Jayen Chellum et Deven Padiachy
Les associations de consommateurs s’en vont en guerre. Leur adversaire cette fois : la taxe sur les produits pétroliers qu’elles souhaiteraient que le gouvernement réduise pour amortir la hausse des prix de l’essence, du diesel et du ticket d’autobus. La taxe sur les produits pétroliers tourne actuellement autour de 40%. Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM), et Deven Padiachy, économiste chez KPMG, ont des avis divergents sur la question.
Q : À combien s’élève la taxe sur les produits pétroliers? Est-ce que vous considérez que c’est trop élevé ?
Jayen Chellum : La taxe, selon mes informations, est de Rs 9,80 sur chaque litre d’essence et de Rs 3 sur chaque litre de diesel, quelle que soit l’augmentation. La dernière augmentation des prix des produits pétroliers est basée sur deux facteurs : la hausse des prix au niveau mondial et la dépréciation de notre roupie par rapport au dollar. Vu la situation actuelle, eu égard à la vague de hausses de prix, je dirai que la taxe sur les produits pétroliers est trop élevée. Depuis qu’on a introduit l’‘Automatic Pricing Mechanism’ (APM), il y a eu des augmentations à trois reprises.
Deven Padiachy : La taxe est de Rs 9,80 sur l’essence, de Rs 3 sur le diesel et de Rs 2 sur le ‘Liquified Petroleum Gas’ (LPG). En faisant le calcul, je dirai que l’‘excise duty’ sur les produits pétroliers est aux alentours de 40%. À cela, il faut ajouter 15% de TVA. L’Angleterre, qui est un pays producteur de pétrole, a un ‘excise duty’ de 60% sur les produits pétroliers. Je pense que Rs 9,80 sur un litre d’essence se compare favorablement aux taxes imposées par d’autres pays. Ce n’est pas si exagéré.
Q : Ne serait-il pas judicieux de baisser cette taxe pour amortir la hausse du prix de l’essence, du diesel et du transport ?
Jayen Chellum : Comme on a augmenté les prix des produits pétroliers de Rs 2 par litre et que c’est la troisième augmentation depuis l’introduction de l’APM, on aurait pu garder l’ancien prix et baisser les revenus du gouvernement générés par cette taxe. Il y a eu la hausse des prix des produits pétroliers, du ticket d’autobus et du riz ration. Avec toutes ces augmentations et les circonstances inflationnistes assez élevées, il aurait été judicieux de baisser la taxe sur les produits pétroliers. Il est vrai que cela pourrait avoir des conséquences sur les projets du gouvernement, mais c’est une question de choix.
Deven Padiachy : En tant qu’économiste, je ne pense pas que l’on puisse jouer ainsi avec les chiffres de façon arbitraire. La taxe sur les produits pétroliers est une énorme source de revenus pour le gouvernement. Ce revenu est déjà budgété et on ne peut pas le réduire ou l’enlever du jour au lendemain. Si on le fait, le gouvernement aura un énorme trou dans son budget et il lui faudra emprunter pour le boucher. En fin de compte, cela ne résoudra aucun problème car la situation reviendra au même.
Q : Les prix des produits pétroliers n’arrêtent pas d’augmenter. Que pourrait-on faire pour que le consommateur mauricien ne soit pas pénalisé à chaque fois ?
Jayen Chellum : La conjoncture internationale en ce qu’il s’agit des produits pétroliers est assez particulière et les prix ne cessent d’augmenter depuis l’introduction de l’APM. Même si ce système de réajustement des prix de l’essence et du diesel est une bonne chose, on a l’impression que les prix continueront à augmenter quoi qu’il en soit. Il faudrait voir du côté des alternatives. Déjà, on commence à penser en termes de mélange d’éthanol et de pétrole, de gaz. Il faut des alternatives recherchées et fiables qui ne finiront pas par coûter plus cher. Le peuple, lui, doit commencer à penser en termes d’économie d’énergie.
Deven Padiachy : La mise en place de l’APM est une très bonne chose car ce mécanisme reflète la tendance au niveau mondial en ce qui concerne les prix des produits pétroliers. À partir de janvier, les prix de ces produits vont commencer à baisser sur le marché international ainsi qu’à Maurice grâce à l’APM. Le prix de référence des produits pétroliers est d’environ US $ 25 le baril en temps normal. Actuellement il est de US $ 50. Cette situation ne va pas s’éterniser et il y a des indications du côté des États-Unis et de l’Union européenne que les prix baisseront dans un avenir proche. C’est vrai que ces hausses de prix affectent les gens économiquement, mais à court terme.