Elle a repris goût à la vie auprès d’un compagnon
“Tout ce qui ne tue pas rend plus fort”. Pour Devianee, 52 ans, c’est la petite phrase qu’elle se répète constamment aujourd’hui lorsqu’elle se rappelle l’été de ses 30 ans où elle a tenté de se suicider. Elle a décidé de raconter son histoire à visage découvert.
Étant à bout, à l’époque, elle ne peut plus supporter d’être maltraitée. Elle choisit alors la seule issue de secours: la mort. Un mélange de pétrole, d’alcool et d’autres substances, elle décide d’en finir avec la vie en buvant cette mixture nocive.
Elle est parmi les rares personnes qui ont tenté de se suicider et qui ont pu être sauvées. Des soins lui ont été prodigués à temps et elle a pu s’en sortir après un lavage d’estomac.
Devianee se rappelle cette douloureuse période de sa vie. Malgré les quelques années qui ont passé, elle avoue que la blessure est toujours vive: “J’ai voulu changer le cours de ma vie. J’ai joué contre le destin qui ne voulait pas de ma mort. Maintenant, je sais que cela n’aurait pas été la meilleure solution”.
Les larmes aux yeux, elle se remémore ce jour fatidique : “Je voulais échapper à la souffrance. Fuir cette vie, fuir”.
Elle baisse la tête, ferme les yeux: “Je n’oublierai jamais mon geste. Si tout s’était passé comme je l’espérais, je n’aurais pas été là aujourd’hui. Je n’aurais peut-être pas repris ma vie en main. Je n’aurais peut-être pas refait ma vie, je n’aurais peut-être pas quitté cette vie où j’avais été tant maltraitée”.
Devianee se dit honteuse de s’être tournée vers le suicide: “Dans ces moments-là, on doute de soi. On doute de ce qu’on est. On se croit inférieur et faible par rapport à tout le monde. Jamais je ne repenserai au suicide”.
Sans regarder autour d’elle, elle décide de fuir ses problèmes qui minent sa vie: “ C’était une décision choisie, désirée, voulue, programmée. Je m’étais isolée dans une pièce sombre. J’ai six enfants dont deux en bas âge. Je n’ai pas pensé à eux. J’ai pensé à en finir le plus vite possible. J’ai alors pris tout ce qui était à ma portée: de l’essence, de l’alcool et d’autres produits pour la cuisine que j’ai mélangés et que j’ai bus d’un seul trait. Dans ma tête, c’était la solution pour que tout s’arrêtât, surtout la souffrance. Pour que le monde fût délivré de moi. Puis, après, ce fut le néant, le vide total”.
“L’homme lutte pour survivre, mais pas pour renoncer”
Aujourd’hui, 22 ans se sont écoulés. Devianee estime qu’avec le temps, les personnes qui échappent à un suicide raté arrivent à apprendre à vivre avec cette plaie qui ne cicatrise pas. Depuis, elle se dit être une autre femme.
Maintenant Devianee a reconstruit sa vie. Pour elle, la reconstruction passe par l’estime de soi. Elle se rappelle, lorsqu’elle s’est réveillée à l’hôpital, ses premiers mots étaient : “J’ai demandé pardon à la vie pour mon geste que je jugeais stupide”.
“L’homme lutte pour survivre, mais pas pour renoncer”, écrivait Paulo Coelho dans un de ses romans. Devianee a lutté pour sortir du gouffre. Petit à petit, elle a remonté la pente: “Après avoir côtoyé la mort, je me suis sentie plus forte et je me suis rendue compte qu’on m’avait donné une deuxième chance. Une autre chance pour trouver mes marques”.
Sa force, c’est elle-même, dit-elle. “En pensant au suicide, j’ai été égoïste vis-à-vis de mes enfants. Pendant mon séjour à l’hôpital, une de mes filles avait été placée au couvent. Depuis, j’ai décidé de prendre ma vie en main. J’ai pris mes enfants et j’ai quitté le toit familial. C’était certes difficile. J’étais seule mais il n’y avait rien de meilleur que d’être avec mes enfants. C’est depuis le jour où j’ai quitté le toit familial que j’ai reconstruit ma vie. Heureusement, j’ai rencontré l’homme qui partage aujourd’hui ma vie. Il a accepté mes enfants, m’a aidée, m’a épaulée. Tous mes enfants ont un toit aujourd’hui. Ils ont une famille et ma fille, qui s’était retrouvée au couvent, est aujourd’hui en France”.
Pour Devianee, quand ces pensées traversent l’esprit d’une personne, il suffit d’en parler.
“Il suffit de se demander en quoi notre disparition va changer les choses. Que serait-il advenu de mes enfants si j’étais morte en buvant ces substances? Est-ce que la mort arrange ou améliore les choses ? Je ne le pense pas. Pour ceux qui ont en tête des pensées suicidaires, la meilleure façon de combattre ces pensées horribles, c’est d’avoir une meilleure estime de soi”
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“Une moyenne de 300 tentatives de suicide tous les ans”
Déprime, stress et désespoir. Certains broient du noir et choisissent la mort pour s’en sortir. Le taux de suicide à Maurice a atteint des proportions alarmantes. “Le suicide, c’est une solution définitive à un problème temporel”, disait Mark Milton le président de l’International Federation of Telephone Emergency Services (IFOTES) dans les colonnes de l’Express dimanche, la semaine dernière et ce en citant une autre personne. Bien des personnes pourtant choisissent cette voie comme une solution pour se libérer de leurs problèmes.“Il y a environ une dizaine de tentatives de suicide chaque semaine à Maurice et une moyenne de trois cents tentatives de suicide tous les ans. Très peu arrivent à être sauvés à temps”, nous dit Ibrahim Sheik-Yousouf, président de ‘Befrienders’ (Mauritius), un service volontaire à l’écoute des désespérés.