Le policier Aukhaj et Critika Nundkumar
Elle le cite comme étant l’un de ceux qui l’ont poussée au désespoir dans sa lettre de confession. Il lui aurait demandé des «faveurs sexuelles» en échange d’une aide. Il se défend. Le policier Bhupendra Aukhaj, 37 ans, arrêté le vendredi 3 septembre dernier pour ‘forgery’ sur la vente d’un terrain à Bassin Road, Quatre-Bornes, affirme «n’avoir jamais demandé de faveurs sexuelles» à Critika Nundkumar, née Mawooa, quand celle-ci l’avait approché pour qu’il se porte garant pour un prêt de Rs 350 000. Le cadavre de Critika Nundkumar a été retrouvé avec neuf autres dans une maison à St-Paul le vendredi 27 août dernier.
De source policière, nous avons appris que Critika cite le policier Bhupendra ainsi que des avocats, des courtiers et des notaires comme étant ces personnes qui ont refusé de l’aider. Toujours selon cette même source, Critika avance, dans sa lettre, que Bhupendra lui aurait demandé de coucher avec lui et qu’ensuite il lui viendrait en aide. D’autres personnes lui auraient fait la même proposition pour l’aider.
Bhupendra est révolté par ce que Critika confie dans la lettre pour expliquer le drame de St-Paul : «Létan mone tan sa, mone en colère. Mo ti envi aide li mais guet ki line dir lor mwa».
Coïncidence ? Bhupendra n’est non seulement mentionné dans la lettre de confession de l’esthéticienne Critika, mais encore, il louait un bungalow (le loyer était de Rs 2000 par mois) à Hervé Janvier, un clerc de notaire qui était recherché depuis deux ans pour des cas de fraudes (dont certains dans l’affaire Deelchand). Hervé Janvier, qui s’était présenté au policier Aukhaj sous le nom d’emprunt Labonté, est le dixième mort retrouvé dans la maison de l’horreur à St-Paul.
Sa «bonté» l’aurait trahi. Si aujourd’hui, Bhupendra est soupçonné d’ «usage de faux» c’est dû au fait, selon lui, qu’il «a fait confiance dimoune».
Quand il avait loué le bungalow d’un de ses proches au dénommé Labonté qui n’était autre qu’Hervé Janvier, savait-il que Labonté et Janvier étaient la même personne ? Il répond : «Je ne m’étais jamais douté qu’il s’agissait du Janvier impliqué dans l’affaire Deelchand. Je lui ai demandé sa carte d’identité sur laquelle était inscrit le nom Labonté. À quelle autre vérification pouvais-je procéder encore ?». Invité à donner de plus amples explications sur cette histoire, il dit : «Je ne pourrai pas faire d’autre déclarations à ce sujet pour l’instant. Je dois compléter ma déposition et j’en dirai plus dans les jours à venir».
Savait-il que Critika, le cerveau présumé du drame de St-Paul et Hervé Janvier se connaissaient? «Non, je l’ignorais. Je n’ai rien à faire avec cette accusation qui pèse sur moi. J’ai été victime de ma bonté. Je n’ai jamais demandé à Critika des faveurs sexuelles pour être son garant pour un emprunt de Rs 350 000. Je ne suis nullement impliqué dans le drame de St - Paul», soutient-il.
«Nu zoine pu nu kozé»
Pourquoi Critika avait-elle besoin de l’« aide » de Bhupendra ? «Elle semblait être une personne qui avait besoin d’aide. Des fois, elle tenait des propos insensés», déclare-t-il.
C’est par l’intermédiaire d’un ami que Bhupendra fait la connaissance de Critika, il y a environ six à sept mois de cela : «Elle avait des problèmes. Elle voulait trouver un garant et l’ami en question lui a refilé mon numéro de téléphone». La date, le jour et l’heure, il ne s’en souvient pas.
Critika, celle que ses proches qualifiaient d’« étrange», de «dominatrice», de «manipulatrice », entretenait le flou sur «ses problèmes». Elle ne voulait pas en discuter au téléphone. Elle réclame une rencontre: «Li pa ti arrête appel mwa. Li dir nu zoine pa pu kapav koz lor téléphone ».
Après une semaine, il se rend dans le salon de beauté que Critika, dit-il, tenait à quelques mètres de sa maison de St-Paul : «Elle m’a alors demandé d’être son garant. Apparemment, elle avait des produits esthétiques importés de l’Afrique du Sud qui étaient restés bloqués à la douane et il lui fallait de l’argent pour les dédouaner». Devant cette proposition, Bhupendra, père de deux fils (l’un est âgé de quatre ans et l’autre de six mois) recule : «Je lui ai fait comprendre que je venais de la rencontrer et que je ne pouvais me porter garant pour une personne que je connaissais à peine alors que moi-même, j’avais des problèmes d’argent».
Critika, la «déesse»
Selon Bhupendra, Critika a tenté de jouer la carte des sentiments : «Un jour, elle a commencé à me dire des choses que je faisais durant mon enfance. J’aimais bien faire de la musique avec deux bâtons comme cela est une coutume pour la fête tamoule : le ‘Kolaton’ (des dévots dansent en tapant des bâtons)». Critika tentait aussi de l’amadouer en parlant de religion : «Elle m’invitait souvent à venir dans la maison de St Paul pour faire de la méditation. Comme nous commencions à parler de religion, elle profitait pour me glisser la proposition de devenir son garant, mais j’ai tout le temps refusé».
D’après ses dires, Critika lui avait demandé de chercher un preneur pour la maison de St-Paul : «Li ti pé dir mwa ki li ti pé bizin cash pou paye so dettes, line dire mwa rode ène acheteur pu lakaz St-Paul». Elle voulait aussi lui faire acheter un terrain à Bassin Road, Quatre-Bornes (voir hors-texte plus loin).
Toujours selon le policier Aukhaj, Critika se présentait à lui comme une «déesse» : «Li dir mwa ki line ène déesse. Ène zour, mo pu marche lor la mer. Mone coumence peur parski létan mo coumence mette sa ène deux vérités ki line dir mwa lor mo l’enfance en plis son bane kozé bondié, mone dir sa fam la éna ène problème. Si ène dimoune moralement faible, li laisse li facilement piégé par Critika ».
Critika lui avait-elle parlé de son intention de se suicider ? Bhupendra nous avoue qu’elle le lui a dit en parabole : «Mo pa fine kompran kan line dir mwa «ène zour, to pa pu truv mwa ditou». Il se rappelle leur dernière conversation : «Un mois environ avant la découverte macabre elle m’appelle et me dit: «To pa fine aide mwa. To rappel ène zour mo ti dir twa mo pu disparaître et elle a raccroché avant que je ne lui pose des questions».
Il la rappelle sans aucun succès : «Quand j’ai appris la découverte macabre des dix corps, j’ai été choqué et attristé. Si j’avais su ses réelles intentions, j’aurais pu essayer d’éviter ce drame ou peut-être même sauvé son fils Devesh».
Neuf autres personnes ont péri empoissonnées au cyanure dans la maison où habitait Critika à St-Paul : Critika elle-même, sa mère Kountee, sa sœur Chinta, son frère Ravi, son amant Rajesh Dhayam, cadre au MGI porté disparu, son amie Mayadevi Jhowry et les deux enfants de celle-ci, Kesha et Bhavish (17 et 15 ans respectivement) et le clerc de notaire Hervé Janvier.
À hier, les enquêteurs travaillaient toujours sur deux thèses pouvant expliquer la mort mystérieuse de ces dix personnes : le suicide collectif et l’acte criminel. L’enquête suit son cours.
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L’avocat Nunkoo demandera que la charge soit rayée contre Aukhaj
Bhupendra Aukhaj est accusé provisoirement d’avoir, le 9 avril 2004, voulu falsifier un acte notarié d’un terrain (criminally and wilfully commit a forgery in a private writing, to wit a deed of sale of a portion of land at Bassin Road, Quatre-Bornes, between Chattergoon Oogur and Mrs Saraswatee Lutchigadoo).
Selon Radhamohun Nunkoo, l’avocat du policier, « cette accusation ne tient pas la route. Dans deux semaines, je vais demander que cette charge soit rayée contre mon client ». Comment Aukhaj était-il en possession de ce document? D’après l’homme de loi, le beau-frère de Bhupendra voulait acheter un terrain et Critika Nundkumar, l’une des dix victimes de l’empoisonnement au cyanure à St-Paul, a proposé au policier Aukhaj un terrain à Bassin Road, Q.-Bornes : « Critika a remis au policier Aukhaj un acte notarié. Elle avait mis le policier en relation avec Gita Lutchigadoo pour l’achat de ce terrain. Après vérification, le policier a découvert que le contrat était un faux et il a arrêté toute négociation, mais Critika ne cessait de l’appeler pour le convaincre d’acheter le terrain ».
Toujours selon Me Nunkoo, après la découverte macabre de St-Paul, un habitant de St-Pierre a déposé plusieurs documents (comprenant des affidavits, des actes notariés, etc … venant de l’étude de Marcel Joson et portant les noms de Rajesh Dhayam et de Critika Nundkumar) au poste de police de sa localité. Dans sa déposition, l’habitant de St-Pierre a déclaré qu’il les avait obtenus de Bhupendra Aukhaj. « Jeetendra Junghee, ancien clerc de notaire de Joson, et aussi ami d’enfance du policier Aukhaj, avait confié ces documents à celui-ci pour qu’il les remette aux parents de Junghee qui habitent Camp Thorel, la même localité que le policier »,explique l’avocat. Ce jour-là, le policier a demandé à l’habitant de St-Pierre, qui est son ami, selon Me Nunkoo, de garder les documents chez lui. Il lui a dit qu’après, il les récupérerait. « Le policier Aukhaj ignorait que Junghee était un escroc et que les documents étaient falsifiés », précise l’homme de loi.
Forte de la déposition de l’habitant de St-Pierre, la police a pris en filature le policier Aukhaj jusqu’à son arrestation à Flic-en-Flac : « Mon client allait tenter de récupérer le loyer du bungalow qu’il louait au dénommé Labonté (Hervé Janvier qui avait pris un nom d’emprunt et qui est l’un des dix morts dans la maison à St-Paul)».
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Chetty interrogé à nouveau
Les enquêteurs de l’ADSU, chargés de l’affaire de ventes frauduleuses de terrains et des disparitions mystérieuses, devront interroger à nouveau le suspect Antoine Chetty. Cette décision a été prise par le commissaire de police hier après-midi. «Chetty devra redonner tous les noms de ceux qui seraient liés de loin ou de près à l’affaire Deelchand. Ceci, afin d’éviter un autre drame comme celui de St- Paul», confie une source. Au début de l’enquête, Antoine Chetty, arrêté dans le cadre de l’affaire Deelchand, avait balancé le nom de Gita (sans toutefois donner plus de précision sur son nom de famille) comme étant la complice du notaire Vinay Deelchand dans les transactions frauduleuses sur des terrains. Le suspect Chetty avait également donné une adresse approximative : route Bassin, Quatre-Bornes. À défaut de plus de précision, les enquêteurs de l’ADSU n’ont pu aller très loin dans leur enquête.
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Le suspect Junghee : «Rs 250 000 pou enn transaction»
Arrêté le vendredi 3 septembre dernier en compagnie du policier Bhupendra Aukhaj dans un bungalow à Flic-en-Flac, Jeetendra Junghee, dit Carol, est soupçonné par les enquêteurs d’avoir falsifié plusieurs contrats de ventes de terrain portant la signature du notaire Marcel Joson avec la complicité de Gita Lutchigadoo et du notaire Marcel Joson. Dans sa déposition à la police, le suspect aurait déclaré : «Pou chak transaction ki nou fer, nou gagne Rs 250 000.» Cet ancien courtier de l’étude Marcel Joson (Carol était aussi très proche du notaire Deelchand) a donné des détails sur leurs manœuvres frauduleuses sur des terrains : « Mme Gita ti pé vinn dan buro avec so bann zenfants. Janvier ek moi ti pé pren bann procurations ki zot ti pé donne nu ek nu ti pé imite signature Joson en bas. Ensuite nu ti pé fer bane contrat ki nu ti pé enregistré dans ‘Registrar’.»
Toujours selon sa déposition, lorsque éclate l’affaire Deelchand en mars 2004, Carol s’est envolé vers la Grande Bretagne : « Mo ti pé peur arrête mwa. Mais ène fois dans l’Angleterre biro immigration ine déporte mwa. Mone ale l’Afrik du Sud », ajoute-t-il Au bout de quelques mois, il est revenu dans l’île et avait trouvé refuge à Flic-en-Flac.
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Janvier trahi par ses empreintes
Confusion. Les enquêteurs de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) croyaient dur comme fer que leurs collègues de la CID de Phoenix ainsi que ceux de la MCIT s’étaient trompés en disant que le dixième cadavre retrouvé dans la maison de St -Paul était celui d’Hervé Janvier. Les policiers de l’ADSU pensaient que Janvier, qui avait pris le nom d’emprunt de Labonté et de Nawaz, était encore en vie et se terrait quelque part dans le pays.
Les doutes se sont vites dissipés après que l’épouse du clerc de notaire, qui était porté disparu depuis novembre, a reconnu ses lunettes, un canif à multiples usages qu’elle lui avait offert, la taille de ses vêtements, ainsi qu’une bague portant les initiales HJ.
Pour certifier que le corps en décomposition portant le numéro 10 n’était autre que celui d’Hervé Janvier, les policiers ont retiré un dossier renfermant une enquête sur un délit qu’il avait commis et qui contenait ses empreintes digitales. Un prélèvement d’empreintes a été fait sur le cadavre No 10. Après comparaison des empreintes au ‘Forensic Science Laboratory’ (FSL), les enquêteurs ont conclu qu’elles appartenaient bel et bien à ce clerc de notaire qui était recherché depuis deux ans pour des cas de fraude. Selon la déposition de Jeetendra Junghee dit Carol (voir hors- texte ‘Le suspect Junghee : «Rs 250 000 pou enn transaction»’ plus loin), ancien clerc de notaire à l’étude de Marcel Joson, il aurait falsifié plusieurs documents avec la complicité d’Hervé Janvier et Gita Lutchigadoo.
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La première femme de Ravi s’est enfuie parce qu’elle «n’en pouvait plus»
Elle a vécu dans la maison à St - Paul mais a préféré fuir. C’est le témoignage d’un proche de la première femme de Ravi qui raconte que «la jeune Reshma s’est enfuie sept mois seulement après son mariage, parce qu’elle n’en pouvait plus. Les gens étaient bizarres dans cette maison». C’est dans cette maison que dix cadavres en état de décomposition avancée avaient été découverts le 27 août dernier .
Ravi Mawooa, le frère de Critika Nundkumar, retrouvé mort à St - Paul, avait été marié une première fois, il y a de cela quatre années, à cette habitante de Camp Fouqueraux : «Elle avait rencontré Ravi sur son lieu de travail. Les deux travaillaient à Shibani Textile». Ce n’est qu’une fois installée dans cette maison à St - Paul que Reshma a commencé à se sentir mal à l’aise : «Elle me disait qu’elle était maltraitée dans cette maison. Elle ne mangeait pas bien, était exploitée et n’était pas heureuse. Elle me disait aussi qu’elle n’aimait pas l’atmosphère ‘malsaine’ qui y régnait. Il y avait comme ‘enn mové air’».
C’était le jour de la fête des Mères que Reshma aurait quitté le toit conjugal. C’est elle-même qui a entamé les procédures de divorce. Depuis, elle a refait sa vie alors que Ravi s’était lui aussi remarié.
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Le notaire Joson : «Janvier et Junglee n’étaient pas mes employés»
Invité à dire si effectivement Paul Hervé Janvier, dont le cadavre a été découvert parmi les dix de St-Paul, était un ex-clerc de notaire de son étude, Marcel Joson nous a fait la déclaration suivante : «Janvier n’a jamais travaillé chez moi comme clerc. Il était courtier. Il travaillait chez moi depuis 1982, puis je l’ai mis à la porte en 1996 car il falsifiait des documents en mon nom.» Concernant le dénommé Junglee, alias, Carol, Marcel Joson nous a déclaré : «Il n’a travaillé chez moi que pendant un an et ce, comme courtier. Janvier et Jhungee n’ont jamais été mes employés. Ils étaient de simples courtiers. Je n’ai rien à voir dans les fraudes qu’ils ont commises.»
Par Nadine Bernard et Christophe Karghoo