John, sa soeur Claire et leur avocat Dick Ng Sui Wa lors d’un point de presse.
La vie de Reshma Treebhowon et Rekha Mooneea a basculé.
La première semaine du procès aux assises dans le cadre de l’assassinat de l’Irlandaise Michaela Harte a été riche en événements. Entre la présence de John McAreavey, l’époux de la défunte, en cour en début de semaine, ainsi que celle de nombreux journalistes, des curieuxs et des proches des présumés meurtriers, les polémiques autour de divers points de l’enquête, les critiques des reporters sur le déroulement du procès, les choses ont été plutôt tendues. Retour sur les faits marquants.
John McAreavey «très affecté»
Mardi 22 mai. Premier jour du procès dans le cadre de l’affaire Michaela Harte. L’époux de celle-ci, présent en cour suprême, fait peine à voir. Le jeune homme, qui porte toujours son alliance au doigt, est toujours «très affecté» par le décès de son épouse, selon un proche de l’affaire. Il est marqué à vie par le meurtre horrible de sa femme alors même qu’ils étaient en lune de miel à Maurice, à l’hôtel Legends de Grand-Gaube, le 10 janvier 2011.
Et aujourd’hui, il se voit dans l’obligation d’être dans ce pays qui lui rappelle tant de mauvais souvenirs pour assister au procès des deux présumés meurtriers de Michaela Harte, âgée de 28 ans au moment du meurtre. Il est l’un des témoins de la poursuite.
Lors du premier jour du procès, le mardi 22 mai, John McAreavey semblait perdu dans ses pensées. Il avait le regard dans le vide lorsque l’huissier l’a appelé. Auparavant, il avait dû faire un véritable parcours du combattant pour parvenir jusqu’à la salle d’audience tant la foule à l’entrée était dense. Il y avait les journalistes mauriciens et étrangers, les autres témoins, les étudiants en droit venus en grand nombre et, surtout, beaucoup de curieux.
Autant de moments très éprouvants pour le mari de Michaela Harte, arrivé à Maurice le vendredi 18 mai. Mais heureusement, souligne une source proche de lui, qu’il est «bien entouré». John McAreavey est accompagné de sa soeur Claire, une avouée, de son père Brendan et du frère de sa défunte épouse, Mark Harte. Pat McRann, le Deputy Head of Mission de l’Irlande, basé en Afrique du Sud, a également fait le déplacement de même que deux policiers irlandais, pour suivre le procès.
À la pause, Claire McAreavey a fait une déclaration aux journalistes présents : «Nos deux familles sont très affligées et nous vivons des moments très difficiles. Nous espérons que les médias comprendront que nous tenons beaucoup à ce que rien ne soit dit ou fait qui mettra en péril ou portera préjudice au procès. Nous apprécions l’intérêt et le soutien de la presse durant l’année écoulée mais nous espérons que pendant notre séjour à Maurice, les médias accepteront notre besoin de tranquillité durant le procès. Nous voulons préciser que nous ne ferons pas de déclarations avant la fin du procès. Nous ne répondrons pas non plus aux questions pour respecter la procédure judiciaire. Merci pour votre soutien et nous demandons vos prières en ce moment.»
Si John McAreavey n’était pas présent au procès les autres jours de la semaine, ses proches, eux, étaient bien là. Il devrait être présent demain, jour où il est supposé déposer comme témoin.
Les points forts du procès
%Ï Avinash Treebhowon et Sandip Mooneea ont plaidé non coupable au début de leur procès aux assises, le 22 mai. «Bondie temoin mo inosan dan sa case la», a même déclaré Sandip Mooneea en cour avant de se faire rappeler à l’ordre par le juge Pritiviraj Fekna. C’est le vendredi 16 décembre que le Directeur des poursuites publiques (DPP) a pris la décision de les déférer aux assises.
%Ï Le premier jour de procès, on a appris que la charge provisoire de murder a été logée le 12 janvier 2011 contre Avinash Treebhowon et Sandip Mooneea qui ont retenu les services de Mes Sanjeev Teeluckdharry, Ravi Rutna et Rama Valayden. Ce jour-là, Avinash Treebhowon a fait état de brutalités qu’il aurait subies de la part des membres de la Major Crime Investigation Team lors de son interrogatoire aux Casernes centrales. Il allègue avoir reçu des gifles et des coups à l’oreille gauche qui auraient affecté son ouïe. De plus, on l’aurait forcé à se dévêtir avant de le tabasser et on lui aurait mis une serviette sur la tête ; ce qui l’aurait fait suffoquer.
%Ï Mercredi, Me Rama Valayden a attiré l’attention du juge et des membres du jury sur deux photos prises par le PC 4575 Jeewooth. Sur la première, il n’y avait pas de boîtes de biscuits – que la victime était supposée être venue chercher quand elle a été tuée – sur la table. Mais sur la deuxième, prise deux jours plus tard, il y en avait. C’est après l’audition du sergent Ramasawmy, du poste de police de Grand-Gaube jeudi que le mystère a été résolu. Il a expliqué qu’il avait retiré les boîtes de biscuits du tiroir et les avait placées sur la table pour les besoins de la reconstitution. Il y a aussi eu une polémique jeudi autour de la photo de la baignoire où le corps de Michaela Harte a été retrouvé. Sur les premiers clichés, on voit clairement la baignoire. Or, celle-ci n’est pas visible sur les photos prises deux jours plus tard. La police l’avait enlevée pour des raisons inexpliquées.
%Ï Toujours jeudi, le site plan de la police sur l’hôtel Legends n’a pas été retenu comme pièce à conviction de la poursuite suite à une objection des avocats de la défense. La raison : le dessinateur de la police, le PC 2555 Hurobin, a fait croire qu’il avait fait le site plan lui-même en seulement quatre jours alors que tel n’était pas le cas. Il l’avait, en fait, obtenu d’un membre de la direction de l’hôtel Legends. Il l’a ensuite modifié et a placé sa signature sur ledit document en oubliant de vérifier si les informations qui se trouvaient dessus étaient exactes. Par exemple, sur le plan, il fait mention de la chambre 1026 alors que, selon Me Valayden, elle n’existait pas au moment du drame.
%Ï Selon le dessinateur de la police, John McAreavey se trouvait à la table 6 du restaurant Banyan lorsque son épouse est allée chercher des biscuits dans leur chambre, la 1025. Selon le dessinateur de la police, la table se trouve à 108 mètres de la chambre. Il y avait aussi des caméras de surveillance sur les lieux mais elles étaient braquées sur les gens qui se trouvaient sur la plage seulement.
%Ï Lors de la déposition, le sergent Ramasawmy a déclaré que c’est dans la baignoire que John McAreavy a découvert le corps sans vie de sa femme. Il l’a alors retiré de l’eau pour lui porter les premiers secours mais la jeune femme avait déjà rendu l’âme. Mandé sur place, le Dr Sunassee n’a pu que constater son décès.
%Ï Le sergent Ramasawmy a aussi expliqué que c’est le 12 janvier, deux jours après la mort de Michaela Harte, que la police a restitué les biens personnels du couple à John McAreavey notamment des vêtements. Parmi eux, il y avait aussi un livre intitulé Ultimate Sex Guide, une boîte de préservatifs de la marque Durex, un tube de vaginal jelly, deux iPhone et un chargeur, un autre portable de la marque Sony Ericsson et son chargeur, un laptop Dell et son chargeur et une tablette de comprimés pour dormir. Il y a eu une polémique autour du livre suite à une question de Me Sanjeev Teeluckdharry à un enquêteur sur les pratiques sexuelles violentes contenues dans le livre mais finalement, celle-ci n’a pas été retenue car le policier a déclaré qu’il n’avait pas lu le livre.
Ce que disent les hommes de loi de l’affaire
Me Dick Ng Sui Wa, avocat de John McAreavey
«L’affaire s’est bien déroulée jusqu’à présent. Elle va toutefois prendre un peu plus de temps que je ne le pensais. Seulement six témoins ont déposé à ce jour alors qu’ils sont une trentaine en tout. Tout laisse croire que le procès va durer au moins un mois. Je constate cependant que les membres de la famille de mon client et ceux de sa défunte épouse sont très blessés par les remarques des uns et des autres en cour. Ils passent par des moments très durs. De plus, ils sont surpris par la masse d’informations qui sort de la salle d’audience en direct, diffusée par la presse irlandaise et anglaise sur Twitter en temps réel. Autrement, le procès se déroule bien dans son ensemble.»
Me Rama Valayden, avocat de Sandip Mooneea
«Je suis d’avis que la police n’a pas de preuves contre mon client. Car plus on avance dans cette affaire, plus on constate que la police perd la face dans cette affaire. Je crois en la justice mauricienne. La vérité finira par éclater.»
Me Sanjeev Teeluckdharry, avocat d’Avinash Treebhowon
«Je n’ai qu’un seul but : la vérité doit sortir de cette cour. Il y aura des surprises dans ce procès au fur et à mesure que les contre-interrogatoires vont se dérouler. Nous allons prouver que la police n’a pas fait son travail comme il le fallait dans cette enquête. Je suis d’avis que la police a baclé le travail après avoir subi des pressions politiques. Je lis actuellement deux livres très instructifs à savoir Les erreurs judiciaires par Me René Fleuriot, un ancien procureur général français qui parle notamment de brutalités policières, et Un magistrat dépose par Raymond Lindon qui est un peu lié à l’affaire Harte. Nous avons pu établir que le dessinateur de la police a menti en disant qu’il avait fait le site plan. C’est un cas de forgery. D’autres têtes vont tomber.»
Me Ravi Rutna, avocat d’Avinash Treebhowon
«Tout laisse croire que la police n’a pas fait son travail comme il le faut. On le démontre lors des contre-interrogatoires de ce procès. Il y aura d’autres surprises et d’autres rebondissements. Il y aura aussi des dénouements à chaque fois que des policiers vont déposer. Nous avons un objectif commun : faire connaître la vérité. Je précise que je ne porte aucune attention aux critiques de la presse étrangère. Chaque fois que je rencontre mon client depuis le 12 janvier 2011, il n’arrête pas de clamer son innocence dans cette affaire. De plus, il dit qu’il a confiance en la justice mauricienne.»
Presse étrangère : ce procès qui fait couler beaucoup d’encre
«Horror for Michaela family over courtroom sex slur.» C’est le titre de l’Irish Independent (www.indenpendent.ie) qui dans un dernier article publié hier sur son site Internet, raconte le déroulement du procès lors de la journée de vendredi dernier. Durant la semaine écoulée, le journal en question a suivi de très près le déroulement du procès. Dans le dernier article posté sur le Net, Cormac McQuinn, le journaliste qui a fait le déplacement pour suivre l’affaire, raconte que la famille de Michaela, présente en cour, «listened in horror as lawyers for the men accused of her honeymoon murder delved into the private details of the newlyweds’ sex life» et souligne aussi que les proches «were visibly upset as they were forced to endure a torrid day in the humid courtroom on the paradise island of Mauritius». Dans d’autres articles, le journaliste raconte, entre autres, «the Chaos outside courthouse as Michaela murder begins». Nous avons sollicité une déclaration de la part du journaliste mais il s’est refusé à tout commentaire. «Mon groupe ne me permet pas de parler de l’affaire», nous a-t-il déclaré.
D’autres groupes de presse, notamment britanniques et irlandais, à l’instar de BBC, Sky News, Irish Times, Daily Mail et The Irish Sun News suivent aussi de très près ce procès qui fait couler beaucoup d’encre. La presse française, notamment Paris match, s’intéresse aussi à ce fait divers. Sur son site Internet, parismatch.com, le très célèbre magazine titre : s. L’article en question relate toute l’histoire de l’affaire Michaela Harte et cite notamment une information de 5-Plus dimanche qui annonçait la semaine dernière l’arrivée de John McAreavey.
Mauriciens en Irlande : rien à signaler
Autour du dîner. Avec sa belle famille, Warren a crevé l’abcès tout de suite. Depuis le début du procès des présumés meurtriers de Michaela Harte à Maurice et la couverture médiatique qui en a résulté en Irlande, le jeune homme, marié à une Irlandaise, a décidé d’aborder le sujet lors d’un repas familial : «C’est ce que j’avais fait, également, au moment de la mort de la jeune femme : jouer cartes sur table. C’était une façon de les rassurer. De toute manière, il me semble évident que les Mauriciens ne sont pas tous des criminels.»
Évidemment ! Mais, pendant plusieurs semaines après le drame de janvier 2011, Asha, une jeune femme, étudiante à Dublin depuis quelques années, ne pouvait s’empêcher de baisser la tête : «Moi, j’évite de dire que je suis mauricienne. Je suis de type asiatique, donc je peux venir d’Inde ou du Pakistan. Ça me rassure un peu», nous confiait-elle à l’époque.
Aujourd’hui, même si la situation n’est plus aussi «grave», elle préfère toujours ne pas dévoiler ses réelles origines : «On ne sait pas ! Peut-être que la pression médiatique peut provoquer un mouvement de haine envers les Mauriciens.» Jameel, lui, n’y croit pas vraiment : «Si on devait s’inquiéter, c’était l’année dernière. Maintenant, ça va. Je ne sens plus cette méfiance. Au final, le temps fait bien les choses.»
Les tribulations des épouses des accusés
Leur vie a changé pour le pire. Rekha Mooneea et Reshma Treebhowon disent vivre un véritable calvaire depuis l’arrestation de leurs époux respectifs. «C’est une épreuve douloureuse», confie la femme de Sandip Mooneea, dans un soupir. «Ma vie a complètement basculé depuis que mon époux est en détention», surenchérit celle d’Avinash Treebhowon, tristement. Pour elles, il n’y a pas de doute : leurs conjoints sont «innocents». Et elles n’hésitent pas à le dire encore et encore.
Rekha Mooneea, qui est fonctionnaire, affirme avoir été brutalement séparée de son époux alors qu’ils n’étaient mariés que depuis 37 jours. Depuis, elle attend son retour dans la douleur. «Je pleure tous les jours. Je meurs et je vis tous les jours. Mais je suis confiante dans la justice. La vérité finira par éclater. Mon mari est innocent.»
Reshma Treebhowon, qui était marié depuis un an seulement à Avinash au moment de son arrestation et était enceinte de trois mois, a, quant à elle, fait une fausse couche peu après : «Ma douleur était atroce. J’ai perdu mon bébé à cause de mon chagrin.»
À en croire leurs épouses, Sandip et Avinash étaient tous deux très pieux. «Le lundi 10 janvier 2011, Sandip faisait un jour de carême en l’honneur du dieu Shiva. Il est en carême chaque lundi. Je ne pense pas qu’il aurait fait quelque chose de mal à une femme justement ce jour-là. En plus, c’était un employé exemplaire qui a, à maintes reprises, reçu des certificats pour le bon travail qu’il faisait», explique Rekha.
Avinash Treebhowon était également en carême le 10 janvier 2011, selon son épouse : «C’était son premier jour d’abstinence. Il allait faire le Thaipoosam Cavadee pour la deuxième année consécutive. Laprier ti enn gran zafer pu li. À chaque fois que je le vois, il secoue la tête pour me faire comprendre qu’il n’a rien à voir dans cette histoire.»
Tout en disant ignorer les raisons qui poussent la police à croire dans la culpabilité de leurs époux, Rekha et Reshma soulignent que les 16 mois passés sans leurs conjoints respectifs sont très durs. «Tous mes projets sont à l’eau. L’argent qu’on avait économisé pour finir notre maison sert à financer les dépenses liées aux procès. Et mo ti kapav fini vine mama zordi. Cette affaire est venue briser tous mes rêves», avance Rekha.
Reshma, qui est femme au foyer fait, quant à elle, le va-et-vient entre le domicile de ses parents à Rivière-du-Rempart et le sien à Roches-Noires et arrive difficilement à joindre les deux bouts : «Mes parents me viennent en aide financièrement.»
Quoi qu’il en soit, Rekha et Reshma gardent espoir que Sandip et Avinash vont rentrer à la maison à la fin du procès.