : Dans l’ensemble, on peut dire qu’il est réussi. C’est une aventure extraordinaire de réunir des gens avec autant de différences ethniques et d’en faire une nation qui est plutôt bien sur ses pattes. Elle est un peu déstabilisée dans sa tête mais chacun avance de plus en plus avec l’autre. La coexistence pacifique existe en chacun d’entre nous.

Q : Pourtant, il semble que l’on a encore du mal à se dire Mauricien ?

R : De moins en moins, à mon avis. Les sondages démontrent que plus de 90% de nos compatriotes se sentent Mauriciens. Ces derniers sont capables de s’attacher à leurs origines tout en vivant bien dans une société qui a une culture propre. Les Mauriciens sont plus ouverts aux autres que les peuples des pays plus avancés.

Q : Pourtant, il semble que le communalisme persiste à Maurice ?

R : Ce n’est pas ma lecture des choses. Il n’y a pas de mal si les gens se sentent des affinités et font des revendications qu’ils jugent justes. Le communalisme commence, quant à lui, quand ces revendications se font au détriment des autres par des gens se sentant investis d’une supériorité quelconque ou d’un pouvoir. Il ne faut pas faire d’amalgame.

Q : Que faudrait-il faire pour décloisonner encore plus notre société ?

R : Ce décloisonnement peut se faire à travers l’éducation, la culture, le savoir. Plus les gens sont informés sur eux-mêmes et sur les autres, plus ils comprennent qu’ils peuvent tous contribuer avec leurs différences à l’unité nationale. Mon livre n’est qu’une pierre apportée à cet édifice et il y a mille façons de le faire. On vit de plus en plus avec les autres en comptant sur eux. Mais il n’y a pas suffisamment de plate-forme d’interpénétration culturelle. Il faut créer plus d’occasions de rencontre et de partage. Il y a trop de citadelles alors qu’il faut créer des passerelles.

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Hommage aux premiers fondateurs de notre nation

Présenter l’histoire telle qu’elle est, sans masque, sans tabou, sans complaisance.

C’est le pari qu’a voulu relever Jean-Claude de l’Estrac en publiant son livre d’histoire ‘Mauriciens Enfants de Mille Races’, le premier de trois volumes sur l’histoire de notre peuplement.

Langage simple, phrases courtes, souci du détail. C’est en fin journaliste que l’auteur

nous entraîne dans les premiers temps de l’occupation de notre île. Le livre, qui se lit un peu comme un roman, est un vibrant hommage à tous ces hommes et femmes qui ont contribué à la construction de notre nation.

Le livre est en vente dans nos librairies à Rs 400.

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