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Les femmes de pêcheurs ont le mal de mer

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Jocelyne Genave garde toujours l’espoir que son époux Jocelyn ainsi que deux autres pêcheurs disparus la semaine dernière au large de Saint-Brandon seront retrouvés sains et saufs

S’il n’en tenait qu’à elles, leurs hommes exerceraient un métier bien terrestre. Car être femme de pêcheur n’est pas une partie de plaisir. Les femmes dont les époux pêchent sur les bancs, sont contraintes, pendant les longues absences de ces derniers, d’assurer le rôle de mère et … de père à la fois. Mais pour toutes, c’est aussi l’attente angoissante, l’incertitude de ne pas voir revenir leur tendre moitié et une vie de misère car la mer «ne nourrit plus son homme».

«Ce n’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme», chante Renaud. Pas plus tard que la semaine dernière, trois pêcheurs, Jocelyn Genave, Antonio Félicité, et Victor Boulaye, ont disparu alors qu’ils pêchaient sur les bancs de Nazareth au large de Saint-Brandon. À vendredi après-midi, ils n’avaient toujours pas été retrouvés.

Leurs épouses restées à terre, essaient de ne pas baisser les bras. «J’ai l’espoir que mon époux est en vie. Je prie tous les jours pour qu’on le retrouve ainsi que ses compagnons sains et saufs», déclare avec conviction Jocelyne, l’épouse de Jocelyn Genave. C’est une femme qui semble avoir un tempérament aussi solide que son physique.

Elle continue à mener son ménage d’une main de fer. Trois enfants, un petit-enfant et un orphelin qu’elle a accueilli, constituent la tribu sur laquelle elle veille, seule, en l’absence de son époux. Sa maisonnette en tôle où elle éprouve souvent des difficultés à joindre les deux bouts entre les factures d’électricité et d’eau, témoigne de la misère dans laquelle vivent la plupart des familles de pêcheurs.

«Nou meme mama, nou meme papa»

«C’est très dur d’être des femmes de pêcheurs qui vont travailler sur les bancs. Ils sont absents pendant plusieurs semaines et pendant ce temps, nous, les femmes, devons nous occuper de tout : le ménage, les enfants, le budget, les problèmes, tout. Nou meme mama, nou meme papa», soutient Jocelyne, les yeux dans le vague.

Les autres femmes de pêcheurs venues rendre visite à Jocelyne acquiescent. «Parfois, nos époux partent pendant 70 jours. Pendant ce temps, nous n’avons aucun contact avec eux. Même s’il y a un problème grave, nous sommes obligées de nous débrouiller seules», lance Aurela Édouard, vice-présidente de l’Association des épouses des gens de la mer.

Marie-Thérèse Augustin semble, quant à elle, accepter son sort de femme de pêcheur sur les bancs, avec un certain fatalisme : «Ki pou fer? C’est sa mem so travail. Mais c’est vrai que c’est très dur. Parfois, j’ai besoin d’un conseil pour la maison, l’éducation des enfants. En plus, je me fais du souci pour mon époux à chaque fois qu’il est en mer».

Marguerite Francis, la compagne de Victor Boulaye, a vu, quant à elle, ses angoisses se confirmer: «J’avais toujours peur qu’il arrive quelque chose à Victor quand il est en mer. On entend parler de tellement de cas de disparition et de noyade impliquant des pêcheurs. Maintenant qu’il a disparu, je ne sais plus quoi faire».

Contre sa poitrine, son fils Jason, cinq mois, dort à poings fermés. Marie-Nadège Abdool, la compagne d’Antonio Félicité, enceinte de sept mois, est, elle, à l’hôpital Jeetoo après avoir ressenti un malaise. Trop d’émotions.

Les trois épouses des pêcheurs disparus, en plus de l’angoisse qui ne les quitte plus depuis une semaine, doivent faire face à un autre problème, financier celui-là. «Comment allons-nous subvenir aux besoins des nôtres si on ne retrouve pas nos époux ? Actuellement, nous avons de minces économies qui ne vont pas durer longtemps. Déjà qu’en temps normal nous avons du mal à joindre les deux bouts», soutient Marguerite Boulaye.

Car les épouses de pêcheurs se plaignent toutes de problèmes financiers. «Les poissons se font rares et nos époux ne gagnent pas grand-chose», déclare Marie-Louise Raphaël, l’épouse d’un pêcheur qui se trouvait sur le ‘Noor Star 2’. C’est sur ce même bateau que se trouvaient Jocelyn Genave, Antonio Félicité, et Victor Boulaye, avant leur disparition.

Le mari de Priscille n’est pas pêcheur sur les bancs, il part en mer le matin et revient à la maison l’après-midi. Mais même si son époux, Henley, n’est pas absent plusieurs jours, les autres problèmes qu’elle rencontre restent les mêmes.

«Parfois mon époux revient avec Rs 50 ou Rs 100, parfois sans rien. Même avec mon salaire de bonne et les salaires de mes deux fils- l’un est pêcheur et l’autre ouvrier- on arrive difficilement à joindre les deux bouts. Quand Henley a pris de l’argent pour s’acheter des cigarettes et boire un coup, je dois me débrouiller avec ce qui reste», déclare cette habitante de Cap Malheureux.

Sauvés ‘in extremis’

Et l’inquiétude qui ne veut pas la quitter quand son époux est en mer : «La mer devient de plus en plus dangereuse et les cas de disparition ou de naufrage se multiplient».

Pas plus tard que lundi dernier, les occupants d’une pirogue en difficulté ont été sauvés de justesse au large de l’île Plate. Mais heureusement, Giandeo Coonee, le propriétaire de la pirogue, qui se trouvait à bord de l’embarcation a pu alerter les gardes-côtes avec son téléphone portable.

Sa femme est dans tous ses états depuis l’incident : «C’est la première fois que mon époux se retrouve en difficulté en mer. Je n’étais déjà pas rassurée quand il allait pêcher maintenant, je serais très angoissée quand il reprendra la mer». Des larmes coulent sur ses joues. Elle ne peut s’empêcher de penser qu’elle aurait pu perdre son époux.

Navisha, l’épouse de Krish Keerpa qui se trouvait sur le bateau en compagnie de Giandeo Coonee, est encore elle aussi sous le choc. Mais au lieu de pleurer, c’est elle qui essuie les larmes de son mari. Ce dernier sanglote à chaudes larmes en répétant : «J’ai vu la mort de près». Navisha ne veut pas qu’il aille pêcher à nouveau. Lui ne sait pas ce qu’il va faire. «C’est le seul métier que je connaisse», soutient ce fils de pêcheur.

Car c’est bien là le problème, la plupart des pêcheurs ne connaissent que ce métier qu’ils ont hérité de leurs pères qui, eux, l’avaient hérité de leurs grands-pères. Des hommes fascinés par une mer qui ne leur fait pas que des cadeaux. Au grand dam des épouses restées à terre.

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Aide financière aux familles des disparus

Lundi dernier, les familles de Jocelyn Genave, Antonio Félicité et Victor Boulaye ont reçu chacune Rs 5 000 du ‘Fishermen Welfare Fund’. C’est ce que nous a appris l’attaché de presse du ministère de la Pêche. À la fin de ce mois, le ‘Fishermen Welfare Fund’ compte remettre un autre chèque à ces familles. Selon l’attaché de presse, le ministère de la Pêche est en contact permanent avec le ‘National Coast Guard’ et les familles durant les recherches. Si les corps des disparus ne sont pas retrouvés après six mois, le bureau de la Sécurité sociale demandera à leurs épouses de jurer un affidavit pour qu’elles reçoivent une pension de veuve de Rs 1900 pour elles et une pension d’orphelin de Rs 585 pour chacun de leurs enfants de moins de 10 ans et de Rs 660 pour ceux de plus de 10 ans. Dans le cas de disparition de pêcheurs artisanaux enregistrés, leurs familles reçoivent chacune Rs 200 000 du ministère de la Pêche si leurs corps ne sont pas retrouvés après sept ans. Les familles des pêcheurs sur les bancs sont, quant à eux, dédommagés par les compagnies qui les emploient et qui sont dans l’obligation de les assurer. Depuis janvier 2004, onze pêcheurs ont eu des problèmes en mer, huit d’entre eux ont été retrouvés vivants et les trois autres sont morts noyés.

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Les pêcheurs de Montagne Jacquot réclament justice

Ils se sentent en danger. Eux, ce sont 90 pêcheurs opérant au large de Montagne Jacquot qui ont vu leurs embarcations saisies mardi dernier à la suite d’une protestation contre les travaux effectués par la drague suceuse ‘Jerommeke’ dans leur zone de pêche. Ils avaient aussi été arrêtés puis libérés à la suite de leur protestation. Ces travaux de dragage s’inscrivent dans le cadre du projet de tout-à-l’égout mais les pêcheurs estiment qu’ils sont privés de leur gagne-pain, ne pouvant plus pêcher dans cette zone. «Les pêcheurs concernés envisagent de déposer une ‘plaint with summons’ et réclament une compensation pour les préjudices qu’ils ont subis et qu’ils vont subir à l’avenir», nous déclare l’avocat des pêcheurs, Madan Dulloo. Les pêcheurs se disent inquiets de leur avenir. «Nous voulons qu’on nous assure que nous allons retrouver notre zone de pêche», nous déclare Judex Ramphul, le porte-parole des pêcheurs. Jeudi dernier, le commissaire leur a accordé le droit de reprendre leurs pirogues. Ils les ont récupérées vendredi dernier après avoir refusé dans un premier temps de les reprendre. «Cela ne change rien car nous ne savons toujours pas où nous allons pêcher», ajoute pour sa part Jocelyn Henriot, un autre porte-parole des pêcheurs.  Les pêcheurs s’étaient réunis vendredi dernier au jardin de la Compagnie pour faire entendre leurs revendications. Une autre manifestation est prévue pour demain, lundi.

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Le ‘Noor Star 2’ rentre au port avec trois hommes en moins

Ce sont des hommes abasourdis qui débarquent. Des pêcheurs habitués à jouer les durs mais qui ne peuvent cacher leur tristesse après la disparition de trois de leurs compagnons le jeudi 14 octobre dernier. À vendredi dernier, ils n’avaient pas encore été retrouvés. Mercredi dernier, le ‘Noor Star 2’, bateau sur lequel ils avaient embarqué pour une campagne de pêche de 45 jours, est rentré au port «pour les besoins de l’enquête.»

Entre-temps, la ‘National Coast Guard’ (NCG) continue ses recherches pour retrouver Jocelyn Genave, 37 ans, Antonio Félicité, 26 ans, et Victor Boulaye, 23 ans, qui ne sont pas rentrés de leur partie de pêche sur les bancs de Nazareth à environ 65 km de l’îlot Raphaël.

Il est 11h00 mercredi dernier. Le ‘Noor Star 2’ accoste le quai D à Port-Louis. Le soleil tape fort mais ne décourage pas pour autant les femmes de pêcheurs venues accueillir leurs maris qui reviennent au pays après onze jours passés en mer.

Les compagnes des trois disparus, Jocelyne Genave, Marguerite Boulaye et Marie Nadège Abdool sont là, elles aussi. Elles veulent des explications pour savoir ce qui s’est passé en ce jeudi fatidique où leurs époux ont disparu et pourquoi le ‘Noor Star 2’ a abandonné les recherches pour rentrer à Maurice.

Toutes les femmes de pêcheurs présentes se disent solidaires envers les femmes des trois pêcheurs disparu.

Conditions de travail difficiles

«On va les soutenir jusqu’au bout car en fin de compte cela aurait pu arriver à n’importe qui d’entre nous», nous dit pour sa part Annick, femme de pêcheur.

Sur le pont comme sur le quai, les pêcheurs discutent entre eux de leurs conditions de travail difficiles.

«Les pirogues sont en mauvais état, les radios et les moteurs ne fonctionnent pas et les gilets de sauvetage qui sont dans un état délabré ne servent pas non plus à grand-chose », raconte Gérard.

La partie de pêche du jeudi 14 octobre dernier lui restera toujours dans la mémoire : «J’attends toujours que mes trois amis Jocelyn, Antonio et Pierre soient retrouvés vite et sains et saufs. Ce jour - là, la mer était vraiment démontée, les pirogues ont alors rebroussé chemin. C’est à ce moment-là que avons remarqué l’absence de nos trois amis. Le capitaine a essayé de les contacter sur leur radio mais sans résultat. Ce n’est pas étonnant vu que ces radios ne fonctionnent jamais.»

Nous avons essayé d’avoir une réaction du propriétaire du ‘Noor Star 2’ sur les allégations de Gérard, un des pêcheurs, sur l’état des équipements, mais à vendredi matin, nos démarches se sont révélées vaines.

En revanche, le capitaine du bateau, Guy Samuel Moorghen, nous a fait la déclaration suivante et qui contredit les propos tenus par Gérard: «Nos équipements sont en parfait état. Nos pirogues datent de 2 ans. Nos radios fonctionnent très bien, nos gilets de sauvetage correspondent aux normes et nous avons tout fait pour essayer de retrouver les pêcheurs disparus.»

Quant à Auréla Édouard, de l’Association des femmes des gens de mer, elle soutient que les membres de l’assoiation entameront une grève de la faim s’il y a des licenciements lorsque le ‘Noor Star 2’ reprendra la mer mardi dernier.

Entre-temps les recherches se poursuivent pour retrouver les pêcheurs disparus et Jocelyne Genave, Marguerite Francis et Marie Nadège Abdool s’apprêtaient, à vendredi dernier, à passer une nouvelle nuit blanche en espérant recevoir bientôt une bonne nouvelle.

Michaëlla Coosnapen

et Christophe Karghoo

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