Avec les récentes pluies, la terre autour du pont s’est effritée.
Les récentes pluies ont rendu impraticable un pont du Sud. Les habitants du village qui se trouvent à quelques pas de cette route attendent une solution des autorités.
Un parfum de cari poisson flotte dans l’air. La petite brise qui souffle sur ce village du Sud, en cette fin d’après-midi, fait s’envoler les premières notes savoureuses – et olfactives – d’un dîner qui sera sans doute familial. Dans les cuisines, les mères de famille, qui sont rentrées du travail, s’affairent autour de la caray où crépitent des épices choisies avec soin. Il est 17 heures. Quelques jeunes réunis autour d’une bicyclette se partagent le dernier tube du moment à travers le bluetooth de leurs portables. Un peu plus loin, quelques hommes attendent l’heure du dîner en jouant une partie animée de dominos et en discutant du dernier événement qui trouble la quiétude du village…
Depuis le mardi 15 mai, après les grosses pluies qui se sont abattues sur l’île la veille, la route principale de La Sourdine est difficilement praticable. La terre qui retenait le pont Jamin s’est effritée, laissant une partie de la structure métallique visible. Seule la voie de droite (pour aller vers Rivière-des-Anguilles) est praticable. Celle de gauche est fermée à la circulation. Ce chemin composé d’une succession de virages et qui n’est pas éclairé par des lampadaires est un réel «danger», explique Mickael Aworer.
En ce début de soirée du mercredi 16 mai, alors que lui assiste au passionnant «match» de dominos, des hommes s’affairent à placer des lumières et des bandes fluorescentes sur des «drom» de métal, là où le pont est le plus fragile. Pas de policier à cette heure-ci. Ni de personne capable d’occuper le poste de «vire-go» et faciliter la circulation des véhicules dont les conducteurs semblent un peu déboussolés. «Comment savoir si on peut y aller ou pas ? Il n’y a qu’un seul lane de disponible», lance l’un d’eux. Un problème ponctuel pour cet automobiliste qui prend cette route «une fois le temps».
Beau et terrifiant
Néanmoins, cela fait des années que certains habitants de La Sourdine tirent la sonnette d’alarme : il est nécessaire de trouver une alternative à cette route principale. Naidoo Appadoo, le président des forces vives, propriétaire d’un snack, qui vit dans ce village depuis sa «naissance», se bat depuis longtemps, dit-il, pour que les autorités trouvent une solution. «Pour aller travailler ou à l’école, que ce soit à pied, en bus, ou à motocyclette, les habitants du village empruntent cette route. Et si un jour le pont craque et s’affaisse ? Que va-t-il se passer ?», se demande-t-il.
À quelques pas de là, sur l’arrêt d’autobus de la localité, Yashraj Woozir, un gardien de sécurité qui attend le bus pour aller travailler, avoue s’inquiéter un peu à chaque fois qu’il emprunte cette route : «Ce pont a fait son temps. Il y a trop de poids lourds qui passent là.» Difficile de ne pas imaginer le pire quand on se tient au bord de cette route et qu’on se rend compte de la profondeur du précipice qui mène à une rivière. Spectacle beau et terrifiant à la fois qui donnerait presque le vertige…
Jean-Philippe Fra, 74 ans, son épouse Madeleine et leurs enfants et petits-enfants, habitent au-dessus de cette route, au-dessus de ce précipice. Et plus les années passent, plus leur terrain rapetisse. «On avait cinq pieds de plus ! La terre est partie avec les pluies, avec le temps», explique la grand-mère. Désormais, c’est tout au bord du gouffre que vit cette famille et la situation ne semble pas aller en s’améliorant. «On a essayé de ralentir les choses en coulant une dalle de béton. Mais nous ne pouvons le faire sur l’ensemble de la corniche», explique Jean-Philippe. Depuis des années, ceux qui vivent au bord du vide attendent un coup de pouce des autorités…
Une lueur au bout du tunnel. Avec les dégâts importants au pont peut-être que cette aide tant espérée viendra ? Comme ce policier qui, à la nuit tombée, a fait son apparition, torche à la main alors que les familles s’attablaient – une certainement pour déguster un délicieux cari poisson – afin de guider les automobilistes…