Le jeune homme en compagnie de son cousin qui s’occupe de lui.
Il est cloué au lit depuis neuf ans, depuis qu’il a été touché par une balle tirée par un membre de l’ADSU. Rishi Ram Dookia, paralysé à vie, avait enclenché des poursuites contre le commissaire de police pour réclamer des dommages mais il a été débouté en Cour suprême. Il nous raconte son calvaire.
Il n’espère plus grand-chose de la vie. Voire rien du tout. Car pour Rishi Ram Dookia, vivre est devenu un véritable combat au quotidien. Pour lui, chaque jour de plus est, en quelque sorte, un nouveau coup dur que la vie lui inflige. «Seule la mort pourra soulager ma souffrance», murmure-t-il en essuyant quelques larmes qui coulent sur son visage. Une souffrance qu’il endure depuis neuf ans. Et pour cause, cet habitant de Bambous, plus connu comme Pravesh et âgé de 30 ans, avait été atteint d’une balle tirée par un membre de l’ADSU. C’était le 17 avril 2004 à La Ferme, à Bambous.
Il revient sur cet épisode qui a bouleversé sa vie à jamais. «J’allais chez ma sœur qui vivait non loin du réservoir de La Ferme, à Bambous. Je marchais le long du réservoir quand j’ai remarqué que deux hommes couraient derrière moi. J’ai cru que c’était des voleurs et j’ai couru pour leur échapper. À un moment, j’ai entendu un bruit bizarre, comme celui de pétards, j’ai alors senti que quelque chose s’était planté dans mon dos et je me suis écroulé par terre. J’ai perdu connaissance et quand je me suis réveillé, j’étais dans un lit d’hôpital. C’est là-bas que j’ai appris que j’avais reçu une balle dans le dos qui avait atteint ma colonne vertébrale», explique Rishi Ram.
Peu de temps après, il apprend que c’est un membre de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) qui lui a tiré dessus. Sur la base de quelques renseignements, des officiers de cette unité s’étaient rendus à cité La Ferme, à Bambous, pour coincer le jeune homme qu’ils soupçonnaient d’être un trafiquant de drogue (voir hors-texte). Ce qu’il conteste. Mais le plus dur était à venir pour Rishi : les médecins l’informent qu’il ne remarchera plus jamais. «La balle s’était logée dans ma colonne vertébrale. J’ai subi une délicate intervention pour l’extraire.» Mais depuis, il est paralysé à vie.
Ce qui l’a d’ailleurs poussé à poursuivre le commissaire de police en justice pour obtenir réparation. Toutefois, suite à un jugement de la Cour suprême, le lundi 30 avril, tout espoir qu’avait Rishi Ram de mener une vie décente s’est effondré. Il a été débouté en cour sur des bases «purement techniques», nous a expliqué son avocat. Par exemple, le commissaire de police, étant lui-même un employé du gouvernement ne peut pas de toute évidence être l’employeur d’un officier de l’ADSU, qui lui aussi est un employé de l’État. Dans ce cas, il ne peut être tenu pour responsable.
Donc, c’est l’État qui aurait dû être poursuivi, comme l’a fait ressortir l’homme de loi. Et depuis ce jugement défavorable, Rishi Ram ne sait plus vers qui se tourner. «Je suis cloué au lit du matin au soir. C’est mon cousin, qui habite dans la même cour que moi, qui s’occupe de moi. Il est marié et père de deux enfants en bas âge. Le soir, il est obligé de quitter sa famille pour être à mon chevet. C’est lui qui me donne mon bain, à manger et me sort quelquefois de la maison, quand il a un peu de temps libre», avance Rishi Ram d’une voix triste.
Orphelin depuis l’enfance, le jeune homme vit dans une petite case en tôle de deux pièces, l’une servant de chambre à coucher et l’autre de cuisine. Deux lits sont disposés côte à côte dans sa chambre, un pour Rishi Ram et l’autre pour son cousin. Une télé posée sur quelques boîtes en carton faisant office de table est le seul loisir de Rishi. «Je ne sors pas, faute de moyens. Je ne fais que regarder la télé. Je gagne une pension de Rs 5 000. Chaque mois je remets Rs 2 500 à mon cousin pour qu’il achète de la nourriture et paie l’eau et l’électricité. La différence sert à payer le taxi deux fois par mois quand je vais à l’hôpital pour des traitements. Il ne me reste pratiquement rien après. Impossible de boire du coca ou manger ne serait-ce qu’un gâteau, une glace ou m’acheter de quoi me vêtir», pleure-t-il.
De plus, depuis son infirmité, son état de santé n’a cessé d’empirer. Il a souffert de plusieurs infections et a dû subir deux délicates opérations. «Je porte des couches- culottes et un appareil urinaire. Ce qui affecte beaucoup ma santé. J’ai eu des abcès causés par les couches-culottes. J’ai même subi une opération à cause d’infections causées par l’appareil urinaire. Je suis toujours en traitement.»
Il avait l’espoir de gagner l’affaire qu’il avait logée en cour afin d’obtenir réparation et se faire soigner correctement. Hélas. «Je suis très accablé depuis que ce jugement a été rendu. J’estime que c’est de l’injustice. Je prie chaque jour pour que ma dernière heure sonne et que je quitte enfin cette terre.»
Il se souvient qu’avant d’être paralysé il avait une petite amie. Mais suite à son handicap, cette dernière l’a laissé tomber. «J’avais le rêve de fonder une famille, d’avoir une maison et des enfants. Mais je réalise que je ne pourrai jamais avoir tout cela et être heureux», poursuit Rishi Ram Dookia. Sa vie est à tout jamais brisée.
La police se défend
Selon la police, Rishi Ram Dookia était soupçonné d’être un trafiquant de drogue. Pour le coincer, l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) avait monté une opération. Un de ses membres avait pour mission d’acheter du gandia à Rishi Ram pour une valeur marchande estimée à Rs 25 000. Toutefois, lors de l’opération, l’officier en question aurait été démasqué par Rishi Ram qui aurait alors pris la fuite. Selon la police, le jeune homme aurait alerté un groupe de personnes en s’enfuyant.
Ces dernières, toujours selon la police, s’étaient munies de sabres pour attaquer l’officier de l’ADSU qui avait été obligé de faire usage de son arme à feu pour disperser la foule. C’est ainsi qu’une balle aurait atteint Rishi Ram au dos. Il avait, selon la police, 95 pouliahs et 54 rouleaux de gandia en sa possession.
Mais Rishi Ram Dookia a, pour sa part, toujours récusé ces accusations portées contre lui. «Je n’ai jamais été impliqué dans des affaires de drogue. Le jour de cet incident, je n’avais pas de gandia sur moi. Ce n’est que lorsque je me suis réveillé à l’hôpital que j’ai appris qu’on m’avait tiré dessus pour une histoire de gandia», se défend-il. Cette affaire lui avait pourtant valu une condamnation d’un an de prison en 2010. Mais elle a par la suite été rayée devant la Cour suprême qui a pris en considération l’état de santé de Rishi Ram Dookia.