Me Yousuf Mohamed et Me Jacques Panglose
Le détenu Eden François, interrogé récemment dans le cadre de l’affaire Nadine Dantier, a refusé de se soumettre à un test ADN (aussi appelé acide désoxyribonucléique et contenant les informations génétiques d’une personne). Son homme de loi, Me Jean-Claude Bibi, clame que la police ne peut forcer son client à subir ce test. La police, quant à elle, recherche l’avis du Parquet. Me Yousuf Mohamed et Me Panglose, tous deux avocats, ont des avis divergents sur la question de donner plus de moyens à la police pour contraindre quelqu’un à se soumettre à un test ADN.
Q : Quand a-t-on recours à des tests ADN ?
Me Yousuf Mohamed : Ce genre de test est requis dans des affaires criminelles comme le viol ou l’assassinat quand le criminel a laissé des traces avec lesquelles on peut comparer l’ADN des suspects. Si le profil ADN du suspect n’est pas commun et correspond aux échantillons récoltés sur le terrain, il y a de fortes probabilités qu’il soit coupable, mais si son profil est commun il faut que la police fasse très attention. On peut aussi avoir recours à des tests ADN pour des recherches de paternité.
Me Jacques Panglose : Le test ADN est fait afin de déterminer le profil physiologique de quelqu’un, soit un accusé soit une personne soumise à des recherches biologiques quelconques. On prend un spécimen des différentes parties du corps - pelvis, tissus, cheveux, entre autres - et on le compare avec une base de données déjà existantes pour voir s’il correspond. Dans une affaire criminelle, par exemple, si la victime a griffé son agresseur, on peut retrouver des morceaux de peau sous ses ongles et donc les comparer à l’ADN des suspects.
Q : Est-ce qu’une personne peut refuser de se soumettre à un test ADN si la police lui demande d’en subir un ?
Me Yousuf Mohamed : Bien sûr, la personne peut toujours refuser de subir un test ADN et dans ce cas-là, la police doit demander à la Cour de statuer. C’est comme dans les cas de conduite sous l’influence de l’alcool où on demande au conducteur de souffler dans un ballon. Si ce test n’est pas satisfaisant, la police peut lui demander de venir à l’hôpital pour subir un test à partir d’un prélèvement de son sang ou de son urine. Même dans ce cas, le conducteur peut refuser de se soumettre à ce test. La police doit faire appel à un juge et perdre du temps dans de longues procédures et cela ne l’aide pas dans son travail.
Me Jacques Panglose : C’est le droit constitutionnel d’une personne de refuser de se soumettre à un test ADN ou n’importe quel autre test car c’est de son corps qu’il s’agit. Et la police ne peut obliger personne à subir un test ADN car ce serait arbitraire et cela détruirait le fondement même de cet exercice. Mais si vraiment la police a des raisons valables pour douter d’une personne et que cette dernière refuse de se soumettre à un test ADN, elle peut toujours demander à la Cour de statuer. De toute façon, qu’est-ce que cet exercice va prouver ? Que le suspect était sur les lieux du crime ? Encore faut-il prouver qu’il est impliqué dans l’acte criminel. Ce n’est qu’un début de piste.
Q : Pensez-vous que la police aurait dû avoir plus de moyens pour forcer quelqu’un à se soumettre à un test ADN dès qu’elle a des soupçons sur lui?
Me Yousuf Mohamed : Oui, on devrait amender la loi pour donner à la police plus de moyens pour forcer une personne à se soumettre à un test ADN sans passer par une motion en Cour. Ce serait un moyen de détecter des criminels plus facilement. Si la police a des raisons valables de soupçonner quelqu’un, je ne vois aucune clause de la Constitution qui peut l’empêcher de contraindre cette personne à subir un test ADN. La police doit pouvoir prendre des prélèvements de sang, de salive, de peau, de cheveux qui peuvent servir à faire avancer leur enquête et trouver le ou les coupables. Je suis tout à fait pour.
Me Jacques Panglose : Je ne suis pas du tout d’accord pour qu’on donne à la police plus de moyens pour contraindre les gens à ce genre de test, ce serait du domaine de l’arbitraire. La police a les moyens de forcer quelqu’un à se soumettre à un test ADN en allant devant le juge. C’est comme quand on veut mettre quelqu’un sur table d’écoute. On ne peut arrêter quelqu’un en se basant sur un doute, encore moins le contraindre à subir un test ADN. La loi n’est pas arbitraire et ne peut être appliquée à partir d’un simple doute ou des allégations. Il faut que les soupçons soient raisonnables.