«Le soutien de ma famille, de mon staff, de mes élèves m’aide
à surmonter les épreuves»
Il se dit autodidacte car il a passé ses ‘A Levels’ en bouquinant. Il dit aussi qu’il est un passionné de l’enseignement. Jacques Pereira, 57 ans, n’a pas fini de faire parler de lui. La polémique au sujet de sa candidature au poste de principal au collège Père Laval ne l’a nullement démotivé, dit-il. Bien au contraire, celui que tous les élèves du collège appellent déjà « principal » est gonflé à bloc : «Je suis prêt à affronter tous les obstacles.»
L’affaire Pereira a défrayé la chronique. La Private Secondary School Authority (PSSA) lui reproche de ne pas détenir ‘2 A Levels at one and same sitting’ pour être éligible au poste de principal. Lui pense le contraire et prend le rapport du ‘Pay Research Bureau’ à témoin. Pour couper court à la polémique, le Conseil des ministres a ajouté deux nouveaux critères pour le poste de recteur d’un collège. Du coup, Jacques Pereira peut légitimement aspirer au poste qu’il convoite tant. Toutefois, des syndicalistes de l’enseignement parlent de «favoritisme» et contestent la décision gouvernementale. (voir plus loin le litige en question)
Calme, posé, jamais stressé : ce sont les termes qui seyent à Jacques Pereira : «J’ai le soutien de ma famille, de mon staff, de mes élèves et des parents d’élèves et cela m’aide à surmonter les épreuves.»
À entendre les élèves du collège Père Laval, Jacques Pereira est pour eux plus qu’un simple «principal.»
Un père, c’est comme cela qu’ils le considèrent tous. «Un père mais aussi un ami. C’est un principal pas comme les autres», nous dit Jonathan Rose, 16 ans, étudiant en Form V au collège Père Laval.
Jacques Pereira, un mari qui se dit attentif, un père de deux enfants et grand-père d’un petit Axel, 4 ans. Itinéraire d’un «principal pas comme les autres.»
Assis dans son bureau au collège Père Laval, c’est un plaisir pour Jacques Pereira de revenir sur son passé: «J’ai eu une enfance et une adolescence heureuses et cela malgré les difficultés.»
«Avec ma soeur on était des enfants gâtés»
Un bond dans le passé et il se revoit garçonnet, dans les années 60, dans les rues de Ste-Croix. Son père Roger, décédé en 1982, et sa mère Lelia, décédée en 1995, sont pour lui des modèles dans la vie. Il ferme les yeux et se rappelle : «Avec ma sœur Danielle -sa cadette-on était des enfants gâtés. » Il n’a de cette époque que de bons souvenirs. Son sourire ne quitte pas ses lèvres. Papa Roger était menuisier et Lelia, sa mère, femme au foyer, et adorait chanter : «On était une famille modeste mais mes parents ont tout fait pour nous».
Il revient sur les moments heureux de son enfance : «Les balades à bicyclette, les escapades au réservoir de La Nicolière…Que des bons moments !»
Jeune garçon, il n’est pas qu’un amoureux de la nature. La lecture est une autre de ses occupations préférées : «J’étais un féru de romans de cape et d’épée. Les aventures de d’Artagnan m’ont beaucoup fait rêver. J’étais aussi un inconditionnel de Peter Cheyney et je dévorais des romans d’Agatha Christie.» La musique est aussi une autre de ses passions préférées. Le jeune Jacques ne rate pas une occasion de gratter sa guitare.
Qu’en est-il de sa scolarité ? : «Je n’ai pas été dans une école primaire par choix de mes parents. J’étais assez en avance sur mon âge. J’ai fait mes études primaires au collège Bhujoharry où il y avait une section primaire. L’école était alors payante».
Scolarité atypique pour Jacques Pereira, car au lieu de commencer comme tous les enfants en Standard I, il intègre directement la troisième : «On m’avait dit que j’étais en avance dans le domaine académique». C’est ainsi que Jacques Pereira passe sa sixième à l’âge de 9 ans au lieu de 11 ans comme c’est normalement le cas à l’époque. Il intègre par la suite le secondaire, toujours au collège Bhujoharry : «J’y ai passé les meilleures années de ma jeunesse».
Au bout de cinq années, il décroche son ‘School Certificate’ et, deux années plus tard, ses deux ‘A Level’ mais ‘at two different sittings’, objet de tout le litige sur sa candidature au poste de ‘principal’. Il détient aussi un ‘Bachelor in Education’ de l’Université de Maurice. Pourquoi avoir fait ses ‘A Levels’ at two different sittings’ ? Jacques Pereira répond qu’il avait été mal conseillé.
Il a alors 18 ans et c’est sa période rebelle : «Ah la belle époque ! ». Avec ses économies, Jacques s’achète une moto. Fan d’Elvis Presley, il arbore le blouson et des gants de cuir et sillonne les rues de l’île, les cheveux gominés.
Une année plus tard, à l’âge de 19 ans, Jacques Pereira, influencé par ses profs, décide de se lancer dans l’enseignement : «Dès que j’y ai goûté, je n’ai pu m’en passer.» Il enseigne l’anglais, le français et le latin, entre autres. L’enseignement et lui ne font alors plus qu’un : «Déjà pendant cette première année d’enseignement, je savais déjà que j’étais fait pour ce métier.» Il enseigne pendant 26 ans au collège Bhujoharry et entre-temps, il rencontre l’amour en la personne de Rosemay, Senior Sales Officer au Mauritius Telecom, qui lui donne deux enfants : Pascal, 25 ans, infirmier, et Cynthia, 30 ans, Human Ressource Manager au MCFI.
Après le collège Bhujoharry, Jacques Pereira passe encore 10 ans au collège Saint Mary’s, «une autre expérience enrichissante» pour lui. Désirant relever d’autres défis, il se joint en janvier 2003 à l’équipe du collège Père Laval à Ste-Croix et décide alors de faire acte de candidature pour le poste de principal : «Ce poste me tient à cœur. J’ai découvert ici une famille. C’est pour cela que je postule pour devenir principal de ce collège.»
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Quand les syndicats sont irrités
Depuis le début de l’affaire Pereira, il y a deux semaines, les dirigeants des syndicat sont montés au créneau pour faire entendre leur désaccord concernant la candidature de Jacques Pereira au poste de principal du collège Père Laval. Pour Lysie Ribot, du syndicat du personnel enseignant des collèges catholiques, Pereira n’est «pas éligible n’ayant pas ‘2 A levels at one and same sittings’». Point à la ligne.
Le syndicat catholique a été rejoint par la ‘Fédération des managers des collèges privés’, l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE) et les autres syndicats du secteur éducatif depuis que le Conseil des ministres a avalisé des modifications sur les critères pour le poste de principal dans un collège. Une rencontre est prévue mardi prochain pour discuter de la marche à suivre.
Lysie Ribot insiste sur le fait qu’elle ne déclare pas une guerre personnelle à Jacques Pereira : «Je n’ai rien contre sa personne. Je veux simplement qu’il y ait une certaine justice».
«Avec les nouveaux critères, Jacques Pereira a toutes les chances de décrocher le poste de principal du collège Père Laval », nous déclare, pour sa part, Hervé de St Pern, le directeur du Bureau de l’Éducation Catholique (BEC). Il ne veut pas dire son sentiment personnel sur la situation.
Du côté des parents qui se sont montrés solidaires de Jacques Pereira à travers des manifestations, le calme semble avoir été retrouvé. Une nouvelle rencontre a d’ailleurs eu lieu entre eux et le ministre de l’Éducation au cours de la semaine écoulée.
Par ailleurs, vendredi dernier, la ‘Government Hindi Teachers’ Union (GHTU) a organisé une manifestation à Phoenix pour dénoncer ce qu’elle appelle une injustice envers les enseignants du primaire. «Le gouvernement a mis en branle toute une machinerie pour régler le cas particulier de monsieur Pereira et pendant ce temps, une vingtaine d’enseignants qualifiés du primaire n’ont toujours pas de réponses après avoir postulé pour être maîtres d’école, alors qu’ils sont éligibles », nous déclare le président du syndicat Suttyhudeo Tengur. Réaction du ministère de l’Éducation : «Monsieur Tengur se rend ridicule en organisant cette manifestation. Il faut se rappeler que les nominations dans le secteur public se font par la Public Service Commission et non par le ministère de l’Éducation».
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Le ‘principal’ «éligible»
Il n’a pas arrêté de le dire : «J’ai toutes les qualifications pour le poste de principal». Jacques Pereira ne baisse pas les bras et postule une deuxième fois au poste de principal du collège Père Laval.
Des modifications apportées par un High Powered Commitee’ (HPC) et avalisées par le Conseil des ministres viennent maintenant éclaircir toutes les zones d’ombre autour des qualifications requises pour devenir principal dans un collège. Ces nouveaux critères sont comme suit : (1) les ‘2 A Level at one and same sitting’, (2) une expérience de 15 ans dans l’enseignement secondaire soutenue par d’autres qualifications et (3) cinq ans au minimum après avoir obtenu un degré peuvent être considérés comme une alternative aux 15 années d’expérience.
Jacques Pereira compte 39 ans d’expérience dans l’enseignement. Il détient un SC ( 1964), un A level en français et un autre en littérature anglaise ‘at two different sittings’, un ‘Teacher’s Diploma (1981), un Bachelor in Education (1998) de l’Université de Maurice et compte 6 ans d’expérience après l’obtention de son degré.