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«Les enfants ne peuvent offrir leur consentement à une activité sexuelle en connaissance de cause»

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«Il importe de créer un espace de dialogue, de communication au sein de la famille»

Une collégienne de 12 ans s’est retrouvée au cœur d’une affaire de mœurs et dans sa déposition elle a déclaré aux enquêteurs qu’elle entretenait une liaison avec la victime. Comment une enfant peut-elle se retrouver dans une telle spirale ? Mélanie Vigier de Latour-Bérenger, psychosociologue et membre de la société des professionnels en psychologie, nous donne un éclairage sur cette affaire.

Une collégienne de 12 ans a avoué qu’elle entretenait une liaison avec la victime du meurtre de Melrose. Quel est votre regard sur ce fait divers ?

Ce n’est pas un fait divers, c’est une problématique sociale, importante et grave ! Et c’est malheureusement souvent un sujet tabou. Cette collégienne de 12 ans est victime d’un abus sexuel. À 12 ans, un enfant n’est pas consentant pour avoir une liaison avec un adulte. Et ce, même si l’abuseur le lui fait croire. Même si des personnes de l’environnement disent qu’elle a «allumé» ou «aguiché» l’abuseur. Les enfants ne peuvent offrir leur consentement à une activité sexuelle en connaissance de cause parce qu’ils ne peuvent saisir la portée des rapports sexuels entre adulte et enfant ou en prédire les conséquences. L’abuseur use de son âge plus avancé, de sa puissance et de sa position d’autorité pour contraindre l’enfant à un acte sexuel. La victime peut difficilement lui dire non, même si elle n’est pas d’accord pour subir ce type de rapports.
Il existe diverses formes d’abus sexuels : appels téléphoniques obscènes, voyeurisme (bay louke), présentation d’images pornographiques ou visionnage de films pornographiques, rapports ou tentatives de rapports sexuels (anaux, buccaux, vaginaux), prostitution des mineurs, attouchements, masturbation forcée, exhibition de relations sexuelles devant un enfant, exhibition des organes sexuels

L’abus sexuel, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (2002), est l’«exploitation sexuelle d’un enfant qui implique que celui-ci est victime d’un adulte ou d’une personne sensiblement plus âgée que lui, aux fins de la satisfaction sexuelle de celle-ci ». Les conséquences de tout abus sexuel sont graves et ont un impact important sur la vie de tout individu qui en est victime.

Dans sa déposition, elle a déclaré qu’elle obtenait de l’argent et des cadeaux en échange de faveurs sexuelles avec le quinquagénaire. Comment expliquer un tel comportement chez une enfant ?

Ce comportement est typique de ce qui s’observe dans les cas d’abus sexuels, de pédophilie où dans 70 % des cas, la victime connaît l’abuseur, entretient une relation de confiance avec lui, ou elle. L’abuseur homme ou femme, peut être enseignant, ami de la famille, prêtre, policier, membre de la famille très proche, parent, etc. L’abuseur appâte l’enfant en le mettant en confiance, en lui donnant des cadeaux, pour le séduire et d’une certaine manière, acheter son silence.

Est-ce que cette affaire peut avoir des répercussions sur sa vie ?

Cette enfant de 12 ans est d’abord victime d’abus sexuels ! Et cela a des conséquences importantes sur le plan psychologique, social, sexuel. Bien entendu, être témoin de violence, de meurtre a aussi un impact traumatique important, même si la victime est celui qui a abusé d’elle. Il me semble capital de prendre d’abord en considération les abus sexuels avec elle. De nombreuses conséquences font suite aux abus sexuels. Elles dépendent de l’âge de la victime au moment de l’abus, de la durée de celui-ci, du plaisir que l’enfant aura pu ressentir et du fait qu’on ait validé ou non la parole de l’enfant. Cette collégienne peut ne pas se sentir victime, croyant qu’elle a pu être consentante, propos sur lesquels aurait aussi pu insister son abuseur. Elle n’est nullement coupable de ce qui s’est passé, elle est victime d’abus sexuels.

Sur le plan psychologique, on peut observer une image de soi défaillante, une grande anxiété, de la mélancolie, une grande tristesse, beaucoup de honte et de culpabilité, du repli, ou alors beaucoup d’agitation. On peut aussi observer des troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie), etc.

Sur le plan physique, il peut y avoir des blessures physiques, notamment au niveau des organes génitaux, un retard de développement psychomoteur, un retard de langage chez l’enfant, des comportements d’automutilation, des douleurs abdominales aiguës, notamment chez les adolescents, des rituels de lavage, une énurésie secondaire (un enfant qui était propre refait pipi au lit), etc.
Sur le plan sexuel peuvent être observés : une masturbation excessive, une intromission d’objets dans le vagin ou l’anus, un comportement sexualisé à l’égard des personnes/objets, une demande de stimulation sexuelle, une connaissance inadaptée de la sexualité adulte pour l’âge de la victime/ imitation de la sexualité adulte.

La prostitution, la délinquance, des conduites inadaptées de voyeurisme et d’exhibitionnisme, des jeux sexuels/agression sexuelle d’autres enfants, etc. sont aussi des conséquences et signes observables.

Il importe d’être vigilant, de faire attention à ces éléments. Il importe surtout, en amont, de créer un espace de dialogue, de communication au sein de la famille, au sein des institutions scolaires et d’insister sur l’éducation sexuelle pour que tout enfant sache comment fonctionne son corps, et sache se protéger.

De quel encadrement a besoin, selon vous, cette enfant qui s’est retrouvée au cœur d’une affaire de meurtre ?

Elle devra bénéficier d’un accompagnement psychologique qui lui permettra de réaliser que l’abus sexuel qu’elle a subi n’était pas normal. De travailler avec elle sur son ressenti. Bien entendu, le fait d’être témoin de ce meurtre devra aussi être mis en mots. Il est important que cet accompagnement soit effectué par un/e professionnel/le en psychologie, et qu’il soit fréquent. Que cette enfant ne se sente ni jugée, ni condamnée pour ce qui s’est passé.

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