La jeune fille s’est donnée la mort mardi.
Huvedi Ramasamy avait décroché 11 unités
aux derniers examens du SC.
Un mois après le décès tragique de sa meilleure amie qui s’était donné la mort par pendaison, Meenakshi a décidé de mettre un terme à sa vie de la même manière. Ses proches racontent son état dépressif les semaines précédant le drame et son obsession concernant la disparition de sa camarade de classe.
Elles n’avaient aucun lien de sang. Mais elles étaient bel et bien des «sœurs». Elles s’appelaient affectueusement «sista». Des sœurs de cœur, des meilleures amies que rien ni personne ne pouvait vraisemblablement séparer. Même pas la mort. L’amitié qui les unissait depuis six ans était plus forte que tout. C’est ainsi qu’après le décès tragique de Huvedi Ramasamy le 27 février, Meenakshi Chengapen, qui était en Lower VI, a décidé de la suivre dans la mort. Tout comme son amie, l’adolescente s’est pendue à l’aide d’une corde, à son domicile à Goodlands, le mardi 17 avril, vers 19h30.
Tout porte à croire que Meenakshi, du haut de ses 16 ans, n’arrivait pas à surmonter la disparition brutale de sa camarade de classe. Fragilisée par les récents tragiques événements, Meenakshi, faisait, selon ses proches, une «dépression» depuis quelques semaines, tant elle était «obsédée par le suicide de son amie». «Meenakshi avait beaucoup changé depuis la mort de sa camarade. Elle n’était plus la fille joviale qui profitait de la vie. Elle s’était renfermée sur elle-même. Ma fille était en larmes tous les jours durant la première semaine qui a suivi le décès de Huvedi. Après, elle commençait à refaire surface. Mais, elle n’a pas tenu bon», nous explique Radha, la mère de Meenakshi. Écrasée sous le poids de la douleur, elle n’arrive pas à accepter le geste de désespoir de sa benjamine.
Mais qu’est-ce qui a finalement poussé cette jeune fille qui venait de décrocher 21 unités aux derniers examens du School Certificate à commettre l’irréparable ? À cette question, Radha apporte un éclairage des plus troublants. «Ma fille me disait qu’elle rêvait souvent de son amie. La dernière fois qu’elle a rêvé d’elle remonte à la semaine dernière. Elle m’a raconté que dans le rêve la fille lui avait dit : “Mo ti deza ena mo probleme, toi aster to bisin viv to lavi”. J’étais bouleversée par tout ce qu’elle me disait à ce propos. Son seul sujet de conversation tournait autour de Huvedi. Elle faisait vraiment une fixation sur cette fille, ce qui la perturbait beaucoup», confie Radha, les yeux rivés sur son mari Mardeven, alias Loulou.
Assis par terre dans un coin du salon, ce dernier, l’air très attristé, arrive à peine à parler. Jamais il n’aurait cru sa fille chérie capable d’un tel acte. «C’était ma petite princesse. Le jour de sa mort, j’étais avec elle à la maison pendant toute la journée car je n’étais pas allé travailler. Elle nous a préparé des mines appollo pour le déjeuner. Puis elle a vaqué à ses occupations. Elle paraissait normale ce jour-là», soutient-il, le regard vide.
Toujours est-il que durant des semaines, elle n’avait pas cessé de manifester un profond mal-être. «Elle était très nerveuse, surtout avec moi, ces dernières semaines. Elle me répétait sans cesse que je ne l’aimais pas, que je préférais sa sœur aînée à elle. Je lui ai, à maintes reprises, dit que je l’aimais. Je lui ai même demandé ce qu’elle voulait que je fasse pour lui prouver tout l’amour que j’avais pour elle. Mais il n’y avait rien à faire. Elle hurlait toujours ces trois mots : “Mo envi mor, mo envi mor.” Puis, elle recommençait à parler de son amie Huvedi», se lamente la mère de l’adolescente.
Fixation
Les larmes aux yeux, elle poursuit son pénible récit : «Depuis la disparition de Huvedi, Meenakshi avait mis une photo d’elle dans son porte-monnaie. Elle regardait cette photo très souvent. Parfois, elle me la montrait en me disant : “Maman, regarde mon amie, elle est belle n’est-ce pas ?” Lasse de cette situation, je lui ai finalement dit qu’elle devait continuer à vivre. Je lui ai même pris la photo que j’ai découpée en morceaux pour qu’elle arrête de faire une fixation dessus. Mais cela n’a rien changé à la situation. Elle a alors mis une autre photo de Huvedi comme fond d’écran de son ordinateur qu’elle regardait à tout moment.»
Ces derniers jours, les choses avaient empiré au domicile des Chengapen, à Goodlands. Meenakshi devenant de plus en plus nerveuse et avait sans arrêt des crises de larmes. «Elle était une adepte de Facebook. Mais depuis quelques jours, elle ne se connectait plus. Je lui ai posé des questions et elle m’a dit qu’elle avait bloqué son compte», affirme Vashila, la sœur aînée de la victime, une policière. Cette dernière songeait même sérieusement à solliciter l’aide d’un psychologue de la Child Development Unit (CDU) pour aider sa sœur qui semblait s’enfoncer dans un gouffre sans fond.
Le lundi 16 avril, soit la veille de sa mort, Meenakshi a d’ailleurs fait une première tentative de suicide. «Elle est montée sur le toit de la maison avec une corde. Elle allait se pendre quand elle a été surprise par une voisine qui l’a stoppée de justesse. Après cela nous lui avons parlé. Elle semblait avoir compris. Mais on avait tout faux. Car elle a commis l’irréparable 24 heures après», pleure Radha qui n’arrive pas à cacher sa douleur.
Le jour des funérailles de Meenakshi, les parents de cette dernière sont tombés des nues en apprenant la raison qui pourrait expliquer l’acte de désespoir de leur fille. «Quelques enseignants du collège étaient présents à l’enterrement. Lors de leurs conversations, ils disaient que ma sœur, ainsi que Huvedi et deux autres filles auraient fait un pacte : celui de se donner la mort l’une après l’autre. Cette nouvelle nous bouleverse encore aujourd’hui. Mais ma sœur n’a jamais évoqué ce pacte à la maison. Mais nous ne savons pas si cette histoire est vraie», soutient Vashila.
Quoi qu’il en soit, sa soeur ne pouvait, semble-t-il, pas continuer à vivre sans sa meilleure amie. «Elles se sont connues sur les bancs de l’école en Form 1. Depuis elles étaient inséparables. Elles révisaient ensemble pour les examens. Elles étaient très proches. D’ailleurs, elles partageaient le même pupitre au collège.» Meenaskshi était, selon sa mère, une jeune fille pleine de vie, studieuse, avec la tête pleine de rêves.
«Remplie de vie»
Elle souhaitait notamment devenir comptable ou banquière dans une institution financière. «Elle me disait qu’en décembre prochain elle allait travailler dans un centre d’appels pour faire l’expérience du monde du travail. Puis, après son HSC, elle comptait travailler dans une compagnie, histoire d’économiser des sous pour pouvoir poursuivre des études universitaires. Elle voulait ainsi soulager notre fardeau car nous sommes une famille modeste.»
Radha continue, la gorge nouée par l’émotion : «C’était une fille remplie de vie avant la mort de son amie. Elle aimait la danse et la musique indienne, les sorties en famille. Pendant les vacances, elle n’avait toutefois rien prévu d’exceptionnel. Elle passait la plupart de son temps à la maison. Je me dis aussi que si elle était à l’école, cette activité lui aurait occupé l’esprit. Mais rester à la maison à ne rien faire a probablement joué contre elle.»
Récemment, sa fille a été nommée Prefect de sa classe en raison de sa «rigueur» et de «son sens de la discipline». Meenakshi avait vraisemblablement les qualités et le potentiel pour réussir dans la vie. Mais la jeune fille a préféré partir à l’âge même où on commence à se tracer un chemin. À 16 ans…
Le père de Huvedi
«Mon univers s’écroule de nouveau»
Son cœur de père saigne. Depuis qu’il a perdu sa fille Huvedi, le 27 février, sa vie est devenue un enfer. L’adolescente, qui avait décroché 11 unités aux derniers examens du School Certificate, s’est donné la mort par pendaison à son domicile. Un geste de désespoir que ses proches n’arrivent toujours pas à expliquer. «Rien ne laissait présager qu’elle allait commettre un tel acte. Elle était tout à fait normale», raconte Deven Ramasamy, le père de la jeune fille.
Depuis ce terrible drame qui a secoué toute sa famille, Deven essayait tant bien que mal de remonter la pente avec le soutien de ses proches. Mais depuis qu’il a appris que la meilleure amie de sa fille s’est donné la mort de la même manière, il est revenu au point de départ. «Cette nouvelle a eu l’effet d’une bombe. Mon univers s’est écroulé à nouveau. J’ai repensé au jour où ma fille a quitté ce monde. Quand j’entends tout ce qu’on raconte autour du décès de Meenakshi, je ne sais quoi penser. Je n’ai pas rencontré ses parents. On dit qu’elle rêvait souvent de ma fille et ainsi de suite. Mais dans notre famille, personne ne rêve d’elle.»
Deven Ramasamy et sa famille sont à nouveau ravagés par le désespoir : «Il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de notre fille à la maison. C’était une fille brillante sur qui on avait fondé beaucoup d’espoir. Mais depuis quelque temps, on avait pris la décision de ne pas trop penser à ce drame et de mener une vie normale même si cela était presque impossible. Mais l’essentiel était qu’on avait décidé d’essayer, surtout pour notre fils.»
Son fils, fait-il ressortir, est celui qui est le plus affecté par la disparition de Huvedi. «Ces deux-là étaient très proches. Maintenant mon fils se retrouve seul. Il a du mal à se concentrer sur ses études. Pour les examens du premier trimestre, il n’a pu prendre part qu’à un seul papier. Il n’était pas en état de faire davantage. Je pense que je vais voir un psy pour un suivi.»
Aux jeunes, ce père souffrance n’a qu’un message à passer : «La vie est un cadeau. Elle est faite des hauts et des bas. Mais elle mérite quand même d’être vécue. Avant de penser au suicide, pensez d’abord à la douleur que vos proches vont éprouver à votre décès. Ils ne méritent pas cela.»
Au collège Friendship
Un soutien psychologique sera accordé aux élèves
Un deuxième cas de suicide en moins de deux mois dans le même collège. Cela ne laisse pas le ministère de l’Éducation indifférent. Un psychologue de ce ministère se rendra au collège Friendship dès demain pour une session de travail avec les élèves et les enseignants de cet établissement secondaire situé à Goodlands.
«Le psychologue sera accompagné d’un Educational Social Worker qui l’épaulera dans son travail. Les deux ont eu une session de travail entre eux il y a quelques jours dans le but de préparer les élèves de ce collège à la rentrée des classes. Car deux élèves qui se suicident en l’espace de deux mois, c’est quand même inquiétant. Donc, une causerie est prévue avec les élèves de la classe où étaient les deux victimes. Puis ceux désireux un rendez-vous personnel avec le psychologue et l’Educational Social Worker pourront l’avoir», explique Rudy Teervengadum, attaché de presse au ministère de l’Éducation.
Il avance, par ailleurs, que les élèves de ce collège avaient déjà bénéficié d’un soutien psychologique après le décès de la première jeune fille. «Le 29 février, soit deux jours après le décès de Huvedi, le psychologue s’était rendu sur place pour offrir ses services aux élèves. Puis le 11 avril, il y a eu une autre session de travail avec les enseignants. C’était surtout pour les aider à mieux détecter les signes de détresse chez les jeunes, leur expliquer quelle approche adopter dans de telles situations, entre autres.»
Pour mieux encadrer les élèves, une Counselling Unit sera mise à leur disposition. «Il a été décidé que tous les 15 jours, le psychologue se rendra au collège Friendship pour des suivis. Ceux désireux se confier pourront le faire librement et en privé. Il y a aussi une unité du ministère de la Sécurité sociale, la Life Plus, qu’on appelait autrefois la Suicide Prevention Unit qui nous aidera à combattre le mal-être qui règne chez les jeunes.»
(Voir d’autres textes sur le sujet
en pages 10 et 18)