Ainsi donc Maurice pourra désormais importer ses matières premières destinées à l’industrie textile des pays tiers : autrement dit autres que les États-Unis et ceux éligibles aux dispositions de l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA).
Cette dérogation permettra à Maurice de bénéficier d’un marché préférentiel aux États-Unis, au titre de l’AGOA, tout en s’approvisionnant en matières premières à bas coûts. C’est du pain béni dans un contexte économique local difficile caractérisé par le pessimisme et la morosité.
Selon un sondage commandité, à la mi-septembre, par le magazine Éco Austral, 68% des deux cents patrons interrogés estiment que la situation économique du pays s’est détériorée. Les patrons ont le blues ; les consommateurs aussi à cause des augmentations de prix. Le moral est bas de part et d’autre. Ce n’est pas dans cet état d’esprit qu’on va pouvoir relancer notre économie.
La dérogation dont bénéficiera Maurice dans le cadre de l’AGOA, à la suite d’incessantes consultations avec les autorités américaines, est une bouffée d’air frais pour les opérateurs du textile.
Toutefois, l’erreur à ne pas commettre, c’est de croire que cette dérogation est éternelle – selon le ministre Cuttaree, elle est pour une année renouvelable - ou même que l’AGOA l’est. Ils ne le sont pas.
Ce sont des filets protecteurs temporaires comme l’a été la Convention de Lomé - muée en Accord de Cotonou qui vise à terme à intégrer les ACP dans l’économie mondiale dans la mouvance libre-échangiste chère à l’Organisation Mondiale du Commerce – et comme l’est le Protocole Sucre. Indirectement, l’Accord Multifibre est un autre filet protecteur. Son démantèlement en janvier 2005 est un coup dur pour nous.
Des filets protecteurs vont disparaître. Nous en avons besoin parce que nous sommes inefficients. Ce qu’il nous faut, c’est restructurer nos différents secteurs pour être compétitifs ; bien sûr en atténuant, autant que faire se peut, le coût social.
Il est acquis maintenant que des mesurettes ne feront pas l’affaire. Il nous faut des actions fortes. La concentration économique tue des initiatives. Il va falloir tôt ou tard remédier à cette situation. Il importe que ceux qui veulent entreprendre, autrement dit veulent créer des richesses, puissent le faire dans de bonnes conditions. Il est important que la concurrence soit loyale.
Nous allons bénéficier du ‘third country fabrics’. Il ne faut surtout pas qu’on s’endorme sur nos lauriers et qu’on cesse de continuer à restructurer, par exemple, le secteur du textile. À la Mauritius International Apparel & Textile Exhibition 2004, tenue à Londres la semaine dernière, l’accent a été mis sur la qualité et la rapidité à exécuter des commandes. Il faut continuer sur cette lancée.
Nous allons bénéficier de la dérogation américaine pour une année renouvelable. Est-ce suffisamment attrayant pour inciter les investisseurs étrangers à regarder de nouveau en direction de Maurice ? L’avenir nous le dira.
Dans ce contexte où l’avenir de Maurice se joue, il importe que le gouvernement joue la transparence et ne cherche pas à farder la réalité. À l’approche des élections générales, ce risque existe. Ce qui pourrait engendrer un certain relâchement dans notre tentative pour dynamiser notre économie.
L’Opposition, d’un autre côté, devrait nous convaincre qu’elle est une alternative crédible pour diriger le pays. On attend toujours son programme de gouvernement.
Cherche-t-elle une dérogation, à cet égard ?