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Gérald, 33 ans, torturé à mort

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Gérald Auguste a été martyrisé dimanche dernier dans sa maison
à la rue Gladstone à Quatre-Bornes. Il a eu les mains ligotées, le torse tailladé, un torchon enfoncé dans la bouche recouverte d’«elastoplast» avant d’être étranglé avec du fil de fer. La police étudie la piste d’un règlement de compte et enquête dans le milieu homosexuel

Il était une proie facile. Vivant seul depuis quatre ans dans une maison à l’avenue Gladstone à Quatre-Bornes, Gérald a été torturé avant de mourir dimanche dernier. Son(ses) meurtrier(s) s’est(se sont) introduit(s) en se servant d’une clé de sa maison dimanche dernier. Il(s) a(ont) martyrisé la victime en lui ligotant les mains et en lui tailladant le torse. Le(s) meurtrier(s) a(ont) enfoncé un torchon dans sa bouche, l’a bâillonné avec de l’«elastoplast» avant de l’étrangler avec un fil de fer. La police étudie la piste d’un règlement de compte et enquête dans le milieu homosexuel.

La police pense que Gérald connaissait son(ses) agresseur(s) parce qu’il(s) était (étaient)en possession de la clé de la porte de sa cuisine par laquelle il(s) est(sont) entré(s).

La vie de Gérald était-elle menacée ? Des enquêteurs chargés de cette affaire essaient de déterminer si la victime n’a pas été la cible d’une vengeance entre des groupes homosexuels.

Deux incidents survenus en moins d’une année suscitent le doute. La première remonte à l’année dernière. Alors qu’il était posté à la succursale d’une banque à Rose-Hill, Gérald reçoit un colis suspect. « Un homme est venu déposer une boîte contenant une fiole. Quand Gérald l’a ouverte, un peu du liquide qu’elle contenait est tombé et a brûlé les objets se trouvant sur la table. Nous pensons que c’était de l’acide », raconte Félix (nom fictif), son ami qui est aussi son collègue.

Ignorant le nom de l’expéditeur du colis piégé, Gérald n’a pas voulu faire de déposition à la police.

Au début de cette année, soit le 19 janvier dernier, Gérald est victime cette fois-ci d’un cambriolage. Selon Gilliane, la sœur du jeune homme : «Le(s) voleur(s) a(ont) volé son portable, sa caméra avant de mettre le feu à ses vêtements. Des voisins sont intervenus à temps pour empêcher que l’incendie ne se propage dans la maison». Toujours selon la sœur, son frère avait des soupçons sur un homme qui l’avait arrêté en chemin lui réclamant de l’argent : « Gérald avait refusé parce qu’il ne connaissait pas cette personne».

Ses proches lui ont conseillé de changer les verrous des portes mais « il disait qu’il ne craignait rien » (dixit Adrienne, son amie).

«Il s’apprêtait à acheter une maison»

Sentant sa sécurité menacée, Gérald voulait déménager. « Il s’apprêtait à acheter une maison dans le quartier où il habitait. Il faisait des démarches pour une demande d’ emprunt et il ne lui restait plus qu’à signer les documents pour avoir l’argent », confie Adrienne.

Lors de la découverte macabre, les policiers ont remarqué que le téléphone mobile et la carte bancaire de la victime avaient disparu. Un retrait de Rs 10 000 avait été effectué vers 07h00, lundi dernier, soit le matin de la découverte macabre.

À 5h45 le même jour, Marousia, la nièce de Gérald, reçoit un appel sur son téléphone fixe. Sur l’indicateur d’appel, le numéro du portable de Gérald est affiché. «Un homme m’a dit «Mwa sa ,Gérald. Mo Flic-en-Flac avec bane kamarads l’école. Mo pu vini talère», dit-elle. Marousia se rend compte tout de suite que ce n’est pas la voix de son oncle : «Premièrement, il ne m’adresse jamais la parole en créole. J’ai répondu à l’homme. ‘Ki coume sa mo pa conne la voix mo tonton’. Il m’a raccrochée au nez avant que je n’aie le temps de lui poser d’autres questions. J’ai rappelé mais il n’a pas décroché ».

Lundi dernier, 08h00. Le soleil matinal envoie ses rayons sur l’allée menant à la maison de Gérald. Les fenêtres du salon sont fermées. Depuis la veille, Gérald est porté manquant. Gilliane, sa sœur, s’inquiète et en a même fait part aux policiers. On lui a dit d’attendre 24 heures. Elle a attendu mais en vain.

Une main dépasse

Le lundi matin, après une nuit blanche, Gilliane se décide. Elle va à au poste de police de Quatre-Bornes, explique encore une fois que son frère a disparu. Elle veut avoir le cœur net et demande de l’aide. Deux policiers l’accompagnent jusqu’à la maison de son frère.

À travers les fentes entre les rideaux tirés, la police aperçoit que la lumière du salon est encore allumée. En tirant sur le poignet de la porte d’entrée, elle découvre que la porte est verrouillée. Gilliane, la sœur aînée de Gérald, demande alors aux deux policiers qui l’accompagnent de faire le tour de la demeure en dur pour essayer d’entrer par la porte de la cuisine. « En faisant le tour de la maison, un des policiers est monté sur la roche à laver pour avoir accès à la fenêtre de la cuisine. Il a alors vu un drap enroulé en forme de mèche qui pendait de la porte de la salle de bains», raconte-t-elle.

La crainte qu’un malheur ne soit arrivé à Gérald s’amplifie. Les deux policiers demandent alors la permission à Gilliane et au propriétaire de la maison d ‘enfoncer la porte. Au même moment, deux collègues de travail de la victime, constatant son retard au boulot sans que celui-ci ne les en avertisse, se présentent.

La victime est morte aux environs de 19h00, la veille de la découverte du corps. Aucun des voisins interrogés n’a entendu un bruit suspect.

La victime a-t-elle été violée ?

Le verrou de la porte de la cuisine défoncé, les policiers se heurtent à une porte en bois fermée à clé. Celle donnant accès au salon et aux pièces de la maison. «Cette porte n’est jamais fermée à clé. Les policiers l’ont enfoncée », déclare Gilliane. Intrigués par la présence de la mèche improvisée (celle-ci avait été allumée mais elle n’avait pas brûlé assez longuement pour atteindre la porte), les policiers décident d’entrer.

Une main dépassant sous une pile de vêtements provoque un cri de détresse de la part des parents de Gérald. Une forte odeur de pétrole se fait sentir dans la pièce. «En enlevant les vêtements, j’ai constaté qu’il y avait des blessures au poignet de mon frère. En retournant son corps, j’ai aussi remarqué qu’on l’avait bâillonné et frappé au visage», se souvient-elle.

Le médecin légiste se pointe quelques heures plus tard. Après une première constatation, il semblerait que la victime soit morte asphyxiée. L’autopsie le confirme. Il a des blessures sur tout le corps. Le médecin légiste n’arrive pas à déterminer s’il a été sodomisé avant de mourir ou si les pénétrations anales sont récentes.

Gérald était-il homosexuel ? Selon Gilliane, elle trouvait que son frère était très «efféminé» et «physiquement soigné». «Il ne m’a jamais dit qu’il était homosexuel. Je ne lui ai jamais posé cette question », précise-t-elle. Adrienne, une autre proche, confirme que Gérald fréquentait beaucoup ce milieu. « Il avait une liaison avec un dénommé Rajiv qui est mort d’un cancer il y a deux ans de cela. Gérald était très affecté par cette perte. Il n’avait jamais confié à ses parents cette histoire», déclare Adrienne (nom fictif), une de ses amis.

Depuis, personne de son entourage ne lui connaissait un autre amoureux. « J’ai appris qu’il avait eu une liaison avec un employé d’hôtel. Puis, il y avait un homme qui le harcelait pour sortir avec lui mais Gérald ne voulait rien entendre », se souvient-elle.

À ce jour, les enquêteurs ont interrogé les parents de Gérald et quelques collègues de travail.

Parmi les personnes interrogées, certains fréquentent le milieu homosexuel tout comme Gérald le faisait. Selon une source policière, aucune arrestation n’avait été effectuée à hier soir. Gérald, lui, repose depuis mardi dernier au cimetière St-Jean. Sa mère, qui vient de perdre son époux il y a trois mois de cela, pleure désormais son fils dans les bras de sa fille Gilliane et de son frère Jean-Noël, une personne souffrant de dépression.

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Les petites vieilles du quartier pleurent Gérald

Après le choc, les larmes. Carmen Baya, très proche de la victime, ancienne institutrice habitant la rue Ollier, nous parle de Gérald : «Il était vraiment comme un enfant pour moi. Un bon garçon qui n’aimait pas sortir le soir.»

Même son de cloche du côté de Margarette Teycheney, qui habite à deux pas de Gérald : «C’était quelqu’un de serviable et d’honnête. Il m’appelait des fois ‘tante Marga’. Il était gentil et réservé. Tout le monde l’aimait bien.»

D’ailleurs, ils étaient nombreux aux funérailles de Gérald, l’église St-Patrick était presque remplie. La chorale a rendu un dernier hommage à Gérald en chantant ‘Amazing Grace’, rempli d’émotion.

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Père Pierrot Friquin : «Il luttait pour donner un sens à sa vie»

La paroisse de St-Patrick pleure un de ses lecteurs. Engagé au niveau de cette église en tant que lecteur à la messe de 16h30 les samedis, Gérald chantait de temps à autre dans la chorale. Encore sous le choc de cette tragique disparition, le père Friquin, qui est un ami de Gérald, nous parle de la victime en ces termes : «c’était une personne qui luttait pour donner un sens à sa vie». Il trouve également «qu’il y a des actes de violence gratuite de notre société ces temps derniers». Il a cité les cas de Nadine Dantier, tuée sur un terrain vague à Albion en 2003 et de Rajah Gunoby, poignardé la semaine dernière à Brisée Verdière.

Par Nadine Bernard

et Stephane Chinnapen

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