Comme nous l’avons vu la semaine dernière, le plan thérapeutique élaboré par le thérapeute correspond aux moyens qui serviront à atteindre les objectifs visés en fonction des causes du trouble sexuel. Pour mieux comprendre à quoi peut ressembler un plan thérapeutique en thérapie sexuelle, établissons-en un à partir d’un cas clinique fictif.
Âgée de 27 ans, Sophia vient consulter parce qu’elle n’a plus de désir sexuel. Elle est en relation avec Martin depuis 5 ans, qui lui, a 28 ans. Elle n’a plus envie de faire l’amour avec lui mais elle a accepte d’avoir des relations sexuelles avec lui une fois toutes les deux semaines pour maintenir une certaine fréquence sexuelle. Martin exprime souvent qu’il est en manque de sexe et qu’il ne comprend pas pourquoi elle aimait ça avant et que maintenant, elle ne lui fait plus d’avances sexuelles. Sophia ressent de la pression de sa part, ce qui lui fait vivre un stress. Leurs relations sexuelles ressemblent à ceci : une fois au lit, Martin commence à caresser les seins et les fesses de Sophia et si cela éveille son intérêt et des sensations agréables, elle répond positivement à ses avances. Ils ne s’embrassent plus et passent peu de temps à se caresser. Ils se stimulent plutôt mécaniquement pour s’exciter sexuellement et passer rapidement à la pénétration, à peu près toujours dans mêmes positions. Parfois, Sophia fait l’amour sans ressentir grand-chose et à d’autres occasions, elle réussit à ressentir un peu de plaisir.
Ils ont une petite fille de 3 ans et une autre de 6 mois. La baisse de libido de Sophia a commencé suite à son premier accouchement. L’adaptation avec le nouveau-né fut difficile sur différents plans. Premièrement, le bébé pleurait souvent et les parents avaient de la difficulté à le calmer, en plus d’être inquiets. La qualité de leur sommeil a été affectée sur une longue période. De plus, le couple vivait une situation économique précaire parce que Martin venait de perdre son emploi et ne parvenait pas à se trouver un nouveau travail malgré ses recherches actives. Puisque le bébé et les tâches qui s’y rattachent prenaient beaucoup de leur temps et qu’ils étaient épuisés, ils ont cessé de conserver un temps d’intimité de qualité pour leur couple. Ils se chicanaient souvent parce qu’ils vivaient plusieurs désaccords sur la manière de s’occuper du bébé et sur la gestion de l’argent. Ils étaient souvent en colère l’un envers l’autre et ne se témoignaient plus d’affection. Sophia a mis l’accent sur son rôle de mère et comblait ses besoins affectifs avec son bébé. Quant à Martin, il s’évadait en passant des heures sur Internet. Pour combler son manque de sexe, il consommait du matériel pornographique plusieurs fois par semaine. Leur situation financière s’est rétablie et s’occuper du deuxième enfant est plus facile. Cependant, la distance entre eux a continué d’augmenter et leurs conflits conjugaux se sont maintenus. Sophia a passé un examen médical au cours des derniers mois et tout est normal de ce côté.
Dès la fin de la première rencontre, le thérapeute a suffisamment d’informations pour déterminer qu’une thérapie de couple est nécessaire pour rehausser le désir sexuel de Sophia. Il peut donc tout de suite l’annoncer à sa cliente afin que son conjoint vienne aux séances thérapeutiques dès la prochaine rencontre. Même si c’est elle qui est porteuse du problème de baisse de libido, il est inutile d’envisager de le régler en thérapie individuelle puisqu’il y a trop de causes relationnelles qui sont impliquées. Si Martin refuse de se présenter en consultation, le taux de réussite s’avérera plutôt faible. En thérapie de couple, le thérapeute conjugal doit avoir un rôle neutre et les deux partenaires doivent sentir cette neutralité.
Puisque Sophia a déjà vu le thérapeute en individuel, celui-ci peut proposer de voir également Martin en individuel afin qu’il puisse lui aussi créer un lien de confiance avec le médecin. De plus, cela peut avoir l’avantage de faire ressortir de nouveaux éléments qui ne seraient pas ressortis lors de la rencontre avec Sophia. Le fait de voir une première fois les deux partenaires individuellement leur permet aussi de nommer des choses qu’ils n’auraient peut-être pas osé dire s’ils avaient été ensemble lors de la première consultation. Toutefois, une thérapie de couple implique de faire la lumière sur ce qui ne va pas dans la relation et que les «non-dits» soient exprimés à un moment ou à un autre de la thérapie. Il est aussi important de souligner que le thérapeute ne peut pas être porteur d’un secret dévoilé par l’un ou l’autre des partenaires; il n’aurait alors plus la neutralité nécessaire pour jouer son rôle de manière adéquate.
Lorsque les deux partenaires se présenteront au prochain rendez-vous, le thérapeute exposera au couple sa compréhension de leur problématique, c’est-à-dire les éléments déclencheurs du problème et les différents autres facteurs qui ont contribué à le maintenir en place. Il leur proposera ensuite des objectifs à viser et les moyens de les atteindre, ce que nous verrons la semaine prochaine.
À suivre…