Devrait-on s’étonner ? Devrait-on être surpris devant la démission forcée d’Ashok Radhakeessoon de la présidence de l’Independent Broadcasting Authority (IBA) et de l’ ICTA (Information and Communications Technologies Authority)?
À bien y voir, ce départ-là n’a rien de surprenant même si le contrat d’Ashok Radhakeesoon a été renouvelé au début du mois d’août.
Le « désir de se retirer »- comme l’indique diplomatiquement le communiqué du Conseil des ministres-du président de l’IBA intervient à un moment où ceux qui détiennent le pouvoir politique estiment qu’Ashok Radhakeessoon a fait preuve de mollesse, de laxisme à la tête de l’IBA en ne sanctionnant pas certains propos tenus sur les ondes des radios privées jugés inadmissibles par eux.
La goutte qui a fait déborder le vase est, semble-t-il, un commentaire diffamatoire tenu par un auditeur sur une radio privée à l’encontre du Premier ministre.
Alors que certains réclamaient une sanction sévère contre cette radio, d’autres n’ont pas compris pourquoi l’IBA s’est contentée de refiler la plainte (puisqu’il y en a eu une) au ‘Complaints committee’, adoptant ainsi une posture confortable en ménageant la chèvre et le choux, ne prenant pas une position tranchée.
En attendant, depuis vendredi dernier, Ashok Radhakeessoon a soumis sa démission alors qu’il n’est un secret pour personne que l’avocat ne part pas de son plein gré.
Et c’est là où ça tracasse. La perception – si ce n’est la réalité – est que le pouvoir politique s’en prend de manière forte aux médias, en remplacant un homme qui, paraît-il, n’était pas assez sévère avec les radios privées.
Alors que la menace s’est fait sentir à plusieurs reprises, l’affaire est partie un peu loin cette fois-ci malgré la parade officielle avec l’annonce de la démission d’Ashok Radhakeesoon.
Une démission qui intervient à une année seulement des élections législatives dans un climat pollué par plusieurs tentatives de priver la presse de son espace libre dans un pays théoriquement démocratique.
Mais encore une fois, faut-il s’étonner ? Pas plus tard que le mois dernier, dans le sillage de l’affaire de l’explosion survenue à Grand-Baie, le Premier ministre avait jugé utile d’instituer un comité interministériel pour se pencher sur ce qu’il considérait comme « les excès et dérapages des radios ».
Un comité, faut-il le rappeler, constitué de six ministres et d’un député qui travaillent sur d’éventuels amendements à la loi régissant les radios privées.
Quand on sait également que le Premier ministre attend le rapport sur le durcissement des lois s’agissant des diffamations, qu’il y a eu des critiques régulières du Premier ministre à l’égard « d’une section de la presse » - bouclier commode –, envers des caricaturistes et qu’un canular diffusé un premier avril (sur une fausse alliance du parti du PM) était à l’agenda du Cabinet ministériel, on ne peut s’empêcher de penser que cela ressemble à une tentative de priver la presse de ses droits.
S’il faut aussi admettre que depuis la libéralisation des ondes, en 2002, il y a eu quelques maladresses et dérapages sur les ondes privées, il faut tout aussi bien reconnaître que les directeurs des radios l’ont déjà admis et ont pris plusieurs mesures correctives depuis, dont la prochaine installation du ‘Broadcast delay apparatus’ ou encore l’enregistrement au préalable des questions ou opinions des auditeurs avant de les balancer à l’antenne.
Le PM est le premier à le savoir, ayant lui-même convoqué une rencontre (on se demande bien pourquoi d’ailleurs) il y a quelques mois avec les directeurs des radios, ceux-là même qui étaient d’accord pour faire preuve de plus de vigilance et de responsabilité.
Fallait-il donc cette démission forcée d’Ashok Radhakeessoon, donnant ainsi l’impression d’un pouvoir qui se permet d’abuser de ses droits ? Est-ce à dire que le remplaçant d’Ashok Radhakeessoon n’hésitera pas à sanctionner sévèrement certaines radios en leur privant, par exemple, de leur licence?
Tout ça ne devrait pas surprendre quand on connaît le mépris affiché du Premier ministre Bérenger à l’égard des journalistes.On se souvient qu’il n’avait pas hésité, lors du meeting public le 1er Mai 2002, à traiter les hommes et les femmes de la presse mauricienne de ‘Gutter press’. C’est ce même jour que Pravind Jugnauth nous avait livré sa pensée profonde sur le corps journalistique. Il estimait qu’il y avait dans la presse « un excès de liberté. » Serait-ce cet excès qu’on sanctionne à travers Ashok Radhakeessoon. Et devrait-on s’étonner ?