L e président n’a aucun pouvoir selon la Constitution. Pourtant, SAJ en a un. Le pouvoir de nuisance. Ramgoolam aura beau dire qu’il souhaite «l’accord Medpoint II», comme il aura beau critiquer le poids de l’âge de SAJ et se moquer des 2,9 % du MSM, tout dans son comportement et dans celui des membres de son cabinet traduisent fébrilité et angoisse. Il aura fallu seulement deux sorties du président de la République et quelques virulentes attaques envers ce gouvernement qui «nek blagué» pour que le sourire serein affiché par le Premier ministre face à la presse, samedi dernier, disparaisse. SAJ peut donc être une sacrée épine dans le flanc gouvernemental. Ce qui explique les tirs groupés de l’ensemble des lieutenants rouges qui pendant toute la semaine ont riposté aux attaques du «vieux» qui apparemment «ne sait pas ce qu’il dit» mais qui ne laisse pas le gouvernement insensible.
Entre la réplique du vice-Premier ministre Rashid Beebeejaun à SAJ sur le nombre de familles déconnectées du réseau de la CWA, l’attitude enfantine et condamnable de l’Attorney Yatin Varma qui non seulement n’a pas daigné saluer le président mais qui, amnésique, a donné une version ciblée de la censure de la presse, la «politique partisane» dénoncée par le PMSD, la démission de SAJ réclamée par tous les Rouges à qui l’on brandit micro et enregistreur, ou encore la comparaison entre les années SAJ «ki ti casse record lor pert damploi» et celles d’aujourd’hui où forcément, «Maurice progresse sur le plan économique», dixit Shakeel Mohamed, l’on sent bien que la citadelle rouge pourtant invincible jusqu’ici vacille sur son socle. Même la MBC – «cette boîte à propagande sous le contrôle du Premier ministre», dénoncée par SAJ – dont l’imperméabilité aux critiques n’avait d’égale que l’arrogance de son directeur, est sortie de son mutisme, se fendant d’un communiqué pour préciser les dispositions de la MBC Act. C’est dire !
Si SAJ – qui est allé trop loin pour rester au Réduit – fait frissonner le Premier ministre et ses pairs, c’est parce qu’ils sont conscients de la nuisance value que représentera celui-ci une fois «andeor». D’autant que le président a déjà lancé la bande-annonce teintée de couleurs populaires : coût élevé de la vie, surendettement, amplification du trafic de la drogue, pauvreté, frustration des fonctionnaires, entre autres. Soit les maux que ressent une bonne partie de la population qui ne trouve aucun écho auprès des dirigeants. Ainsi, après seulement deux ans au pouvoir, le gouvernement de Ramgoolam qui ne tient qu’avec une faible majorité à l’Assemblée nationale se fragilise davantage. Désormais, le Premier ministre ne dirigera plus l’esprit tranquille. D’un côté, il subira les attaques de l’opposition dopée par l’arrivée de SAJ, de l’autre, il devra composer avec les pressions de son partenaire PMSD, sans compter les caprices des élus de son propre parti qui le tiendront en otage. C’est en homme usé qu’il risque de voir poindre les législatives de 2015 qu’il se prépare, semble-t-il, à remporter. Du moins s’il arrive à tenir jusque-là.
Car Ramgoolam peut bien fanfaronner, lancer des défis et ironiser sur l’âge avancé du président, un fait demeure : il ne peut mettre la main au feu pour toute sa troupe. Pour preuve, lui qui n’avait jamais eu du temps dans son agenda surbooké, en a trouvé pour rassurer les frustrés du PTr.