Il avait révélé sa séropositivité en 2002.
«Elle est comme une nurse, toujours à m’aider, toujours à me soutenir», dit-il en parlant de Stéphanie, la femme de sa vie.
Si grâce à un traitement adéquat, son état de santé n’inspire plus d’inquiétude, cet activiste qui milite pour l’encadrement des personnes atteintes du sida, a décidé de mettre sa vie en danger pour que le National Aids Committee siège de nouveau …
Flash-back. «Un choc énorme.» Le diagnostic sonne comme une mort annoncée. C’est ainsi que Dhiren Moher, 45 ans, se souvient de l’annonce de sa séropositivité, en 2001. Alerté par des problèmes de santé divers : diarrhée, pertes de poids, fièvres persistantes, il avait fait des tests et la mauvaise nouvelle n’avait pas tardé à tomber.
Aujourd’hui, après 11 ans, son état de santé s’est beaucoup amélioré grâce au traitement qu’il suit. Toutefois, celui qui depuis la découverte de sa maladie s’est jeté corps et âme dans le combat pour encadrer les séropositifs et malades du sida, menace depuis deux semaines de stopper son traitement et risquer ainsi de mettre sa vie en danger.
Le pourquoi de cette démarche ? Il ne comprend pas pourquoi le National Aids Committee (NAC) ne se réunit plus pour discuter de la politique nationale sur le sida. C’est pour cette raison qu’il a décidé, le 20 mai, jour de l’International Aids Candlelight Memorial, de lancer un ultimatum au Premier ministre : «Si le NAC ne se réunit pas incessamment, je vais arrêter mon traitement antirétroviraux le 20 juin prochain…»
Et Dhiren, qui a fait de sa séropositivité une force, n’a pas hésité avant de faire cette annonce : «À travers cette instance qui regroupe plusieurs organismes qui luttent pour faire reculer le virus, des décisions importantes sont prises. Or, depuis 2005, le comité ne s’est réuni que quelques rares fois. Et si le National Aids Committee ne se rencontre pas, les choses ne pourront avancer.»
Et son combat, pour plus de reconnaissance envers les sidéens et les séropositifs, Dhiren Moher – qui a été, entre autres, président de PILS et a travaillé pour la Commission de l’océan Indien –, le mène pour ses «frères et sœurs» qui partagent sa réalité : «J’ai la chance d’avoir une famille, des proches et du soutien pour mon traitement mais il y en a beaucoup qui n’ont pas la même chance. C’est pour cette raison que j’ai poussé ce cri de révolte, nous ne pouvons rester les bras croisés. Ce n’est pas uniquement une question de traitement. Ces personnes doivent être encadrées et le NAC se doit de veiller à cela.»
Risque de rechute
Il le sait, quand le sida s’immisce dans la vie d’une personne, plus rien n’est pareil. Et dans son cas, il a suffi d’un moment d’imprudence, d’une relation sexuelle non protégée, en Afrique du Sud où il vivait alors, pour que le virus s’incruste dans sa vie : «Dans mon esprit, j’étais intouchable. Je n’aurais jamais imaginé que cela pouvait m’arriver.» Puis les questions ont fusé : «Comment est-ce arrivé ? Pourquoi moi ? Qu’est-ce que je vais faire ? Vais-je mourir ?»
Aujourd’hui, le travailleur social, dont la maladie avait été dépistée à Maurice – il est rentré au pays car il était trop malade – a enfin ses réponses. Son état de santé s’est stabilisé et il est plus que jamais motivé à lutter pour améliorer le sort des séropositifs car c’est sa réalité et parce qu’il faut, dit-il, en parler : «Ce n’est pas uniquement une question de traitement. C’est très bien que ce soit gratuit mais il faut aussi un support pour que ces personnes se sentent écoutées et pas mises de côté.»
Dans l’attente d’une réponse de Navin Ramgoolam après son annonce, Dhiren Moher, qui a dévoilé publiquement sa séropositivité en 2002, sait que sa «vie est en danger». Il ressent les mêmes tourments qu’il y a 11 ans quand sa vie a basculé dans l’angoisse et l’incertitude. «Si aujourd’hui je vais mieux, c’est grâce aux antirétroviraux. Avec deux comprimés par jour, je peux dire que je mène une vie tranquille. Et dire qu’à l’époque, je devais prendre près de 27 cachets par jour… De nos jours, le traitement s’est transformé : plus simple, moins inquiétant, presque facile aujourd’hui. Si j’arrête, je risque de rechuter mais au moins j’aurai été au bout de mes convictions…»
Car au fil des années, dit-il, la peur lancinante de la maladie s’est cristallisée autour des bilans, des espoirs : «Tous les séropositifs appréhendent la baisse inexorable de leur CD4 (Taux de lymphocytes). Je n’ai ressenti dernièrement aucun symptôme susceptible de me mettre en alerte. Mon traitement fonctionne à merveille et ne me pose aucun problème particulier. Je pensais avoir refermé définitivement une lourde porte sur ce passé.»
Dans son combat pour de meilleurs jours pour les séropositifs, il est soutenu par son entourage. C’est ce qui l’encourage à aller jusqu’au bout : «J’ai la chance d’avoir des personnes qui croient dans ma lutte. Si avant il y avait mes parents Maya et Vidya qui sont tous deux décédés aujourd’hui, je peux heureusement compter sur mes trois frères et sœurs mais surtout sur Stéphanie, la femme de ma vie.»
Stéphanie qui, selon Dhiren, est sa bouée de sauvetage, celle sur qui il peut se reposer en toutes circonstances : «Elle est comme une nurse, toujours à m’aider, toujours à me soutenir.» En apprenant sa séropositivité, Dhiren avait mis une croix sur l’amour mais sa rencontre avec Stéphanie a tout changé : «Cela n’a pas été facile mais heureusement, on a surmonté tous les obstacles du questionnement et de l’incompréhension…»
Et, aujourd’hui, même si le VIH fait partie de son existence, Dhiren reste positif quoi qu’il arrive. Ce, même s’il envisage de mettre sa vie en danger : «J’espère que les autorités vont réagir sinon, arrivera ce qui doit arriver.» Depuis quelque temps, il travaille aussi sur l’écriture d’un livre : «Ce sont quelques pages d’une histoire que j’ai dû rajouter à ma vie...»