Cinq jeunes se sont donné la mort depuis le début de l’année. Incompréhensions, mal-être, problèmes sentimentaux… Qu’est-ce qui arrive à la jeunesse mauricienne ? La parole à Virginie Bissessur-Corsini, psychologue.
Mardi dernier, une adolescente de 15 ans s’est immolée dans sa chambre. Ce drame vient s’ajouter à la liste de quatre autres jeunes (un garçonnet de 11 ans et trois filles de 16 ans) qui se sont donné la mort depuis janvier. Comment analysez-vous ce qui se passe actuellement dans notre société ?
Paradoxalement, dans la société mauricienne, plus l’on a des moyens technologiques de communication, moins l’on communique. Le dialogue dans les familles est difficile. La compétition scolaire met la pression autant sur les parents que sur les enfants et rend les relations entre eux plus tendues. Le generation gap entre des parents traditionnels et des jeunes connectés au reste du monde fait qu’ils ne se comprennent pas et bien souvent ne discutent pas ensemble, ni de leur journée (de ce qu’ils vivent au quotidien), ni de sujets d’actualité (ils n’échangent pas leurs idées). Finalement, ils se connaissent peu même s’ils vivent sous le même toit. On peut imaginer que bien souvent, on ne voit pas le malaise de nos enfants ou alors on le minimise.
Dans deux des cas cités, notamment le dernier en date, les jeunes avaient également fait une première tentative de suicide. Comment est-ce qu’il faut réagir lorsqu’on doit faire face à un ado qui attente à ses jours ?
D’abord, il ne faut pas culpabiliser l’ado, il est déjà assez mal dans sa peau comme ça. Deuxièmement, il ne faut pas se fâcher contre lui, même si en tant que parents on a eu peur. Ensuite, il faut essayer de dialoguer et de comprendre le geste de son enfant, son mal-être. Et, surtout, il ne faut pas minimiser la souffrance ressentie par un ado qui fait un geste aussi désespéré. Ne pensez pas qu’en ignorant le problème, il s’en ira avec le temps. Il faut absolument aller consulter un psychologue afin que l’ado ait un espace où il peut vider son sac sans être jugé, sans qu’on attende quoique ce soit de lui.
Des ados ont été également au cœur de l’actualité ces derniers temps en étant impliqués dans des affaires de drogue, d’alcool, de vol. Une fille de 12 ans a même été impliquée dans une affaire de meurtre lorsqu’elle a avoué qu’elle avait eu des rapports sexuels avec la victime en échange de cadeaux. Qu’est-ce qui pousse des jeunes à se retrouver au centre de telles histoires ?
Il me semble que les parents ne discutent pas assez avec leurs ados. Ils ne savent pas ce qui se passe dans leur vie. Les ados ont peur de décevoir leurs parents quand ils font des bêtises. Il faut alors qu’ils aient confiance en leurs parents pour se tourner vers ces derniers quand ils ont un problème ou des questions. Le dialogue est nécessaire pour qu’il y ait de la confiance. L’adolescence est une période où les jeunes sont très fragiles, ils sont à la recherche d’eux-mêmes dans un corps qui se transforme et où ils sont mal à l’aise. Ils ont besoin de s’affirmer et d’être écoutés car ils peuvent être influençables à cette période.
Y a-t-il un moyen de repérer un jeune qui souffre de mal-être ? Et que faut-il faire dans ce cas-là ?
En général, il faut être attentif aux changements de comportement de nos ados. S’ils se renferment et perdent leur joie de vivre, si vous les trouvez constamment fatigués et tristes, alors inquiétez-vous, essayez de comprendre, posez-leur des questions. Si les changements sont importants et radicaux, s’ils n’écoutent plus ce que vous dites et basculent dans l’insolence et la défiance, alors n’hésitez pas à l’emmener voir un psychologue, avec qui il se sentira peut-être plus à l’aise pour se confier. L’adolescent a autant besoin d’attention que d’intimité. Il a besoin qu’on le laisse prendre plus de responsabilités, qu’on le laisse avoir une vie privée et qu’on respecte ses opinions. Mais il a encore besoin de limites et d’être rassuré. Alors en tant qu’adultes, nous nous devons d’être à leur écoute.