«La lutte est tellement serrée entre Bush et Kerry que la moindre voix peut faire la différence». Dixit Stephen Perry, chargé de cours américain résidant actuellement à Maurice. Il est persuadé que les votes des électeurs américains vivant à Maurice peuvent aider à départager le candidat républicain et le candidat démocrate dans la folle course au fauteuil présidentiel qui s’achève le mardi 2 novembre prochain.
Entre Bush et Kerry, ils ont déjà fait leur choix. L’ambassade des États-Unis n’a pu nous donner le nombre d’électeurs américains enregistrés à Maurice, mais ceux que nous avons rencontrés ont déjà rempli leur devoir de citoyen et expédié leurs bulletins de vote dans les états d’où ils sont originaires. Mardi, via Internet ou la télévision, ils suivront heure après heure les présidentielles aux États-Unis.
«Nous allons même rester éveillés jusqu’à la proclamation des résultats vers 3h mercredi matin», lance Jessica Karpowski, une passionnée de la politique, rouge d’excitation.
Cette étudiante en économie et ‘foreign relations’, âgée de 22 ans et originaire du Michigan, est chez nous depuis trois semaines dans le cadre d’un programme d’échange avec l’Université de Maurice. Le ‘Forbrake Program’ permet chaque année à des Mauriciens et à des Américains de se rendre dans les pays les uns des autres pendant dix mois pour en apprendre plus sur la culture du pays où ils séjournent.
Mais même étant très loin de son pays d’origine, elle suit avec beaucoup d’intérêt la campagne pour l’élection présidentielle. La semaine dernière, comme beaucoup d’expatriés, elle a envoyé son bulletin de vote par la poste : «J’ai dû l’envoyer par DHL car j’avais un peu de retard».
Les Américains résidant hors des États-Unis peuvent voter avant la date officielle de l’élection. Par ailleurs, dans certains États d’Amérique, les électeurs peuvent également voter avant le jour du scrutin.
Et pour qui donc Jessica a-t-elle voté? «John Kerry», sans hésitation. Il faut dire que la demoiselle est une démocrate pure souche. Avant de venir à Maurice pour dix mois, elle a même travaillé pour la campagne du rival de Bush.
«John Kerry n’est pas très excitant comme candidat mais je pense qu’il fera un meilleur travail que George Bush. Je n’apprécie pas les décisions de l’Administration Bush sur la guerre en Irak, l’économie, surtout les baisses d’impôts, le social ainsi que le mariage homosexuel», soutient Jessica avec un sourire de défi à Stephen Perry, fervent supporteur de Bush pour lequel il a évidemment voté.
Le fait d’être dans des camps différents ne les empêche pas de bien s’entendre. Au contraire, Jessica et Stephen adorent discuter de l’élection présidentielle.
«Moi, je suis un ‘social conservator’. Je soutiens le mariage traditionnel, je suis contre l’avortement et je crois en la baisse d’impôts. Il est faux de dire que cette mesure économique ne bénéfie qu’aux riches. Ce sont en grande partie les Américains de la classe moyenne qui y gagnent le plus. En ce qui concerne la guerre en Irak, je pense que c’est une bonne chose», déclare Stephen, actuellement chargé de cours en Communication à l’Université de Maurice.
Des Mauriciens très intéressés
Originaire de l’Illinois près de Chicago, Stephen est à Maurice depuis trois mois avec sa femme Kelly et leurs trois enfants : Alex, Grace et Myles dans le cadre du même programme d’échange que Jessica.
«Au début, je ne suivais pas régulièrement la campagne électorale aux États-Unis mais à l’université de Maurice, les jeunes me posaient sans cesse des questions. J’ai alors fait un effort. Je suis étonné de voir que les Mauriciens s’intéressent autant à ces élections», soutient Stephen. La campagne électorale, il la suit, depuis, de très près à travers Internet et les informations de la BBC et de Skynews.
Est-ce que son épouse, Kelly, le suit dans son choix de candidat ? Il y a pas moyen de savoir : «Je ne souhaite pas dire pour qui j’ai voté. Je pense qu’on ne doit pas crier ce genre de choses sur tous les toits. Ce sont mes parents qui m’ont élevée comme cela».
Une voisine américaine des Perry, Megan Dinan, n’a pas, pour sa part, voté. Mariée depuis janvier à Aldo, un Mauricien, cette jeune femme de 20 ans réside chez nous depuis juillet dernier.
«Je n’avais pas l’âge pour voter aux dernières élections présidentielles. Depuis que j’ai eu 18 ans, je ne me suis pas enregistrée comme électrice. Je dois dire franchement que la politique ne m’intéresse pas du tout. La plupart des Américains, surtout les jeunes, sont comme moi», soutient Megan. Il faut dire que seulement 50% à 55% des Américains votent habituellement.
Ce que nos Américains attendent du candidat choisi : la sécurité contre les forces extérieures telles que les terroristes ainsi que la sécurité du point de vue économique et social.
En attendant, la petite troupe se prépare à rester éveillée durant toute la soirée de mardi à mercredi, scotchée à internet ou à la télévision pour savoir tout de suite qui le peuple américain s’est choisi comme président. Espérant de toute leur force que c’est le candidat pour lequel ils ont voté qui aura cet honneur.
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Ben Laden joue les trouble-fêtes
À quatre jours de l’élection présidentielle aux États-Unis, c’est-à-dire vendredi dernier, Ben Laden a menacé ce pays d’attaques similaires à celles du 11 septembre 2004 dans un message diffusé sur la chaîne arabe Al-Jazira. Les experts pensent que Bush pourrait tirer un certain avantage de cette menace car généralement, en pareille occasion, la population se rallie derrière le président. George W. Bush ainsi que John Kerry ont tous les deux déclaré qu’ils allaient traquer sans relâche Oussama Ben Laden s’ils étaient élus.
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Portraits :
Georges W. Bush
Il porte le même prénom que son père, Georges Bush, président des États-Unis de 1988 à 1993. George W. Bush Jr, 58 ans, brigue, mardi le 2 novembre, un nouveau mandat de quatre ans comme président des États-Unis. Il grandit au Texas et fait ses études à Yale, l’une des plus prestigieuses universités américaines et devient, quelques années plus tard, pilote de chasse. Il épouse en 1977 Laura qui lui donne des jumelles : Jenna et Barbara aujourd’hui âgées de 23 ans. Georges W. Bush Jr arrive à la Maison Blanche en janvier 2001. Après le 11 septembre 2001, les États-Unis déclarent la guerre à l’Irak en 2003. Georges W. Bush accuse Saddam Hussein - capturé le 13 décembre 2003 - de posséder des armes de destruction massive. Plus d’un millier de soldats américains ont trouvé la mort en Irak et à ce jour, la situation ne s’arrange pas là-bas.
John Kerry
1m93, svelte, un menton proéminent et des goûts classiques, John Kerry, 60 ans, se mesure à Georges W. Bush, aux élections présidentielles 2004. Les trois débats télévisés qui l’ont opposé au président sortant ont contribué à le faire connaître. C’est son sang-froid qui a séduit les Américains mais il faudra attendre le 2 novembre prochain pour savoir si cela suffit à le faire élire président. John Forbes Kerry s’intéresse très tôt à la politique et se passionne pour un jeune sénateur, aux mêmes initiales que lui : John Fitzegerald Kennedy qui deviendra par la suite président des États-Unis. John Kerry se joint au Sénat en 1984 ce qui lui dégage la voie vers la Maison-Blanche. En 1995, il épouse en secondes noces une riche héritière, Teresa Heinz. En janvier dernier, il remporte contre toute attente le caucus de l’Iowa et c’est le début d’une longue campagne passée à sillonner l’Amérique.
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Jour J-2 : Le démocrate et le républicain au coude à coude
Pour qui bat le cœur des Américains ? Plus que deux jours pour que la réponse soit connue. Georges W. Bush et son rival démocrate John Kerry multiplient les rassemblements pour faire basculer les voix indécises en leur faveur à cette élection présidentielle aux États-Unis. Le ‘finish’ est pour le mardi 2 novembre prochain.
Malgré leurs efforts, aucun des deux candidats n’arrivait, à vendredi, selon les sondages, à se détacher dans la course à la Maison-Blanche qui se joue dans une poignée d’États- clés dont La Floride(sud-est) où les deux candidats continuent à se livrer à un véritable duel et lancent leurs dernières attaques de la campagne. Bush reproche à Kerry de ne pas avoir l’étoffe d’un futur commandant en chef. Le candidat démocrate riposte en reprochant au Républicain d’avoir «manqué à l’obligation fondamentale de sa fonction : assurer la sécurité maximale des États-Unis» en faisant allusion aux attentats du 11 septembre 2001. John Kerry a relancé ses attaques contre le président sortant cette semaine à Toledo dans l’Ohio. Son arme : le silence observé par Bush sur l’affaire de la disparition en Irak de 342 tonnes d’explosifs placés sous la protection de l’armée américaine.
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Élire le président américain?
C’est par un collège électoral que le président des États-Unis est élu. Le collège électoral, dont les membres sont au nombre de 538, sera désigné par les électeurs américains le 2 novembre. Chaque État dispose d’un nombre de ‘grands électeurs’ équivalant à sa représentation au Congrès qui compte 535 membres. Le district de Columbia dispose de trois grands électeurs. Dans la totalité des 50 États de l’Union, c’est le candidat arrivé en tête d’après le nombre de suffrages qui emporte la totalité des grands électeurs. Après l’élection du 2 novembre qui permettra de comptabiliser les grands électeurs dont disposera chaque candidat, se tiendra le 13 décembre prochain, l’élection du président des États-Unis.
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Ils ont dit
Mariage Gay
Georges W. Bush : «Même si nous respectons les droits de quelqu’un, même si nous sommes pour la tolérance, nous ne devons pas changer ou avoir à changer le caractère sacré du mariage».
John Kerry : «Les États ont toujours su régler les questions relatives aux lois du mariage et ils le prouvent encore aujourd’hui ».
Irak
Georges W. Bush : «La guerre en Irak, une erreur? La réponse est catégoriquement non».
John F. Kerry : «Ce président(George W.Bush) a commis une colossale erreur de jugement».
Avortement
Georges W. Bush : «On ne dépensera jamais l’argent du contribuable pour des avortements».
John F. Kerry : «Je pense que c’est un choix qui
revient aux femmes. Un choix entre une femme, son docteur et Dieu».
Économie
Georges W. Bush : «Les petites entreprises commencent à repartir et elles créent des emplois»
John F. Kerry : «Bush est le seul président depuis 72 ans à avoir perdu des emplois pendant son mandat»
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Stephen Schwartz, de l’ambassade américaine :
«Ici, nous votons plus sereinement»
Ê tre loin de chez soi et devoir voter à l’élection présidentielle ne comporte pas forcément que des désavantages. Stephen Schwartz, conseiller et ‘Deputy Chief of Mission’ à l’ambassade des États-Unis, a même l’air d’apprécier de faire son choix sans la pression médiatique.
Q : Comment les Américains résidant à Maurice vivent-ils la campagne pour l’élection présidentielle aux États-Unis ?
R : À travers l’Internet principalement, à la maison, au bureau. En même temps, c’est bien de ne pas être aux États-Unis et de ne pas être exposés à ces publicités électorales dans lesquelles sont injectés des millions de dollars. Grâce à l’Internet et à la presse mauricienne, nous échappons à toute cette intensité. Ici, nous pouvons voter plus sereinement pour le président de notre choix.
Q : Comment votent ces Américains? Combien sont-ils à Maurice?
R : Les Américains résidant hors des États-Unis se font envoyer directement leur bulletin de vote par le bureau de l’État où ils sont enregistrés en temps que votants. Ils la réexpédient ensuite par la poste quelques jours avant le jour des élections aux États-Unis en apposant leur signature sur l’enveloppe. L’ambassade des États-Unis n’est en rien impliqué dans les procédures électorales et les Américains résidant à Maurice ne passent pas par l’ambassade pour voter, c’est pour cela que nous n’avons aucune idée du nombre d’entre eux qui sont enregistrés comme électeurs.
Q : Qu’attendent les citoyens des États-Unis du président qui sera choisi?
R : Les Américains attendent du président élu qu’il fasse de son mieux pour protéger son pays, qu’il fasse preuve de jugement et qu’il soit courageux, surtout en ce moment. Le président élu doit également être un homme qui soit un leader et qui ait une grande expérience de la guerre.
Q : Pensez-vous que l’attentat du 11 septembre 2001 et la guerre en Irak influenceront grandement les Américains lorsqu’ils iront voter ?
R : Pour les électeurs américains, ces deux événements sont en quelque sorte liés. La question de la sécurité est très importante pour eux et ils se demandent quel candidat leur assurera le plus de sécurité. Les attentats du 11 septembre 2001 surtout ont marqué les Américains.
Michaëlla Coosnapen
et Christophe karghoo