Joseph, brisé par la mort de son fils, un jeune homme débrouillard fauché en pleine jeunesse.
C’est un homme brisé par le chagrin qui nous parle de son enfant, décédé dans l’accident de Sorèze.
Dans le silence. C’est en faisant le moins de bruit possible que les femmes de la localité, celles qui connaissaient Jerry Augustin, 19 ans, préparent le canapé qui devra accueillir le corps du jeune homme dans quelques heures. Sur des briques, elles ont déposé une feuille de plywood et un matelas qu’elles ont recouvert d’un drap blanc. C’est là que le jeune homme, qui a perdu la vie dans l’accident de Sorèze, hier, samedi 31 mars, passera sa dernière nuit. Selon ses proches, il se trouvait dans une camionnette qui le menait vers son travail : il confectionnait des produits en aluminium. Assis à l’extérieur de sa bicoque en tôle qui se trouve à Tranquebar, Joseph, le père de Jerry, semble perdu.
«J’aurais dû mourir à la place de mon fils», lance-t-il, submergé par l’émotion. Il pleure la vie perdue de son fils : «Il est si jeune. Il n’a pas encore eu d’enfant, il ne s’est pas encore marié. Je suis vieux, moi. Je suis malade.» L’homme de 56 ans ne peut parler de son enfant au passé. L’idée que son unique fils s’en est allé est insupportable pour ce Rodriguais qui vit à Maurice depuis de nombreuses années: «Quand ils emmèneront son corps…C’est peut-être moi qui irai à l’hôpital.» Il a eu une congestion, il y a quelques années, et c’est Jerry, fraîchement diplômé du Mauritius Institute Training and Development (MITD), qui faisait vivre la famille : «Dès qu’il avait son salaire, il voyait avec sa maman quelles factures il fallait payer. Il aimait travailler.»
C’est vers 15 heures que Joseph, également père d’une fille de 24 ans, a reçu l’appel qui allait bouleverser sa vie : «Un homme, je ne sais pas qui, m’a appelé pour me dire que mon fils se trouvait à l’hôpital, qu’il avait fait un accident. Je ne savais pas s’il était blessé ou mort.» Son épouse, Annie, se rend alors à l’hôpital Jeetoo. Mais son enfant ne s’y trouve pas. On la dirige vers l’hôpital de Candos : «Quand elle est rentrée, elle était en larmes. Elle m’a demandé le certificat de naissance de Jerry. Je lui ai posé la question : «Kine ariv mo garson ?» Et elle m’a répondu que Jerry était mort.»
Depuis, Joseph, un ancien pêcheur, n’arrête pas de revivre, dans sa tête, ses derniers moments avec Jerry. Hier matin, comme d’habitude, le jeune homme, qui vient de fêter son 19e anniversaire le 27 février, a pris une tasse de thé avant de se mettre en route pour aller travailler : «Il m’a dit «Bye papi mo alé». J’étais occupé ce matin-là. Je lui ai simplement dit au revoir. D’habitude, on prend le temps de se parler…On fait des blagues. On aime bien plaisanter dans la famille.»
C’est l’image qu’il essaye de garder en tête : celui d’un Jerry souriant. Pas d’un Jerry sans vie : «Il était très apprécié. Personne ne le trouvait arrogant. Il était très serviable.» Il ne sait pas comment il va faire pour ne plus attendre son fils rentrer du boulot, ne plus le voir embrasser sa maman, dîner et se mettre devant la télé pour jouer aux jeux vidéo : «C’était son rituel tous les soirs.» Désormais, c’est dans le silence que se dérouleront les soirées sans Jerry. Et Joseph sait qu’il ne pourra pas supporter ça…
Les Bummah «angoissés»
Deepak Bumma, le jeune homme de 25 ans qui était au volant de la camionnette impliquée dans le terrible accident de Sorèze, luttait encore contre la mort, selon ses proches, à l’heure où nous mettions sous presse. Son père Dular nous a expliqué que ses proches et lui sont très «angoissés» car ils doivent attendre au moins 12 heures avant de savoir si l’opération de son fils, qui a pris fin hier soir, permettra de lui sauver la vie. Le jeune homme, qui habite Nouvelle-Découverte et qui est le dernier enfant de la famille – il a trois soeurs et trois frères –, travaille dans le domaine de la confection de portes et fenêtres en aluminium. «Il rentrait à la maison lorsque l’accident s’est produit. L’autre personne qui était en sa compagnie (Jerry Augustin) est décédée. C’est un ami qui m’a annoncé la nouvelle vers 13 heures», souligne Dular Bumma.
Deux enfants parmi les blessés
Six personnes ont été blessées dans le terrible accident de Sorèze dont une se trouvait encore entre la vie et la mort à l’heure où nous mettions sous presse. Parmi les blessés, il y a aussi deux enfants : Dinesh, 5 ans, et Anesh, 7 ans, qui étaient en voiture avec leurs parents Beekash et Poonam Bonomally lorsque le poids lourd a heurté une camionnette qui a, à son tour, a heurté leur véhicule. Le couple et ses deux enfants s’en sont sortis avec des blessures sans gravité.
Textes : Laura Samoisy, Jean Marie Gangaram, Yvonne Stephen, Stéphan Chinnapen et Christophe Karghoo