Ils voulaient atteindre le nirvana. Pour ce faire, six jeunes, dont quatre mineurs, ont mélangé des comprimés destinés à soigner le Parkinson à un litre d’une boisson gazeuse avant de boire la mixture. Résultat, ils ont passé un séjour à l’hôpital après avoir éprouvé des malaises. L’un d’eux raconte sa mésaventure…
Ils avaient envie de planer. Ce qu’ils appellent dans leur langage «gagne enn nissa». Pour atteindre leur objectif, ces jeunes de 20, 19, 15, 14 et 13 ans, dont quatre habitent à la NHDC de Camp-Levieux et un à La Valette, à Bambous, ont pris des comprimés destinés à soigner les personnes souffrant de la maladie de Parkinson. Pris de malaise, ils ont été transportés à l’hôpital où ils ont passé quelques jours. Jean Marc Boudhna, 20 ans, le plus âgé de la bande, nous explique pourquoi il a pris ces médicaments appelés Artane et comment alors que les quatre autres avaient rajouté plusieurs pilules à une boisson gazeuse avant de consommer le mélange.
«J’ai avalé trois pilules avec un peu d’eau. On m’a dit que j’aurais un nissa après les avoir consommées. J’ai voulu essayer pour voir quel effet cela aurait sur moi», explique-t-il sous le regard de sa mère qui a dû le transporter d’urgence à l’hôpital, le vendredi 20 avril. Pour cause, l’effet que Jean Marc souhaitait tant n’était pas au rendez-vous mais un autre, bien pire. Il a même failli, dit-il, y laisser la vie. Et sa mère a vécu le pire des cauchemars : «Il était dans un état de somnolence et je ne comprenais pas ce qu’il avait. Puis son état a empiré. Il faisait comme une crise d’épilepsie et écumait. C’est à bord d’un véhicule de la police que je l’ai emmené à l’hôpital Candos. Ce n’est que le lendemain que j’ai su qu’il avait avalé des comprimés.»
Mais comment Jean-Marc s’est-il procuré ces fameux comprimés ? Il affirme que c’est un de ses camarades, un certain Jean Michel Ange L’évêque, 19 ans, impliqué lui aussi dans cette affaire, qui les lui a remis en main propre, le vendredi 20 avril. «C’est mon voisin. Il habite dans l’appartement en face de chez moi. Vendredi, je l’ai rencontré dans la rue et il avait avec lui un sachet rempli de comprimés. Il m’en a donné trois en me disant “prend sa gagne nissa ar sa”. Une fois à la maison, c’est ce que j’ai fait», explique-t-il d’un air amusé.
Contacté à cet effet, Jean Michel Ange L’évêque a réfuté les allégations portées contre lui. «Je n’ai jamais donné ces comprimés à Jean-Marc. C’est un mineur qui nous les a filés. Il a l’habitude de prendre ces cachets. Lui et moi, nous avons bu les pilules mélangées à une boisson gazeuse. Après quoi nous avons eu les mêmes symptômes. Nous avons été transportés à l’hôpital ainsi que les deux autres mineurs», soutient-il.
Les cinq jeunes hommes impliqués dans cette affaire ont tous été admis à l’hôpital Candos, vendredi après-midi, avant de rentrer chez eux le mardi 24 avril. En cherchant le nirvana, ils auraient pu atteindre l’enfer s’ils n’avaient pas été pris en charge à temps.
En savoir plus sur l’Artane
Il est important de savoir que l’Artane est une drogue antispasmodique qui est prescrite contre la maladie de Parkinson, ou contre les effets secondaires causés par la prise de certains tranquillisants. Mais ce comprimé est largement détourné de sa première utilité et est considéré comme l’ecstasy des pauvres. Consommé avec de l’alcool et/ou du cannabis, il donne un sentiment de toute puissance. Il augmente aussi le rythme cardiaque et peut causer un infarctus et plonger celui qui le consomme dans le coma.
Imran Dhannoo du Centre Idrice Goomany : «Il y a un rajeunissement des consommateurs de drogues»
Il dresse un tableau plutôt noir concernant la consommation de la drogue chez les jeunes. Lui, c’est Imran Dhannoo, directeur du Centre Idrice Goomany, qui affirme qu’«il y a un rajeunissement des consommateurs de drogues». Selon lui, ces deux dernières années, beaucoup plus de jeunes âgés entre 15-24 ans sont venus au centre pour des traitements. «Il y a un changement dans le profil des consommateurs. Ils sont de plus en plus jeunes et viennent non seulement des villes mais aussi des régions rurales. Ils s’injectent non seulement du Subutex ou de l’héroïne dans les veines mais ont recours à des psychotropes qui soignent les troubles de dépression, entre autres. C’est la nouvelle tendance actuellement», fait-il ressortir.
Imran Dhannoo précise par ailleurs que l’on peut se procurer ces médicaments uniquement sur prescription médicale mais que l’on peut obtenir ce genre de pilule illégalement au marché noir. «La situation est telle quelle. On donne rendez-vous aux jeunes le 26 juin pour une journée de sensibilisation. Le lieu sera communiqué ultérieurement. Cela s’inscrit dans le cadre de la Journée internationale contre l’abus et le trafic illicite des drogues.»