Marie Van Den Bossche-Combs, 24 ans, connue comme Nivishita avant son adoption à l’âge de 8 ans. Elle revient au pays natal 16 ans après avec son époux français, Christophe, et leur fils Nathanaël, deux ans et demi. La mère de Marie avait connu une mort violente
Les malheurs de Nivishita ou le fabuleux destin de Marie. C’est l’itinéraire d’une même enfant brisée par la mort de sa mère dans des circonstances tragiques. Mars 1988 : un incendie la sépare, à l’aube de ses 8 ans, de cet être qui était tout pour elle. Sa mère trouve la mort dans le brasier qui ravage leur maison. Elle se retrouve toute seule.
Abandonnée, délaissée et fragile. Marie, connue alors comme Nivishita, est placée dans un couvent. Son sort est aléatoire.
Juin 1988: À 12 000 kilomètres de Maurice, un couple français, Dominique, ingénieur d’aviation, et Marie-Claude Van Den Bossche, médecin, s’émeut en entendant ce qui est arrivé à cette fillette. L’île Maurice, ils ne connaissent pas. Pourtant, ils n’hésitent pas à franchir les océans, trois mois plus tard, pour venir changer, en mieux, le cours de l’existence de cette petite fille livrée à elle-même.
C’est l’histoire de Nivishita qui est devenue Marie. La fille reconstruite, la fille sauvée. “C’est le drame de ma vie”, dit-elle.
Aujourd’hui âgée de 24 ans, soit 16 ans après, elle retourne, le temps de quelques jours de vacances, dans son pays natal. C’est une femme accomplie, forte, déterminée. Elle a une formation en sciences et est une mère heureuse. C’est une jeune femme qui est venue entamer un pèlerinage sur les lieux de son enfance.
Marie sourit à la vie. Sa force aujourd’hui: Christophe, son mari, et Nathanaël, son fils de deux ans et demi : “Je reviens aujourd’hui me ressourcer et, aussi, pour que mon mari et mon fils connaissent mes origines. Une partie de ma vie, c’est quand même Maurice”.
Sa force, autrefois, et aussi ses repères dans la vie, aujourd’hui, ce sont Dominique et Marie-Claude, ses parents adoptifs. “Je me revois encore découvrant cette fillette, toute mignonne. Elle savait que je venais et elle m’a tout de suite appelée maman”, nous dit Marie-Claude, les larmes aux yeux.
Le drame de Marie, à l’époque, c’était aussi le drame de ses deux petites soeurs, Navina et Marie (une autre soeur rebaptisée du même nom), et de Sacha, son petit frère encore alors en bas âge. C’est elle l’aînée. C’est l’incendie qui leur a enlevé leur mère qui les a séparés.
Les trois derniers sont très vite adoptés par deux couples français. Marie (Nivishita) se retrouve alors séparée de ce qui lui reste de famille.
En même temps à Toulouse, en France, le couple Van Den Bossche, qui a déjà trois fils, apprend l’histoire de Marie par les deux couples français qui ont adopté les soeurs et le frère de Marie.
La rapprocher de ses soeurs et frère devenus Français
Dominique et Marie-Claude se sentent interpellés. “Pourquoi pas une fille?”, pensent-ils. Commence alors un long parcours du combattant. Objectif du couple français: sauver une petite fille d’une vie sans famille.
L’idée derrière leurs démarches, c’est de rapprocher Marie de ses soeurs et de son frère qui sont en France. Les procédures administratives s’avèrent difficiles. C’est Deorishi Boolell, directeur du couvent où se trouve Marie, qui assure la liaison entre la petite et le couple qui désire plus que tout devenir les parents de celle-ci.
“C’est l’oncle de Marie, ne pouvant pas s’occuper des enfants de sa défunte soeur, qui m’avait fait savoir qu’il voulait faire adopter les enfants. Je n’ai été que le lien entre les parents adoptifs et l’oncle pour faciliter les démarches. Ce fut d’abord les trois petits et puis je me suis occupé du cas de Marie”, nous dit Deorishi Boolell, le directeur du couvent.
“L’adoption était la meilleure solution pour ces enfants”, nous a déclaré l’oncle des enfants qui habite à Vacoas.
Le couple Van Den Bossche se souvient des trois mois précédant leur arrivée à Maurice. “Ce furent des longues procédures administratives, des va-et-vient à l’ambassade de Maurice, beaucoup de paperasses et, surtout, une constante communication avec Maurice”, nous dit Marie-Claude.
Et la bonne nouvelle est finalement arrivée. Le feu vert pour l’adoption a été obtenu en trois mois. Excitation et bonheur pour cette famille toulousaine. La nouvelle est annoncée à tous les membres de la famille. Une chambre est préparée pour accueillir la dernière de la famille et des jouets sont achetés pour la petite que pourtant, la famille n’avait pas encore vue.
“Allez-y, pourquoi tarde-t-elle tant à arriver, notre soeur?”, disait Adrien, notre plus jeune fils alors âgé de 8 ans, se souvient Marie-Claude.
Début juin, destination Maurice, l’île inconnue à Dominique et Marie-Claude. Dès leur descente d’avion, ils mettent la cap sur le couvent qui se trouve à Port-Louis. Le coeur bat la chamade car c’est le premier contact. “On a alors vu notre petite fille. C’était notre fille”, dit Dominique, regardant fièrement dans les yeux sa fille, aujourd’hui une jeune femme.
La famille se construit déjà à Maurice. Les liens se tissent. Marie, encore ébranlée par le drame qui l’a touchée, pense déjà à sa nouvelle vie. “Elle parlait beaucoup de l’avion. Elle se préparait très vite à l’idée qu’elle allait commencer une nouvelle vie”, dit Marie-Claude.
Le jour J arrive très vite et le 24 juillet 1988, c’est le départ pour la France, la nouvelle patrie de la petite Mauricienne qui est, par la suite, devenue une petite Française.
“Elle mettait du piment dans tout ce qu’elle mangeait”
Des anecdoctes, le couple Van Den Bossche en a beaucoup. “Il n’y avait pas de difficulté de langage car lorsqu’elle nous parlait, on la comprenait car le créole est assez proche du français. La seule difficulté qu’elle avait, c’était au niveau de la nourriture. ‘A li dou’, avait-elle dit lorsqu’on lui avait préparé un plat de ravioli. On l’avait tout de suite comprise. Heureusement qu’on avait rapporté de Maurice une petite bouteille de piment car durant les premiers mois, elle mettait du piment dans tout ce qu’elle mangeait. C’était étonnant pour une petite fille”.
L’adaptation à la vie toulousaine ne fut pas difficile pour Marie. Elle intégra tout de suite l’école et rattrapa son retard pendant les trois premiers mois suivant son arrivée en France. “Apprendre le français n’a pas été vraiment difficile”, nous dit Marie. Elle arrive maintenant difficilement à s’exprimer en créole. À l’école, elle connut d’autres épreuves. Les autres élèves lui firent remarquer qu’elle était différente. “C’était la couleur de ma peau qui les dérangeait mais après, tout est rentré dans l’ordre”, dit Marie.
Sa nouvelle vie lui correspond parfaitement. Gaie et toujours souriante, c’est l’image qu’elle donne aux autres mais au fond d’elle-même, Marie se renferme: “J’avais refoulé toute la partie de ma vie avant ma rencontre avec le couple Van Den Bossche. Je voulais oublier”.
Marie se marie en sari
En grandissant Marie change. En rencontrant régulièrement ses soeurs et son frère qui ne sont pas très éloignés d’elle – dans d’autres communes de France – elle s’ouvre à eux et n’hésite pas à leur raconter comment était leur mère et leur vie avant leur arrivée en France. “Je me suis rendue compte que c’était ma vie et que je ne pouvais pas ne pas y penser. C’est quand même mon identité”, nous dit Marie.
Les années passent rapidement. Marie devient une jeune femme. Elle passe son bac, suit une formation en chimie, biologie et physique et trouve de l’emploi dans un laboratoire d’analyse.
Marie n’est pas pour autant complète: “Je voulais plus que tout fonder une famille et avoir un enfant”.
Son rêve ne tarde pas à se réaliser. Arrive un jour Christophe, cuisinier de son état, qui lui propose de l’aider à réaliser son rêve. Le mariage est très vite célébré.
Une petite voix à l’intérieur d’elle lui rappelle ses origines. C’est donc dans un sari jaune qu’elle scelle, l’année de ses 22 ans, son union avec Christophe. “Ce jour-là était d’autant plus symbolique, pour elle comme pour moi, car étant maire de la commune où nous vivions à l’époque, c’est moi que ai marié ma fille”, nous dit Dominique, ému.
C’est Nathanaël, une petite boule d’énergie, la fierté de ses parents, qui est venu par la suite compléter la petite famille aujourd’hui très heureuse.
Le parcours de Marie ressemble beaucoup à un conte de fées mais elle attribue aussi sa chance à un coup de pouce du destin. Marie ne sait pas ce qu’il est advenu de son père. Elle ne veut pas non plus remuer les souvenirs du passé.
Elle garde toutefois toujours contact avec son oncle, le frère de sa défunte mère, qui vit à Maurice, et avec Deorishi Boolell du couvent où elle a vécu pendant quelque temps.
Entourée de ses quatre frères et ses deux soeurs - Navina, 19 ans, Marie, 20 ans, Sasha, 22 ans, Mathias, 33 ans, Thomas, 32 ans, Adrien, 24 ans -, ses parents, son mari et son fils, Marie, qui a pendant ses premières années connu des malheurs, savoure aujourd’hui chaque minute de bonheur que la vie lui procure.