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Aimée Chetty, les larmes d’une mère

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À cinq minutes de la manifestation du MMKA en faveur d’Antoine Chetty, la mère du détenu raconte sa souffrance à notre journaliste à la Place d’Armes, mardi dernier

Toutes les larmes de son corps ne suffiront pas pour noyer son chagrin. Aimée Chetty, 66 ans, pleure le sort de son fils Antoine, arrêté pour une affaire de drogue au cours de laquelle il avait balancé le nom de son patron, le notaire Vinay Deelchand. Auteur de plusieurs révélations ayant trait notamment à des expropriations frauduleuses de terrains, Antoine Chetty ne cesse de défrayer la chronique. Il allègue qu’on a voulu l’empoisonner en prison le 9 octobre après que Prakash Meetoo, un autre détenu, eut parlé d’un précédent complot pour l’éliminer, lui, le principal témoin dans l’affaire Deelchand. Vinay Deelchand nie les accusations portées contre lui. Aimée Chetty, la mère d’Antoine Chetty, nous parle de sa «souffrance.» Depuis l’arrestation de son fils qu’elle chérit tant, elle est meurtrie, dit-elle.

Q : Vous êtes la mère d’Antoine Chetty, dans quel état d’esprit êtes-vous en ce moment ?

R : Personne ne peut ressentir ce que j’éprouve en ce moment. Je ne dors pas la nuit. J’ai peur que quelqu’un me téléphone pour me dire qu’Antoine est mort.

Q : Combien d’enfants avez-vous ?

R : J’ai quatre enfants. Antoine est l’aîné. J’ai aussi une fille,  Solange, et deux autres garçons, Marco et Gaëtan.

Q : Comment fut l’enfance d’Antoine Chetty ?

R : Antoine avait trois ans lorsque son père a délaissé le toit familial. Gaëtan était encore bébé. Je travaillais alors comme bonne chez quatre différentes familles et nous vivions tous chez ma mère à Rose-Hill dans la cour de la grand-mère de Rama Valayden. Antoine a dû arrêter l’école en sixième car je n’avais pas les moyens de l’envoyer au collège. Il est parti travailler comme manœuvre avec Paul, mon frère, qui est maçon, jusqu’au jour où il s’est marié avec Monique.

Q : Antoine avait quel âge lorsqu’il a rencontré Monique ?

R : Antoine avait 18 ans et Monique 15 ans. Ils se sont mariés un an après. Rex (Ndlr : le fils d’Antoine et de Monique) est venu au monde peu de temps après.

Q : Partagiez-vous la même maison que le couple après son mariage ?

R : J’avais déménagé pour aller habiter à St-Pierre. Il habitait dans les parages de St-Pierre, mais dans une autre maison à Petit-Verger. Antoine était alors peintre en bâtiment jusqu’au jour où il est parti pour exercer comme garde du corps d’un prince en Arabie Saoudite. Son fils avait six ans lorsqu’il est parti. Ma belle-fille et mon petit-fils étaient alors venus vivre chez moi.

Q : Dans quelles circonstances Antoine s’était-il retrouvé en Arabie Saoudite ?

R : Je ne sais pas, mais je peux vous dire qu’Antoine a appris à boxer lorsqu’il était très jeune. On habitait à Rose-Hill. Le karaté, il l’a appris par la suite d’un habitant de St-Pierre.

Q : Pendant combien de temps Antoine a-t-il travaillé en Arabie Saoudite?

R : Antoine a travaillé pour le prince pendant plus de deux ans. Lorsqu’il est rentré au pays, il est allé habiter à Rose-Hill. Même s’il habitait ailleurs, il venait me voir et venait déjeuner chez moi pendant les fêtes de fin d’année. C’est lorsqu’il est parti habiter à Bonne Terre qu’il a été employé comme chauffeur par Deelchand.

Q : Est-ce que le comportement d’Antoine était le même lorsqu’il avait pris de l’emploi chez Deelchand ?

R : Il avait commencé à prendre ses distances. Je devais souvent me rendre sur son lieu de travail à Port-Louis pour avoir de ses nouvelles.

Q : Étiez-vous au courant de la liaison entre Antoine et Anju Lallah ?

R : Au début, je ne savais rien. J’ai su qu’il sortait avec elle lorsque je travaillais comme bonne et garde-malade du père d’Anju pendant une période de huit mois. Quand Antoine, Anju et leur fille étaient partis à Rodrigues, je me suis occupée du vieil homme, seule.

Q : Comment se comportait Antoine avec le père d’Anju Lallah ?

R : Antoine l’aimait bien. C’était d’ailleurs Antoine qui lui donnait son bain tous les jours et lui coupait les ongles.

Q : Comment avez-vous su qu’Antoine avait été arrêté ?

R : C’est mon fils Gaëtan qui m’a dit qu’Antoine avait été arrêté pour une affaire de drogue. C’était le lendemain de son arrestation (Ndlr : le 23 mars dernier).

Q : Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois, avant son arrestation ?

R : Il était venu chez moi en taxi le dimanche précédant son arrestation. Il semblait avoir des problèmes. Il était anxieux. Une personne n’arrêtait pas de lui téléphoner sur son portable. Il n’a pas voulu dîner mais m’a demandé de lui faire du thé. Il n’a pas voulu passer la nuit chez moi. Avant de partir ce soir-là, il m’a remis la somme de Rs 500 et m’a dit de la garder pour mes achats. J’ai d’ailleurs utilisé cette somme d’argent pour acheter des trucs pour lui le jour où je suis allé le voir aux Casernes centrales le lendemain de son arrestation.

L’entretien s’arrête brusquement quand Aimée Chetty éclate en sanglots ; elle se lamente : «Petit, Antoine était un bon fils. Je n’ai jamais eu de problème avec lui. À ma connaissance, il n’a jamais eu affaire avec la police. Il a changé lorsqu’il a commencé à travailler pour Deelchand. J’ai le cœur gros. Je lui ai appris les bonnes manières. Il a choisi son chemin. »

De grosses larmes perlent toujours sur les joues d’Aimée : «Si je perds Antoine, si on le tue, prefer mo boir ene doz poison. Je suis la seule à savoir comment j’ai élevé mon fils.»

Aimée nous fait alors part que c’est un de ses petits-fils qui lui a raconté, le vendredi 8 octobre dernier, qu’il y aurait eu un complot pour mettre du mercure dans le repas d’Antoine lorsque celui-ci était détenu à La Bastille. «Que vais-je faire si Antoine meurt ? » se demande-t-elle.

La vieille dame tente de sécher ses larmes. Sa voix est saccadée. Les phrases sont hachées : «J’ai du chagrin quand je vois mon fils derrière les barreaux. J’ai le cœur gros. Croyez-vous que ce sera facile pour moi de perdre un fils comme Antoine ? »

Aimée explique alors qu’Antoine a échappé à la mort à plusieurs reprises et qu’elle avait tout fait pour le sauver : «Antoine était très malade lorsqu’il était petit. Il était tombé gravement malade une première fois quand il n’était âgé que de vingt-deux jours. Il avait des crises d’asthme. À plusieurs reprises il a perdu connaissance et a dû être ranimé. Une fois, on a cru qu’il était mort. C’est lorsqu’un de mes frères est allé lui donner un bain qu’il a redonné signe de vie en pleurant.»

Soudain, le ton de la sexagénaire monte : «Kifer line fer sa bane travail la ? Kifer line bisin travail ek Deelchand. »

Est-ce que son fils lui a déjà fait part de ses activités avec Deelchand et lui a lui a-t-il fait des révélations ? Aimée Chetty répond négativement : «Eski ou croire li ti pu kapav dire mwa sa bane zaffair li ti pé fer la ?»

Est-elle disposée à pardonner à Antoine? «Je lui pardonne pour ce qu’il a fait. Même s’il est en prison, il est toujours mon fils. Je n’ai pas honte de lui pour ce qu’il a pu faire. Mon fils n’aurait pas dû se trouver dans cette situation après avoir connu la misère dans le passé.»

Et si Antoine est condamné à une lourde peine ?  «Si li gagne ene longue sentence pu bien difficile pu mwa.» Elle ajoute «mes proches me disent d’arrêter de me faire du souci pour Antoine, mais croyez-vous que je peux ne pas m’inquiéter pour lui ? C’est mon fils qui est en prison. Si je le perds, la vie s’arrêtera pour moi.»

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Les conditions de détention d’Antoine Chetty dénoncées

La plume est plus forte que l’épée, dit-on. Munies de pancartes, onze personnes ont manifesté pacifiquement mercredi dernier devant l’Hôtel du gouvernement pour dénoncer ce qu’elles appellent les mauvaises conditions de détention d’Antoine Chetty. Parmi les manifestants: Aimée, la mère d’Antoine Chetty, Mario Flore, leader du ‘Muvman Morisien Kreol Afrikain’ (MMKA) et Éliézer François, leader du Mouvement Authentique Mauricien (MAM). Les manifestants réclament plus de sécurité pour Antoine Chetty depuis qu’on aurait tenté de l’empoisonner au mercure.

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