La deuxième semaine du procès aux assises dans le cadre de l’assassinat de l’Irlandaise Michaela Harte a été ponctuée d’une série de faits troublants. Retour sur cette affaire qui met en doute les compétences de certains de nos policiers.
Ce procès qui passionne plus d’un ici et ailleurs est riche en rebondissements. Des rebondissements qui ne mettent, hélas, pas en valeur notre police car ils révèlent des lacunes dans l’enquête suivant le meurtre de Michaela Harte lors de sa lune de miel à l’hôtel Legends, en janvier 2011. Me Sanjeev Teeluckdharry et Me Rama Valayden qui défendent les deux accusés dans cette affaire, Avinash Treebhowon et Sandip Mooneea – qui ont plaidé non coupables –, s’évertuent à démontrer depuis le début de ce procès que la police n’a pas fait son travail correctement.
La deuxième semaine de procès a en effet mis en lumière d’autres zones d’ombre de l’enquête. Pas plus tard que vendredi, Me Rama Valayden, avocat de l’accusé no 2, Sandip Mooneea, a fait une révélation de taille lors du contre-interrogatoire du chef inspecteur Luciano Gérard. L’homme de loi a confronté le numéro deux de la Major Crime Investigation Team à un rapport de la police concernant les cinq empreintes retrouvées dans la chambre occupée par la victime et son époux John McAreavey.
Selon Me Valayden, le rapport n’a jamais été rendu public car les empreintes n’appartiendraient ni à Michaela Harte, ni à John McAreavey, ni aux deux suspects. On ne saura donc jamais, a-t-il déclaré, à qui appartiennent ces empreintes qui se trouvaient, entre autres, sur la porte principale de la chambre et celle des toilettes.
Depuis le début du procès, plusieurs autres faits troublants ont surgi, à commencer par deux photos prises par le PC 4575 Jeewooth sur le lieu du crime. Sur la première, il n’y avait pas de boîtes de biscuits – que la victime était supposée être allée chercher quand elle a été tuée – sur la table. Alors que sur la deuxième, prise deux jours plus tard, il y en avait. C’est l’audition du sergent Ramasawmy, du poste de police de Grand-Gaube, le jeudi 24 mai, qui a permis de résoudre le mystère. Il a expliqué avoir pris les boîtes de biscuits du tiroir et les avoir placées sur la table pour les besoins de la reconstitution.
Baignoire disparue
Il y a aussi eu une polémique autour des photos de la baignoire où le corps de Michaela Harte a été retrouvé. Sur les premiers clichés, on voit clairement la baignoire. Or, celle-ci n’est plus visible sur les photos prises deux jours après. Pourquoi n’était-elle plus sur la scène du crime ?
La police n’a pu expliquer comment une pièce à conviction aussi importante a pu disparaître de la scène du crime. Toutefois, une source au niveau de l’administration du Legends a confié à un proche de l’affaire que la direction de l’établissement avait pris la décision de détruire la baignoire pour ne pas faire fuir les futurs clients superstitieux. Qui en a donné l’autorisation alors ?
Autre fait troublant qui a surgi durant la semaine écoulée cette fois : le mystère des cheveux retrouvés dans la chambre de la victime et non soumis à des tests ADN. Cet élément a surgi lorsque Susan Woodroffe de la firme anglaise Cellmark Forensic Laboratory – qui a fait le test ADN – et Akiza Mooradun de la Forensic Science Laboratory, à Maurice, ont déposé. Rappelons également que les tests ADN se sont révélés négatifs concernant les deux accusés.
Lors de son contre-interrogatoire, le CI Gérard a déclaré à la cour qu’il n’avait pas prêté attention aux cheveux car il avait déjà obtenu des aveux du suspect Treebhowon au moment de cette découverte. Des aveux contestés par la suite par ce dernier qui allègue les avoir faits et signés sous la contrainte.
Au cours de l’audition du CI Gerard, on a aussi appris que la police n’avait pas jugé bon d’entendre le témoignage d’un couple allemand, Marc Schar et son épouse, qui avait confié à un autre touriste avoir vu des choses le jour du drame. Raison de ce non-interrogatoire : le couple Schar ne parlait ni le français ni l’anglais. L’enquêteur a aussi déclaré en cour que la police n’avait pas interrogé les occupants des chambres voisines alors que l’un deux avait demandé à changer de chambre. Autre «manquement» : la police n’a pas fait analyser l’une des deux cartes d’accès de la chambre du couple.
Plan modifié
Il semble, en effet, que nos enquêteurs n’ont pas fait preuve de rigueur dans cette affaire. Une autre preuve de cela : le site plan de l’hôtel Legends, présenté par la police, n’a pas été retenu comme pièce à conviction de la poursuite suite à une objection des avocats de la défense. Ce, parce que le dessinateur de la police, le PC 2555 Hurobin, a fait croire qu’il avait fait le site plan lui-même en quatre jours alors qu’en fait il l’avait obtenu d’un membre de la direction de l’hôtel. Il l’avait ensuite modifié et avait placé sa signature sur ledit document en oubliant de vérifier si les informations qu’il contenait étaient exactes.
Face à cette avalanche d’incongruités, Me Sanjeev Teeluckdharry et Me Rama Valayden, persistent et signent : la police n’a pas fait son travail comme il le fallait. Toutefois, la poursuite, représentée par le State Law Office, n’est pas de cet avis. De ce côté, on avance que les témoignages des deux témoins-clés : Raj Theekoy, un employé de l’hôtel Legends tout comme les accusés, et John McAreavey, l’époux de la victime, seront déterminants pour la suite de l’affaire. Me Dick Ng Sui Wa, avocat de John McAreavey, est également de cet avis. Selon lui, le procès se déroule bien et la poursuite tient son affaire.
Cependant, tout laisse croire que la poursuite n’a que deux élements pour incriminer Mooneea et Treebhowoon : les aveux contestés de ce dernier et le témoignage de Raj Theekoy. L’absence des images des caméras de surveillance et le fait que les résultats des tests ADN des deux suspects sont négatifs fragilisent, selon certains, le dossier de la pousuite. Raj Theekoy a déclaré, dans sa déposition, à la police qu’il avait surpris l’un des deux suspects en sueur et visiblement très angoissé, sortant de la chambre de l’Irlandaise à peu près au moment du drame. Il sera entendu demain, lundi 4 juin. On saura alors si son témoignage aura l’effet d’une bombe ou celui d’un pétard mouillé.
John et Michaela avaient obtenu «The Ultimate Sex Guide» en cadeau
Le couple John McAreavey et Michaela Harte, qui s’est marié le 30 décembre 2010, n’avait pas acheté le livre The Ultimate Sex Guide, qui avait fait polémique suite à une question de Me Sanjeev Teeluckdharry à un enquêteur sur les pratiques sexuelles violentes contenues dans le livre. En fait, c’était un supplément cadeau de l’édition du Cosmopolitan Magazine du mois de janvier 2011 que les nouveaux mariés avaient acheté alors qu’ils étaient en lune de miel à Dubaï, avant de venir à Maurice. Michaela avait fêté ses 27 ans, le lendemain de son mariage. John et elle s’étaient rencontrés cinq ans plus tôt alors qu’ils étaient à l’université. En décembre 2008, John avait proposé à Michaela de l’épouser lors d’un séjour à Paris. Selon une source proche d’eux, ils avaient acheté une maison ensemble à l’époque mais avaient décidé de la louer car étant catholiques pratiquants, ils ne voulaient pas vivre en couple avant le mariage.