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«Mon Dieu, démasquez les coupables»

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La souffrance la hante nuit et jour. Depuis le 11 novembre 2002, date de la disparition suspecte de son fils Ramesh et de la jeune maîtresse de celui-ci, Hansee Ittoo (voir photos en haut) Rajkoomaree Sandooram, 65 ans, ne cesse de prier. C’est sans hésiter qu’elle a dévalé les pentes menant aux eaux de Bassin Blanc jeudi dernier, le jour de ce triste anniversaire, pour implorer le ciel

Connaître les circonstances de la mort de son fils et mourir. Rajkoomaree Sandooram, 65 ans, n’a que ce seul désir avant de quitter ce monde. «Je dois savoir qui sont ceux qui ont tué mon fils, Ramesh, et qui l’ont laissé dans les eaux de Bassin Blanc. Mon Dieu, démasquez les coupables». C’est ce qu’elle souhaite, nous a-t-elle déclaré, jeudi dernier lors d’un pèlerinage à Bassin Blanc où, il y a deux ans, les corps de son fils et de la maîtresse de celui-ci avaient été découverts. Ce double décès reste toujours suspect.

Depuis la découverte du corps de son fils Ramesh, 38 ans, et de la jeune maîtresse de celui-ci, Hansee Ittoo, 17 ans, le 14 novembre 2002, dans les eaux de Bassin Blanc (voir hors-texte), Rajkoomaree s’en remet à Dieu pour que la vérité éclate afin qu’elle puisse retrouver une certaine sérénité.

Son cœur de mère saigne depuis le 11 novembre 2002, date de la disparition suspecte de son fils et de sa maîtresse. Trois jours après, Rajkoomaree apprend la triste nouvelle : son fils est mort.

«Dieu». C’est sa source de motivation. Cette motivation et un courage inébranlable ont guidé ses pas jeudi dernier le 11 novembre - soit deux ans jour pour jour depuis qu’elle avait vu son fils Ramesh pour la dernière fois - et l’ont aidée à dévaler la pente de Bassin Blanc menant aux eaux où la découverte macabre avait été faite.

Ce jour-là, alors que bon nombre de familles à Maurice se préparaient à célébrer Divali le lendemain, c’est un

triste anniversaire que commémoraient les Sandooram. «Cela fait deux ans aujourd’hui que mon fils est mort dans des conditions toujours douteuses. Chez nous, on ne fait plus la fête. On ne célèbre plus rien. On ne fête même plus Divali», nous dit Rajkoomaree 

Les traits du visage tirés, portant un sari à motifs verts et orange et des savates éponge, elle descend prestement du van qui l’a conduite à Bassin Blanc. Elle tient avec fermeté un bouquet de fleurs composé d’anthuriums rouges et blancs, de statices jaunes, de glaïeuls blancs et rouges et de chrysanthèmes roses.

Du haut du cratère, la vieille femme maigrichonne scrute le bassin. Elle est décidée à descendre jusqu’à la berge : «C’est là-dedans qu’on a découvert mon fils. C’est ignoble!». Elle n’est pas toute seule en cette après-midi. Son mari Tejmansingh, son autre fils, Sunil, et la femme de ce dernier sont aussi là pour commémorer ce triste anniversaire.

Renu, la veuve de Ramesh, n’a pu se déplacer en ce jeudi après-midi.«Après ces deux ans, je me sens mieux mais je pense à lui toujours. C’était mon mari», nous a-t-elle dit quand nous l’avons rencontrée chez ses parents à Curepipe mercredi dernier.

«Ramesh kifer tone allé»

Quand nous lui avons demandé pourquoi elle n’allait pas faire le déplacement, Renu nous a répondu qu’elle avait ses occupations et que c’était sa vie privée. La petite Devyiame, 9 ans, la fille de Ramesh qui n’a pas, non plus, fait le déplacement à Bassin Blanc, pense, elle aussi, souvent à son père. «Je rêve de lui», nous dit-elle. Nous l’avons rencontrée chez ses grands-parents mercredi dernier à Quartier Militaire.

Les visages sont tristes et la douleur d’avoir perdu l’un des leurs est encore vive. Un lourd silence règne en ces lieux, témoins d’un drame; la chaleur est pesante. «À 13h30, deux ans de cela, mon fils était encore vivant et il était à la maison. Je me rappelle très bien; je le revois encore. Il mangeait une papaye. C’était la dernière fois que je le voyais vivant. Ensuite, il est sorti pour ne jamais revenir», dit Rajkoomaree, la voix nouée d’émotion.

13h55, c’est le début du pèlerinage de la famille Sandooram au cœur de Bassin Blanc. Le sol boueux et glissant ne semble pas décourager Rajkoomaree. Écartant les branches, sa faufilant entre les rochers, faisant fi des bestioles, elle dévale la pente toute seule, laissant les autres derrière, sans aide, avec une facilité déconcertante. Derrière, les autres membres de la famille peinent à suivre. «Le sol est trop glissant», lance l’épouse de Sunil.  

Rajkoomaree, la femme courage, ne regarde pas derrière : «Je connais le lieu pour l’avoir visité l’année dernière.». D’un pas assuré, elle avance et distance les autres. On l’entend murmurer quelques mots. Elle se lamente : «Ramesh ki fer tone allé.»

Après une quinzaine de minutes, Rajkoomaree est la première sur la berge boueuse du bassin. Devant elle une étendue d’eau verdâtre d’un calme étonnant. Il fait sombre sous les arbres bordant le bassin. S’arrêtant quelques minutes pour reprendre son souffle, le visage en sueur, Rajkoomaree ne se fait pas prier et n’hésite pas à entrer dans le bassin : «Guet kot zot ine finn touye toi Ramesh.» Elle continue d’avancer dans l’eau. «Ne va pas aussi loin maman», lui lance son fils Sunil mais Rajkoomaree est perdue dans ses pensées.

Les yeux levés au ciel, elle murmure à nouveau le prénom de son fils décédé. Le regard scrutant le périmètre du bassin, elle essaie de déterminer l’endroit où les policiers ont retrouvé le corps de son fils attaché à celui de sa jeune maîtresse à l’aide d’une ceinture appartenant à Ramesh. «Pa conné ki l’endroit ti découvert zot lékors? La police ti dir enbas enn pied», dit-elle en montrant un espace dissimulé derrière les branches.

L’émotion est dure à supporter et Rajkoomaree fond en larmes. Son mari Tejmansingh l’a rejointe dans le bassin pour la soutenir. Reprenant du courage, le veille femme commence alors une courte prière en compagnie des autres membres de sa famille «pour le repos de l’âme des disparus».

D’un sac en plastique que porte Tejmansingh, Rajkoomaree retire des fleurs jaunes - des ‘gendas’ - du camphre et deux feuilles de bétel. En prononçant une prière, elle allume le camphre sur les feuilles de bétel, y dépose sur chacune une fleur de ‘genda’ ; ensuite, elle les pose délicatement sur l’eau du bassin. C’est alors le recueillement. Pour Rajkoomaree, comme pour les autres membres de la famille, cette prière est un signe de respect en mémoire de Ramesh. «J’ai aussi prié pour la jeune Hansee. Je n’ai rien contre elle», nous dit Rajkoomaree.  

Les minutes défilent et à 14h20, Rajkoomaree et ses proches déposent quelques fleurs sur la berge. Rebroussant chemin, ils regagnent le sommet du cratère. «En priant, je me sens proche de mon fils disparu. Je rêve souvent de lui», dit Rajkoomaree.

Du côté de la famille Ittoo à la route Palma, Quatre-Bornes, les deux ans qui se sont écoulés n’ont pas atténué la douleur de Diya et de Reena Ittoo qui ont aussi perdu leur fille Hansee dans ce même drame. : «On n’a plus une vie normale depuis le jour où notre Hansee nous a quittés», nous dit Reena. Une prière pour le repos de l’âme de Hansee est prévue aujourd’hui chez les Ittoo.

Se remettant de l’expédition au cœur de Bassin Blanc, Rajkoomaree regagne sa maison à Quartier Militaire. S’il le faut, je ferai chaque année ce pèlerinage jusqu’à ce qu’on arrête les meurtriers de mon fils», nous dit Rajkoomaree essoufflée, une mère qui souffre.  

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Deux ans déjà

C’est le lundi 11 novembre 2002 que le drame s’est joué. ‘L’Information Room’ de la police reçoit un appel signalant la disparition de Ramesh Sandooram et de la jeune maîtresse de celui-ci, Hansee Ittoo.

Ramesh, marié et père d’une fillette, était un homme d’affaires et habitait à Quartier Militaire alors que sa jeune maîtresse, Hansee Ittoo, était étudiante et habitait à Quatre-Bornes.

Avant d’être porté manquant en compagnie de sa maîtresse, Ramesh avait fait trois appels de détresse à un de ses amis, Sachin, qui habite non loin de chez lui. Ramesh lui avait demandé de le rejoindre à Bassin Blanc car il avait des problèmes avec deux individus.

Quand Sachin, en compagnie de deux autres amis, était arrivé sur les lieux, il n’y avait aucune trace de Ramesh. Il n’y avait que le 4x4 de ce dernier, un ‘Toyota Land Cruiser’ immatriculé EK 65 - qu’il venait d’acheter un mois plus tôt de son cousin, Kishan Hazaressing, dont la mère est une demoiselle Sandooram - qui était garé sur l’aire de stationnement.

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Les amants ont-ils été tués par erreur ?

«Je crois fermement que mon époux a été assassiné. Les meurtriers se sont trompés de personne», nous a affirmé Renu Sandooram, l’épouse de Ramesh, mercredi dernier. Depuis juin 2004, les enquêteurs de la CCID et ceux de la MCIT planchent sur cette possibilité après que le DPP a renvoyé ce dossier aux Casernes centrales pour la réouverture de l’enquête.

Le DPP n’étant pas satisfait des conclusions du rapport qui faisait état d’un double suicide ou d’une ‘dry drowning’.

De plus, le suspect repenti Antoine Chetty aurait confié à des enquêteurs qu’il a des «révélations» à faire sur ce double meurtre. De source policière, il ressort que l’ancien bras droit du notaire Deelchand confirmera la thèse de ‘misidentity’ dans cette affaire.

Les enquêteurs se demandaient, en juin dernier, si ce n’était pas Kishan Hazareesingh, l’ancien propriétaire du 4x4 dans lequel voyageaient les deux amants décédés, qui était visé par le(s) tueur(s). L’enquête suit son cours.

Christophe Karghoo, Nadine Bernard

et Michaëlla Coosnapen

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