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Mort de deux pêcheurs : Jean-Alain raconte le drame de la passe ‘thazar’

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Le triste événement de mardi dernier hante encore Jean-Alain Magon, le rescapé, mais ce dernier déclare qu’il va reprendre la mer bientôt

«La mer donn lavi mais li aussi pran lavi. » Jean-Alain Magon n’arrête pas de ressasser cette phrase depuis mardi dernier. Ce pêcheur habitant Pavillon, à Cap Malheureux, a frôlé la mort. Ce mardi-là, il revenait d’une partie de pêche en compagnie de deux autres pêcheurs quand la pirogue dans laquelle ils se trouvaient a été renversée par une forte houle à la passe appelée ‘thazar’ à Grand-Gaube. Il est le seul rescapé de ce drame.

La sécurité des pêcheurs en mer est un sujet qui revient sur le tapis à chaque fois qu’un accident se produit en mer. Linley Chelin, Bernard Céline, Rajesh Jhummun : la liste de ceux qui ont péri en mer ces dernières semaines est longue.

La communauté des pêcheurs est une fois de plus en deuil. Deux des siens ont trouvé la mort à Grand-Gaube. Leurs funérailles ont eu lieu le lendemain.

Jean Vacher, directeur de l’Apostolat de la Mer, est révolté : « Aucune mesure de sécurité n’est respectée par les pêcheurs » Cependant, il est loin d’être complaisant envers les autorités : « Bizin revoir l’aspect sécurité. Tou parti concerné bizin assizé et cozé pu truv solutions même si accident arrivé n’importe ki moment »

Jean Vacher explique que les conclusions des enquêtes relatives aux accidents en mer ne servent à rien car les rapports finals restent dans des tiroirs.

Jeudi dernier, le ministre de la Pêche, Sylvio Michel, et le président du ‘Fishermen Welfare Fund’, Aimé Lamarque, ont rendu visite aux familles des victimes et au seul rescapé de ce drame. Une aide financière sera accordée aux familles des victimes.

Marchant péniblement, les traits tirés, Jean-Alain n’en revient toujours pas. Le triste évènement de mardi le hante encore. L’homme est éprouvé, fatigué, marqué. Il est blessé au cou et aux jambes par des coraux.

« Chavry pane kapav faire narnié »

Mardi, dernier, Jean-Alain, 27 ans, Yves Chavry, 50 ans, et Moonith Jeewooth, 58 ans, prirent la mer aux alentours de 6 heures du matin.

Ils se rendaient à Poste Lafayette dans une pirogue de 27 pieds. « La mer ek létemps ti bon », raconte le rescapé.

La partie de pêche, dit-il, était très fructueuse car leur embarcation était remplie de poissons : « Kan nu ti pé retourné, mo ti pé dirige bato. Bolom (Ndlr : Moonith Jeewooth) ti pé tire délo. Chavry ti pé gratte poisson li »

Jean-Alain explique que c’est sur le chemin du retour vers Cap Malheureux, aux alentours de 14h30, que le temps s’est gâté : « Ene fraction seconde, ene la houle ine couvert nu kan nu ti arrive la passe thazar dan Grand-Gaube »

La pirogue chavire. Les trois hommes sont à la mer. « Létemps pane gagné pu met gilet. Chavry pane kapav fer narnié. Li ti fini noyé. Mwa ek bolom nu fine attrape pel mazoute. Nu fine débatte débatte » raconte Jean-Alain.

Selon ses dires toujours, « mone demande bolom si li pu kapav continié car nu ti en dehor lagon. Line dire mwa non, allé twa, si to truv ene pirogue vine secours twa après vine cherche mwa »

Suivant les conseils du quinquagénaire, Jean-Alain nage en direction de la plage : « Ti ena ti lapli. Létemps ti sombre et la brise ti kapav pé souffler 30 km/h. Dans mo ti pé marché lor brisant, ene bane pécheurs ine truv mwa. Kan zot ine truvé dan ki l’état mo été, zot ine amene mwa à terre »

L’alerte est donnée mais il est déjà trop tard. Yves Chavry et Moonith Jeewooth sont engloutis par les flots.

Aux alentours de 17 heures, le corps de Moonith est repêché. Les recherches se poursuivent pour retrouver celui de Yves. C’est le lendemain matin que le corps de ce dernier est repêché. Leurs proches sont inconsolables.

Pour Ally, fils de Moonith Jeewooth, « c’est un grand malheur qui s’est abattu sur notre famille mais nous devons l’accepter, nous ne pouvons pas faire autrement. La vie de pêcheur est ainsi faite; ce métier comporte des risques»

Jean-Alain reprend la mer

Ally raconte que son père était pêcheur depuis son jeune âge. Il y a six ans, dit-il, il avait arrêté de pêcher car il avait subi une intervention chirurgicale à cause d’un ulcère. Il ajoute cependant que dès que son père s’est senti mieux, il a repris la mer; il allait pêcher une à deux fois la semaine.

Le fils de Moonith Jeewooth, qui est lui aussi pêcheur et propriétaire du bateau qui a chaviré, précise qu’il y avait des « gilets de sauvetage dans le bateau lorsque mon père est parti en mer avec Yves et Jean-Alain »

Burty, le frère cadet de Yves Chavry, déclare pour sa part que son frère avait fait de la pêche plus qu’une simple passion; il en avait fait son métier : «Il aimait la pêche depuis son enfance. Il en a fait son métier. Il était fier d’être pêcheur professionnel. Il est mort noyé. Ce sont les risques du métier »

Si Burty parle des risques du métier, Ally, lui, qui connaît bien la mer, fustige les services météo : « Le gouvernement a beaucoup à faire pour la sécurité des pêcheurs. Du côté de la météo également il y a beaucoup à faire car nous avons plusieurs versions de la météo en une journée et quelquefois c’est très approximatif.»

Mais les évènements n’empêcheront pas Ally de reprendre la mer : « Malgré ce malheur, je continuerai à pêcher car j’aime trop la mer »

Le rescapé Jean-Alain fera de même : « Mo pu alle la pêche enkor, sa même mo métier ». Ce dernier, marié et père d’un garçonnet de deux ans et d’une fillette d’une année, nous dit qu’il pêche depuis l’âge de 13 ans. Il a aussi pêché à St-Brandon et sur les bancs.

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