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À l’ombre d’une prison

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En face de chez James Antoinette : la prison de Beau-Bassin.

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Madeleine Anodin se sent en sécurité dans ce quartier de Grande-Rivière qu’elle connaît depuis toujours.

Des coups de feu à proximité d’une prison… De quoi effrayer ceux qui vivent à côté d’un établissement pénitentiaire. Reportage.

Il a une vue imprenable… sur le mur d’un centre pénitentiaire. Dès que James Antoinette ouvre une fenêtre de son salon, décide de prendre un peu l’air ou sort de chez lui pour aller travailler, il ne voit qu’une chose : une impressionnante masse de béton dont le gris jure avec le ciel bleu. Cela fait six ans qu’il vit là «par nécessité», explique-t-il. Ce voisin, un peu particulier, un peu encombrant, il aurait préféré faire sans.

Et l’incident qui s’est produit, le mardi 13 mars, à quelques pas de chez lui, ne le rassure pas vraiment. Aux alentours de 16h45 ce jour-là, deux coups de feu ont été tirés sur la voiture du responsable de la prison de Beau-Bassin, Vishnu Hanumanthadu. Néanmoins, après la forte mobilisation policière qui a suivi, la vie a vite repris son cours… avec ses soucis malodorants. Ce qui ennuie le père de famille ce n’est pas le fait d’avoir des condamnés pour voisins ; ça il peut le supporter : «Il y a les caméras de surveillance et j’ai des cadenas pour les portes.» C’est un problème de tuyaux – ceux de la prison, ça va de soi – qui lui pourrit la vie.

De nombreux prisonniers et un système d’évacuation «défectueux»… Et c’est le drame olfactif : «Parfois ça déborde, ça sent très mauvais. C’est difficile à vivre.» Néanmoins, avoue-t-il, ce n’est pas le seul problème : «Il y a un grand portail en face de chez moi et à n’importe quelle heure, les gardes-chiourme arrivent, klaxonnent, font du bruit… Ce n’est pas évident surtout quand les enfants dorment.» Mais ce ne sont pas les seules sources de «tapage». À quelques maisons de là, Sailesh, qui préfère garder l’anonymat pour une «question de sécurité», parle de ses soucis quotidiens.

Presque tous les jours, ceux qui vont rendre visite aux détenus passent devant chez lui, demandent à utiliser ses toilettes, garent leurs véhicules devant son portail : «On ne peut même pas sortir nos voitures. Et si on leur demande de bouger, on se fait insulter.» Le quartier tranquille qu’il connaissait s’est transformé avec l’arrivée de la prison : «Nous étions là avant ! Personne ne nous a demandé notre avis avant de la construire.» Envie de partir, de se reconstruire ailleurs ? «Oui, répond Sailesh. Mais la maison ne vaut plus rien.» Alors, il faut faire avec.

Cimetière

Se rassurer que tout va bien et s’assurer qu’on est en sécurité : «Des antivols, des cadenas, des chiens…On se protège au maximum. Ce ne sont pas les caméras de sécurité de la prison qui vont nous protéger.» Natacha partage le même avis. Après tout, se dit-elle, vivre à côté d’un centre pénitentiaire, c’est comme vivre à deux pas d’un cimetière : à la longue on s’y fait ! Néanmoins, la jeune mère de famille avoue avoir «un peu peur» quand elle entend, au loin, des cris : «Surtout quand je suis seule.» Elle non plus ne veut pas décliner son identité : «Je ne veux pas que tout le monde sache que je vis là.»

Est-ce une honte d’avoir comme proche voisin une prison ? Peut-être. Mais Rosemay ne le vit pas ainsi. C’est à Grande-Rivière, à quelques mètres de la prison de la localité, que se trouve la maison de cette dame d’un certain âge. Méfiante, c’est à travers son portail qu’elle répond à nos questions : «Nous sommes des personnes âgées, nous vivons seules. Je ne veux pas me mettre en danger.» Elle vit dans ce quartier depuis plus de 50 ans. Et n’a rien oublié : «Quand il n’y avait qu’un simple mur, les détenus envoyaient des roches sur nos maisons.»

Vitres brisées, peurs nocturnes… La vieille dame garde de mauvais souvenirs de ces années-là. Mais elle est plus rassurée depuis la mise en place d’un haut grillage, il y a quelques années. Justement, ce fencing se dresse de toute sa hauteur sur plusieurs mètres. Intimidant, il donne à la rue déserte un petit air de désolation avec les lianes vertes qui s’accrochent à ses mailles de métal. En arrière-plan, une tour de garde est visible. Elle rassure un peu Madeleine Anodin qui vit à deux pas de la prison. C’est là qu’elle a vu grandir ses enfants. C’est là qu’elle vit seule, aujourd’hui : «Le tout c’est de prendre ses précautions.»

Elle aussi se rappelle la période où les choses étaient moins faciles : «Les gens venaient et envoyaient des paquets aux prisonniers. On se disait que ça devait être de la drogue.» Dans ces moments-là, il fallait tout simplement se barricader à  la maison, se rappelle-t-elle. Et même si en 2010, 33 prisonniers se sont évadés de la prison de Grande-Rivière – avant d’être repris quelques jours plus tard – elle se sent «en sécurité» : «Le jour de l’évasion, je ne me suis pas inquiétée. Ils n’allaient pas venir chez nous, c’était bien trop près.»

Noorreza pense la même chose : «Ce jour-là, ma porte est restée grande ouverte.» Elle a toujours vécu à côté de la prison. Alors, la vue sur le long et haut fencing, elle y est habituée !

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