Paul Bérenger a déjà donné
des instructions pour que la sécurité autour d’Antoine Chetty
soit davantage renforcée
La peur ronge Antoine Chetty. Celle de mourir. Pas par suicide, mais par empoisonnement. À 5-Plus qui lui a rendu visite à la prison centrale de Beau-Bassin mardi dernier, le détenu allègue qu’il y a eu une deuxième tentative pour l’assassiner, le samedi 9 octobre dernier, par empoisonnement alimentaire au travers d’une «trace» jaunâte. La raison ? Il est le témoin principal dans l’affaire Deelchand.
Antoine Chetty est détenu depuis le 23 mars dernier. Il a été arrêté lorsqu’il s’apprêtait à vendre 25 grammes d’héroïne à un élément de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (ADSU) en civil. Lors d’une fouille à son domicile, 800 grammes de la même drogue est saisie. Sa concubine est, elle-aussi, arrêtée. Elle sera, quelque temps après, relâchée.
Une série d’arrestations a lieu après des révélations d’Antoine Chetty. Il se dit désormais repenti et est considéré comme un témoin important. Le notaire Deelchand, l’ex-patron d’Antoine Chetty, est le premier sur la liste des personnes arrêtées après avoir été dénoncé par son ex-employé et bras droit comme un trafiquant de drogue. D’autres personnes seront arrêtées suite à des cas allégués d’appropriations frauduleuses de biens immobiliers dans lesquelles le nom du notaire apparaît.
Le 4 octobre dernier, Prakash Meetoo, un détenu, a affirmé lors d’une comparution en Cour, avoir été payé par le notaire Deelchand pour mettre du mercure, un poison, dans le repas d’Antoine Chetty à La Bastille. Prakash Meetoo est détenu dans le même bloc que le notaire Deelchand à la prison centrale de Beau-Bassin. Ce supposé premier contrat n’aurait pas été effectué après le transfert d’Antoine Chetty de La Bastille à la prison centrale.
Me Siddartha Hawoldar, avocat du notaire Deelchand, a expliqué dans les colonnes de 5-Plus de la semaine dernière que son client «clame son innocence et crie au complot bien planifié».
La rencontre en prison
Quatre portes à franchir de la grille d’entrée de la ‘New Wing’ de la prison centrale au coin réservé aux visiteurs. La salle, qui est divisée en deux parties, une pour les détenus et l’autre pour les visiteurs, est vide. D’un vert pomme, les murs demandent une nouvelle couche de peinture.
Il est 08h03. Le garde-chiourme de service du côté des visiteurs, talkie-walkie en main, informe ses collègues se trouvant du côté des détenus de l’arrivée des visiteurs pour Antoine Chetty. Sa concubine et leur fille sont là. 5-Plus aussi.
«Amène Chetty», dit le garde-chiourme sur un ton sérieux. Il est 08h08. L’atmosphère est tendue. Mère et fille sont nerveuses. Quand débarque Antoine Chetty, le sourire revient sur leurs lèvres.
«Bonjour papa. Comment vas-tu ?». L’image est poignante et tellement touchante. La petite fille, quatre ans à peine, envoie à son papa chéri son plus beau sourire. À faire pleurer même les plus coriaces.
La conversation commence. Assise aux côtés de sa maman sur le banc, elle arrive difficilement à voir Antoine Chetty. Qu’à cela ne tienne, elle grimpe sur le banc. Sa petite frimousse est maintenant à quelques centimètres du détenu.
C’est un autre Antoine Chetty qu’on retrouve derrière les barreaux à travers un large panneau vitré insonorisé. Ce n’est plus le Chetty que le public connaît à travers la presse pour ses nombreux délits dans l’affaire Deelchand.
Il porte des jeans bleus, un t-shirt gris et a une barbe grisonnante de deux jours. Le visage de l’homme est radieux devant le sourire de sa fille qui lui parle au téléphone. Mère et fille parlent à Antoine Chetty en se passant le combiné. Il y a de l’amour dans l’air.
On voit souvent Antoine Chetty sourire, parfois il prend un air grave. Dépendant des réponses qu’il obtient de sa concubine. Les questions de celle-ci tournent autour des conditions de détention et des menus.
Mais, le temps passe vite. Quinze minutes sont écoulées déjà. Il n’en reste que dix, promises à 5-Plus.
Tête-à-tête sous haute supervision
La fillette est calée entre nous et la concubine d’Antoine Chetty. Celle-ci fait une rapide présentation et c’est le tête-à-tête tant attendu. Sous haute surveillance, il va sans dire.
D’emblée, Antoine Chetty raconte qu’un autre complot aurait été ourdi pour le tuer. L’homme paraît agacé, très inquiet. Les faits, dit-il, remonteraient au samedi 9 octobre dernier. Selon lui, il aurait découvert quelque chose d’anormal dans sa nourriture à l’heure du déjeuner. «Il y avait des taches jaunes dans le riz blanc qu’on m’avait servi. Je soupçonne que quelqu’un avait mis du poison dans ce riz-là», nous dit Antoine Chetty avec tout le sérieux du monde.
Au menu ce jour-là, se souvient-il, du riz, de la daube de viande, du dholl et de la carotte en salade.
«Qui prépare vos repas ?» lui demandons-nous. À cette question, Antoine Chetty répond avec calme que ses repas sont préparés à la cantine de la prison. C’est un garde-chioourme, dit-il, qui les lui apporte dans de petits conteneurs en plastique.
Antoine Chetty raconte qu’il a informé un garde-chiourme de la prison de la découverte des taches jaunâtres dans son repas. Le garde-chiourme en question, dit-il, ne lui a pas donné la permission de téléphoner à son homme de loi ce jour-là. Il allègue qu’il a dû jeter la nourriture après avoir vainement attendu qu’on vienne l’emporter pour qu’elle soit analysée.
Nous avons tenté d’avoir la version des responsables des prisons, m ais nos questions envoyées par fax depuis mercredi dernier sont restées sana réponse.
«Zot pu rode touille mwa enkor»
Les complots allégués pour l’empoisonner ne le laissent pas insensible. «Physiquement mo pa per, mais mo per poison. Si mo mort, tou ‘case’ fini la mem. Sé sa zot but. Pa coné ki sanela pu fer confians dan prison», déclare Antoine Chetty.
L’homme devient très nerveux lorsqu’on lui parle d’un empoissonnement au mercure. Le ton change : «Je ne connais pas du tout Meetoo. Je ne me sens pas en sécurité. Il se passe trop de choses en prison. Il était plus facile de me tuer à La Bastille. Rien n’est impossible en prison. Chaque jour qui passe, j’apprends des choses en prison. Derrière les barreaux, il est plus aisé d’avoir de la drogue. Mais rien n’est fait pour empêcher cela».
Antoine Chetty n’en démord pas : «Zot pu rode touille mwa enkor. J’en ai parlé à Sooroojbally (Ndlr : le responsable de l’ADSU) et Tuyau (Ndlr : inspecteur de police qui a consigné les dépositions relatives aux révélations d’Antoine Chetty) quand ils sont venus me voir dans l’affaire Meetoo».
D’une voix cassée, notre interlocuteur ajoute que «si jamais il m’arrive quelque chose, ce ne sera pas de ma faute. Je n’ai pas l’intention de me suicider». Antoine Chetty raconte alors qu’il est complètement isolé depuis qu’il est détenu à la ‘New Wing’ : «Je n’ai ni radio ni télé. Je sors très rarement». Lorsque la conversation tourne autour de ses relations avec le notaire Deelchand, l’homme esquisse un léger sourire : «Je travaillais encore pour lui avant que la police ne m’arrête. J’étais son homme de confiance».
Qu’est-ce qui l’a poussé à faire des révélations ? Antoine Chetty nous fait la déclaration suivante : «Les policiers m’ont parlé après mon arrestation. Après avoir bien réfléchi, j’ai décidé de changer de vie. J’ai fait des révélations, une façon pour moi de me repentir». Il ajoute que «tout ce que j’ai révélé n’est que pure vérité. Il n’y a rien qui soit faux. La police a effectué des arrestations après avoir eu des preuves».
Interrogé sur d’autres éventuelles révélations, comme les disparus de Pomponette, la disparition du petit Akmez, le jeune couple ayant trouvé la mort à Bassin Blanc, le repenti répond sèchement : «Péna».
Il semblerait, selon son avocat, qu’Antoine Chetty a d’autres révélations à faire (voir encadré).
Antoine Chetty n’a désormais qu’un seul souhait : «J’espère que les affaires seront vite appelées en Cour et que j’écoperai d’une sentence raisonnable».
Puis, comme il ne reste que cinq minutes du temps de visite, il les a consacrées à sa maman Aimée, qui attendait sagement à côté (voir autre texte en page 5).
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Des «révélations» sur six meurtres
Le détenu Antoine Chetty compte faire des «révélations» sur pas moins de six meurtres, dont celui d’un couple.
C’est ce que nous avons appris hier après-midi. Toutefois, avant de
déballer ses secrets, il attend que le Directeur des poursuites publiques lui accorde l’immunité pour des crimes dans lesquels il confesse avoir participé.
D’autre part, Me Samad Goolamaully a rencontré son client à la prison centrale vendredi dernier. Étaient aussi présents : Me Rama Valayden, qui assure lui aussi la défense d’Antoine Chetty, et l’inspecteur Tuyau. Antoine Chetty avait promis un deuxième volet de révélations. Antoine Chetty cherche-t-il l’immunité ? «Dans certains cas oui, mais pas dans l’affaire de drogue», explique Me Goolamaully. Il ajoute que Me Valayden a écrit une lettre au DPP en ce sens.
Est-ce que les hommes de loi d’Antoine Chetty connaissent la teneur des nouvelles révélations ? Me Goolamaully répond qu’il est, lui aussi, suspendu à la décision du DPP mais déclare toutefois que son client «a promis des
révélations encore plus choquantes qui vont aider la police à résoudre certains
crimes non élucidés et retrouver des cadavres».