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La révolte d’un père

Le tragique décès du petit Irfan Bheedusseea dans un accident impliquant son van scolaire a choqué toute l’île Maurice. Ses proches, entre douleur et colère, disent leur révolte quant au non-respect des normes établies par la NTA pour les opérateurs de ce genre de véhicule et montrent du doigt l’école que fréquentait l’enfant, qui aurait, selon eux, sa part de responsabilité dans ce terrible drame.

C’est un homme meurtri au plus profond de son être. Dans sa tête, les sentiments se mêlent et s’entremêlent : la révolte, la colère, la tristesse et même la haine habitent désormais le cœur de Belall Bheedussea. Il ne souhaite qu’une chose : «Que ceux qui sont responsables de la mort de mon fils paient pour leur crime.» Ce père n’aura de cesse de réclamer justice pour la mort horrible de son fils Irfan, 5 ans, écrasé sous les roues de son van scolaire, tant que celle-ci n’aura pas été rendue.

Et dire que toute la famille se préparait à accueillir les six ans du garçonnet dans la joie, le vendredi 30 mars. «Pour cette occasion, on aurait fait un simple dîner en famille, il aurait eu un gros gâteau comme il les aime. Puis, le dimanche 1er avril, on serait peut-être allé à la plage pour continuer la fête», confie Belall, des larmes dans les yeux. Mais au lieu de cela, c’est aux funérailles de son fils qu’il a assistées.

Quand il repense à ce soir du mardi 20 mars, où il a mis son enfant en terre, son cœur de père se serre, les larmes perlent dans ses yeux. C’est la chose la plus dure que cet homme de 36 ans, employé à son compte, ait eu à faire de toute sa vie. Pourtant, se souvient-il péniblement, la journée avait bien commencé. «Irfan, son frère aîné qui a 9 ans et moi avions pris notre petit déjeuner ensemble. Puis je suis allé travailler et les enfants sont allés à leurs écoles respectives à l’heure habituelle.»

Ce jour-là, il rentre chez lui à Terre-Rouge, à moto, aux alentours de 15 heures. Ce, après avoir récupéré son aîné à l’école. Peu après, il reçoit le choc de sa vie. «Un voisin m’a intercepté pour me dire d’aller à la maison au plus vite car Irfan avait été renversé par son van scolaire. Quand je suis arrivé devant ma maison, il y avait du sang partout sur l’asphalte. Irfan avait déjà été transporté dans une clinique. Mais quand je suis arrivé là-bas, il avait déjà rendu l’âme.» Quand les médecins lui annoncent la nouvelle, il sent le monde s’écrouler sous ses pieds.

Depuis, le chagrin et la révolte de Belall n’ont fait que grandir, surtout quand il repense aux horribles circonstances dans lesquelles son enfant chéri a perdu la vie. «Le van qui a déposé mon fils à la maison n’a pas attendu qu’il ait traversé la rue avant de démarrer son véhicule. Après l’impact, il a continué sa route. À ce qu’il paraît, il écoutait de la musique très fort. De plus, il n’y avait pas d’aide-chauffeur à bord, comme prescrit par la loi», lâche Belall.

La fuite

Il poursuit son récit, plus remonté que jamais : «Quand les autres élèves qui étaient dans le van lui ont dit qu’il avait heurté mon fils, il aurait fait la sourde oreille et continué sa route. Mon neveu a pris sa voiture et l’a poursuivi avant de lui barrer la route à Bois-Pignolet. Sur le coup, il a nié avoir renversé mon fils. Puis, quand on l’a emmené sur le lieu de l’accident, il a reconnu qu’il avait tort et a demandé pardon. Mais je n’en ai rien à faire de son pardon car il a pris la fuite alors qu’il pouvait venir en aide à mon fils. Je pense qu’il a regardé dans le rétroviseur après l’impact et a vu Irfan au sol. Mais pris de panique, il s’est sauvé.»

La colère, l’indignation… Des sentiments qui animent tous les proches du petit Irfan, à l’instar d’Irshad, 18 ans, celui-là même qui a poursuivi le chauffeur du van dans les rues de Terre-Rouge. «J’étais là quand l’accident s’est produit. Quelques secondes avant, un membre de la famille avait dit au chauffeur qu’il devait faire preuve de plus de prudence pour ne pas mettre la vie des enfants en danger car il avait freiné brusquement devant la porte. D’ailleurs, les traces sont encore visibles sur l’asphalte. En outre, je me demande si on peut autoriser une personne de 23 ans à conduire un van scolaire. C’est une lourde responsabilité. À mon avis, un conducteur de cet âge n’a pas suffisamment d’expérience pour mener à bien cette mission. La National Transport Authority devrait peut-être revoir son système», déclare le jeune homme.

En sus du conducteur, la famille Bheedussea en a aussi après l’école que fréquentait Irfan. «Elle a aussi sa part de responsabilité dans cette tragédie. Quand Irfan a été admis à l’Institute of Islamic and Secular Studies, à Cassis, en janvier, la direction de l’école m’a fait comprendre que c’était dans sa politique de fournir un transport à l’enfant et qu’elle allait s’occuper de tout. Je n’avais qu’à faire le paiement. L’école aurait dû veiller à ce que ses opérateurs respectent toutes les normes, qu’il y ait un aide-chauffeur, entre autres. Donc, la direction de l’école est en partie responsable de la mort d’Irfan. Maintenant elle veut tirer son épingle du jeu en affirmant que c’est le contracteur qui n’a pas respecté les procédures», déclare Belall. (Voir la version de l’école en hors-texte)

Le chauffeur du van, un dénommé Skunder Pillay Sooboroyen, 23 ans, a pour sa part, été arrêté et présenté en cour où des charges d’homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger ont été retenues contre lui. L’alcotest pratiqué sur lui s’est révélé négatif. Suite à l’accident, après qu’il a été intercepté à Bois-Pignolet, il aurait été malméné par les proches de la victime. Il a toutefois réussi à s’enfuir pour se réfugier au poste de police de Terre-Rouge. Peu après, une centaine de personnes se sont massées devant le poste de police, réclamant le jeune homme. Dans leur colère, elles ont brisé deux panneaux de vitre. Pour sa sécurité, Skunder Pillay Sooboroyen a alors été transféré à Line Barracks, à Port-Louis.

Tout ce que souhaite Belall Bheedussea maintenant, c’est que le jeune homme paie pour ce qu’il a fait. Et il compte mener la lutte tant que la mort de son fils ne sera pas punie. Un combat dans lequel, sa femme Aniza, 31 ans, n’a pas la force de le rejoindre pour le moment. «Depuis le drame, elle ne mange pas, ne parle pas. Elle ne fait que pleurer. Ses yeux sont gonflés et cernés. C’est dur de la voir comme ca. Mon fils aîné aussi est dans le même état. Il réclame sans arrêt son frère. Les deux étaient très proches. Il a perdu son camarade de jeu, son meilleur ami. Ils faisaient tout ensemble. Je pense prendre contact avec un psychologue si besoin est pour l’encadrer.»

C’est toute une famille qui est brisée après ce terrible drame. Rien ne pourra effacer la douleur des Bheedussea, condamnés à vivre avec le souvenir du tragique accident du petit Irfan et l’absence douloureuse de cet être cher qui faisait leur joie.

Le manager de l’école s’explique

«Un accident regrettable.» C’est en ces termes que le manager de l’Institute of Islamic and Secular Studies parle du terrible malheur qui a coûté la vie au petit Irfan. Interrogé sur l’absence d’un aide-chauffeur dans le van qui transportait la victime, il affirme qu’il n’était pas «au courant de ce fait». Mais reconnaît que c’est l’école elle-même qui s’occupe des formalités concernant les vans scolaires. «C’est un principe de longue date. Les parents n’ont pas à se charger d’aller trouver un van. Mais c’est au contracteur de respecter la loi. Je ne pouvais pas savoir que ce n’était pas le cas.»

Toutefois, un document (voir ci-contre) vient remettre en question ces affirmations concernant les contracteurs. Il démontre que le van scolaire impliqué dans l’accident, immatriculé 4463 OC 06, est assuré au nom de l’école depuis janvier 2012. Et, dans sa déposition à la police, le chauffeur du van a affirmé qu’il était employé par l’école.

Selon le manager de l’Institute of Islamic and Secular Studies, il y a 20 vans qui véhiculent les étudiants fréquentant cet établissement. Y a-t-il un aide-chauffeur à bord de chacun d’eux ? À cette question l’homme répond qu’il n’en a «aucune idée» : «Nous allons vérifier tout cela pour ne pas mettre la vie de nos élèves en danger.»

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