Le rapport Leung Shing, déposé vendredi dernier, a ceci de bon : il vient enfin proposer le financement des partis politiques par l’État. C’est un premier pas franchi.
Il y a deux écoles de pensée. L’une est viscéralement contre, à l’exemple de celle à laquelle appartient le député MSM Megduth Chumroo. Celui-ci estime que l’État a d’autres priorités que le financement des formations politiques (voir son interview en page 8). Il y a ceux qui sont pour. C’est un vieux débat.
Les recommandations du comité parlementaire paraissent intéressantes. Dans la forme, les intentions sont bonnes. Dans le fond, elles sont tout autre.
La première des mesures a trait au remboursement : 10% des dépenses encourues par un candidat ayant obtenu au moins 20% des votes dans sa circonscription. Ce remboursement est sujet à une condition : son parti doit avoir réalisé un score de 10% sur le plan national.
Autre point non-négligeable est l’obligation aux partis politiques de rendre publics leurs comptes annuels (voir texte en page 10). Là aussi, il est permis de se demander si ces comptes, quand ils seront mis à la disposition du public, reflèteront la bonne santé financière de nos partis politiques qui disent toujours être dans le rouge.
La culture électorale à Maurice est tout, sauf transparente. Nos chefs de tribus ont toujours cultivé l’opacité autour du financement de leurs partis respectifs. Quel est celui d’entre ces ténors qui aura le courage d’admettre que son parti a dépensé au-delà du plafond permis ?
La loi autorise actuellement des dépenses de Rs 150 000 pour tout candidat qui a un colistier dans la même circonscription que lui. S’il est l’unique représentant de son parti ou s’il se présente en indépendant, le plafond passe à Rs 250 000.
Les politiciens admettent que cette somme est tout juste suffisante pour couvrir un item : les affiches et les tracts. Il n’y a qu’à voir comment se déroule une élection partielle pour avoir une idée des sommes astronomiques qui y sont injectées. Pour les législatives, c’est pire. Le pouvoir est en point de mire.
Emmanuel Leung Shing et ceux qui ont fait partie du comité ont planché sur la question. Ils proposent le chiffre plus réaliste de Rs 1 million par candidat. Il faut un début, certes, mais là encore, le secteur privé fait de la résistance.
Dans cette opération d’assainissement de la politique, le rôle du secteur privé interpelle. Il n’est un secret pour personne que le gros du financement des principales formations politiques provient des caisses des entreprises privées.
Le comité Leung Shing a analysé la position des représentants du secteur privé quant à leur refus de s’associer à un fonds commun destiné à être géré par la Commission électorale. Les pontes du secteur privé veulent avoir toute la latitude sur l’utilisation de leurs dons. Ils se demandent pourquoi ils devraient arroser tout le monde quand ils peuvent porter leurs préférences sur un groupe particulier qui défendrait leurs intérêts ?
En adoptant cette posture, les pontes du secteur privé prêtent le flanc aux critiques de ceux qui pensent qu’ils privilégient la politique de l’ascenseur. C’est donnant donnant.