Le couple s’est marié civilement en Afrique du Sud.
La cérémonie religieuse a eu lieu dans un appartement à Paris et réunissait tous leurs proches.
Ils se sont unis civilement il y a sept mois en Afrique du Sud mais leur «mariage religieux» n’a été célébré que tout récemment. C’est un ami à eux, originaire de Maurice et installé en France, qui a officié lors de cette cérémonie hautement médiatisée…
Un «symbole d’amour» pour certains. Du «grand n’importe quoi» pour d’autres. Quoi qu’il en soit, le mariage de Ludovic Mohamed Zahed, 35 ans, et Qiyaam, 29 ans – tous deux de confession musulmane –, célébré le samedi 18 février à Sevran, en Seine-Saint-Denis, en France par «un imam mauricien», a fait couler beaucoup d’encre et continue à susciter pas mal de commentaires dans le grand Hexagone. Un article paru sur le site Yahoo, le 28 février, et intitulé France : ce premier mariage gay célébré par un imam parle de ce «mariage unique en son genre» et revient sur cette cérémonie pas comme les autres qui a eu lieu dans un appartement en présence de leurs familles et amis.
Libération.fr (d’autres sites d’information font aussi écho de ce mariage), publie aussi l’histoire de Ludovic et Qiyaam dans un article datant du 1er mars, avec pour titre Deux hommes musulmans se marient à Paris. L’article fait état du mariage religieux, du rôle de l’«imam Jamel» et donne la parole à Ludovic qui explique pourquoi Qiyaam et lui ont décidé de «médiatiser» leur mariage : «Afin de sensibiliser la société sur les difficultés qu’un couple comme le nôtre peut traverser en raison de son orientation sexuelle et de sa confession religieuse.» Il souligne également que «tout est compatible, à condition d’être fidèle à ses valeurs. Tous les savants musulmans s’accordent à dire que l’islam n’agit pas sur les relations interpersonnelles. L’islam est une voie sur laquelle l’on progresse, pas un dogme oppressant duquel on ne puisse se sortir».
Mais c’est dans le magazine français VSD que ce mariage gay est narré de long en large, sur deux pleines pages avec même l’interview de l’imam «Jamel, originaire de l’île Maurice». Pour parler de cet événement qui suscite de vives réactions, le magazine titre Mariage gay : les musulmans aussi et invite les lecteurs à prendre connaissance de l’histoire de Ludovic (d’origine algérienne) et de Qiyaam (d’origine sud-africaine) et à découvrir les clichés de leur grand jour.
«Ils ont choisi de briser un tabou en célébrant leur mariage (…) VSD était de la noce…» Ainsi débute cet article (qui souligne que sept pays au monde exécutent les gays) qui raconte, dans les détails, la célébration œcuménique où le Notre Père mais aussi une prière en hébreu ont été récités avant que Jamel ne se charge «d’unir les deux mariés».
Invité à nous parler de sa démarche de se «marier religieusement» avec Qiyaam, Ludovic, président de l’association Homosexuels musulmans de France (HM2F) et détenteur d’un doctorat en anthropologie du fait religieux, nous raconte : «Nous nous sommes mariés devant un officier de l’état civil à Cape Town le 12 août 2011, puisqu’en Afrique du Sud le mariage est ouvert à tous les citoyens quels que soient leur sexe, leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.» Mais l’envie de s’unir religieusement est plus forte que tout pour le couple : «Le mariage ce n’est pas un besoin mais un symbole d’amour.» C’est cet aspect que les amoureux, qui se sont rencontrés en 2010, voulaient «partager» avec leurs proches.
C’est ainsi qu’ils ont organisé la cérémonie, qui s’est tenue il y a environ trois semaines. Pour officier la célébration de leurs noces, les tourtereaux ont choisi sans hésiter leur ami Jamel, qui est lui aussi homosexuel. «Il est membre du conseil d’administration de HM2F, l’association que je dirige, et est aussi en charge d’un groupe de prière et méditation», nous explique Ludovic.
«Mal vu à Maurice»
Lui et Qiyaam ne voulaient personne d’autre pour célébrer la cérémonie. «C’est un frère en humanité et en islam et il est aussi bien placé pour comprendre ce que nous vivons Qiyaam et moi parce qu’il est lui-même homosexuel. Il est issu d’une famille très religieuse à Maurice et il connaît le poids de la responsabilité de la fonction sociale d’imam qui consiste à prendre l’initiative de la prière commune lors de la bénédiction de l’amour de deux individus. En arabe, imam signifie celui qui est devant la communauté», souligne Ludovic.
Le Mauricien Jamel insiste aussi sur ce fait : «L’imam a une fonction sociale quelle que soit sa vie privée ou son orientation sexuelle.» Interrogé dans VSD sur son homosexualité, notre compatriote, qui n’a jamais fait son coming-out avec ses proches, a déclaré ceci : «C’est mal vu à l’île Maurice de ne pas affirmer sa virilité.»
Ludovic et Qiyaam, eux, ont franchi ce cap. À travers leur «mariage religieux», ils ont tout simplement voulu «partager la joie de (leur) amour». «Il est temps que la France se mette au même niveau que de nombreux pays, ce qui permettrait à des homosexuels comme nous de moins souffrir de discriminations. Les homosexuels sont des citoyens comme tous les autres. Nos revendications ne sont pas des revendications particulières. Il s’agit simplement de nous accorder les droits humains fondamentaux dont tous les citoyens devraient pouvoir jouir en toute liberté », souligne Ludovic, auteur aussi du livre Le Coran et la chair, publié aux éditions Max Milo Paris et dans lequel il raconte son histoire personnelle… Lui qui se bat tous les jours pour faire avancer la cause des homosexuels mais surtout pour vivre son amour au grand jour.
Ludovic : «Le véritable problème, c’est le machisme et la peur de l’altérité…»
«Diriez-vous que l’islam est contraire à l’homosexualité ?» À cette question dans une interview postée sur Libération.fr, Ludovic Mohamed Zahed répond : «L’islam n’a pas d’adresse ; l’islam n’a pas non plus de numéro de téléphone auquel il pourrait être joint. C’est des musulmans de France que dépend l’islam de France. C’est à nous qu’il appartient de suivre, véritablement, l’exemple inclusif d’un Prophète des musulmans qui interdisait formellement que l’on s’en prenne aux hommes efféminés de son époque.»
Ludovic ajoute que «le véritable problème, c’est le machisme et la peur de l’altérité, pas l’homosexualité qui fut presque toujours tolérée au sein d’un monde arabo-musulman dont la littérature fut à certaines époques ouvertement empreinte d’homoérotisme». Plus loin, dans cette même interview, le jeune homme souligne «qu’il est possible d’être homosexuel et musulman, et de construire une vie apaisée, même lorsque l’on subit des doubles discriminations telles que le racisme, l’islamophobie, l’homophobie ou encore la transphobie, nous pensons notamment aux jeunes issus d’une famille musulmane, qui ne doivent pas désespérer de se découvrir homosexuel à l’adolescence».
Une cérémonie pas comme les autres
Le mariage de Ludovic et Qiyaam reste un acte symbolique car l’islam et l’État français ne reconnaissent pas ce genre d’union. Mais les mariés, attachés à leur religion tout en étant pour le dialogue interreligieux, voulaient absolument vivre ce moment spécial. Entre chips, plats chauds sud-africains, crudités, dattes et autres pâtisseries du Maghreb, les petits plats avaient été mis dans les grands. C’est dans un décor à l’orientale, aux sons de musiques indiennes et autres films bollywoodiens qui étaient projetés, que Ludovic et Qiyaam s’étaient entourés de leurs proches et de leurs amis membres d’associations homosexuelles chrétiennes et juives. Des prières de plusieurs religions ont aussi été récitées à cette occasion.